OBSERVATION VI
(ANNEE 1881) HYSTERIE - HEMIANESTHESIE GAUCHE
DEBUT DE TUBERCULOSE PULMONAIRE
HEMILATERALE
GAUCHE. CREPITATION ELECTRIQUE des
CHEVEUX-SENSIBILITE AUX ORAGES.
SENSIBILITE a L'HYPNOSCOPEde J.
ocHorowicz, a
L'AIMANT
ET A L'ÉGARD DE CERTAINS MÉTAUX. - NEURISABILITE Attaque nerveuse. - Le 1 décembre 1884, je fus
appelé en toute lutte, à huit heures du soir, «auprès de Mlle
L..., jeune fille âgée de vingt ans, qui, me disait-on, s'était trouvée mal.
En arrivant chez elle
j'entendis des cris qui me rassurèrent sur la gravité de la situation,
parce qu'ils me firent penser tout de suite à une attaque d'hystérie.
Je trouvai la malade au
lit, et au moment où je m'approchais d'elle, lui demandant comment elle
allait et lui tendant la main, elle me regarda fixement, recula un peu, puis
relira sa main avec une certaine expression de dépit. Je lui demandai qui
j'étais et elle ne me reconnut pas.
Avant de procéder à
un examen détaillé des phénomènes pathologiques que présentait la
malade, je demandai aux parents ce qui s'était passé.
Début de l'attaque Vers la lin du dîner, Mlle
L... était passée dans sa chambre pour y prendre un objet, du fil. Ne la voyant
pas revenir, ses parents furent tout d'abord surpris de la longueur de
l'absence, puis entendant des gémissements ils entrèrent dans ta chambre
et la trouvèrent par terre appuyée contre un canapé. Ils s'aperçurent
bien vite qu'elle ne les reconnaissait pas, et que même elle délirait.
L'ayant alors mise au lit, ils me firent demander aussitôt.
Causes de l'attaque. Rien n'avait paru
occasionner celle attaque si ce n'était peut-être une discussion sans
grande importance avec son père, mais il était bien certain que depuis
longtemps Mlle L... concentrait en elle des peines morales.
Premiers commémoratifs. D'autre part elle était depuis quelque temps, et, tout au moins, depuis
le mois d'août, hémianesthésique du côté gauche.En même temps elle toussait, ne mangeait que fort peu, avait maigri,
transpirait la nuit et sa respiration était obscure au sommet gauche.
Ou
avait encore remarqué que depuis huit jours, ses cheveux crepitaient dès qu'elle
les prenait dans ses mains.
Je restai
auprès d'elle jusqu'à onze heures avec un confrère qui, vu la gravité
apparente de la maladie, avait été appelé presque en même temps que moi et m'avait suivi de
près dans ma visite.
Nous pûmes donc observer la malade
pendant trois heures environ, tout en la traitant.
Pendant ce temps l'attaque nerveuse a
présenté deux périodes, une première
période d'agitation, qui a été la plus longue, et une deuxième
période de calme relatif.
PRINCIPAUX PHENOMENES
MORBIDES OBSERVES ETA DE IA SENSIBILITE SPÉCIALE
Mlle voyait et entendait. Ainsi elle
fixait les yeux sur les personnes qui s'approchaient d'elle, et paraissait se
rendre compte de tous les mouvements que
l'on faisait autour d'elle. Elle répondait quand on lui adressait la
parole.
ETAT DE LA SENSIBILITE GENERALE
La sensibilité paraissait abolie partout,
lorsqu'on la piquait ou pinçait. Mais
fréquemment elle portait ses mains à la tète, se plaignant
de souffrir beaucoup.
ÉTAT DE LA MOTILITÉ
Dans une première phase elle était
très agitée, se couchait, s'asseyait sur son lit, se tournait à
droite, à gauche, portant fréquemment
pendant ce temps ses mains a la tète. Évidemment l'hyperesthésie
du cuir chevelu dominait parmi les troubles éprouvés par
la jeune malade. D'autres fois elle semblait calme, mais cet état ne durait que
quelques secondes.
Elle
était capable de déployer une force considérable. Ainsi lorsque
nous voulions lui saisir les mains, ou bien faire la compression
ovarienne ou lui appliquer des sinapismes, nous parvenions avec grand'peine,
mon confrère et moi, à la maintenir dans un
état d'immobilité suffisant. Elle essayait alors de mordre, de griffer.
La respiration était gênée, spasmodique.
ETAT DEL'INTELLIGENCE
Elle
ne reconnaissait personne de son entourage, ni son père. ni sa mère, ni sa
petite sœur, ni mon confrère ni moi.
Souvent
elle appelait son père et sa mère, alors ceux-ci s'approchaient
a tour de rôle en lui disant : Voilà papa, ou : Voilà maman.
Non disait-elle, tu n'es pas papa, lu n'es pas maman.
Tantôt elle riait aux éclats, tantôt elle pleurait.
Souvent
elle prenait l'altitude de l'effroi dès qu'on s'approchait d'elle.
D'autres fois elle restait tout d'abord calme puis subitement et
tout en éloignant son corps elle nous repoussait violemment avec la main ou le poing.
Elle
délirait. Elle ne se croyait pas chez elle. Elle demandait
à être ramenée à la maison, chez son
pere et sa mère. Alors ceux-ci s'approchaient
de nouveau pour se faire reconnaître et l'embrasser, mais elle les repoussait.
Elle
inspectait du regard sa chambre, son lit, tout ce qui l'entourait, puis elle
haussait, les épaules comme une personne qui. cherchant a
se retrouver dans son milieu ou chez elle, ne parvient pas
à s'y reconnaître et en éprouve une vive contrariété. Aussi ne
cessait-elle de demander à partir et à revoir son père et
son mère. Évidemment, dans son délire, elle croyait
être ailleurs que chez elle, dans une maison étrangère.
Traitement employé. Nous avons fait respirer de l'éther,
puis tait des piqûres de morphine de
cinq milligrammes chaque. Elle a vomi, et n'a éprouvé aucun soulagement.
Nous avons essayé de lui prendre les mains, de faire des passes appliquées sur le front, elle se déballait
en déployant une force extraordinaire.
Nous avons aussi
essayé de faire de la compression ovarienne. Aucun de ces moyens n'a réussi.
Des sinapismes Rigollot ont eté appliqués
sur divers points du corps, à la nuque, au dos, au creux épigastrique,
à la partie supérieure des jambes,
mais sans succès. Elle les sentait pourtant, par elle paraissait en souffrir et cherchait a les
retirer ; mais nous n'avons pas eu l'idée de rechercher si la douleur
des sinapismes était plutôt perçue à droite qu'à gauche.
Puis d'autres
sinapismes furent appliqués au niveau des fosses iliaques à droite et à gauche. A
partir de ce moment elle fut plus aime. Il était environ dix heures et demie.
A onze heures nous nous retirâmes pensant
que nous pouvions la quitter sans inconvénient et ordonnâmes des suppositoires
au chloral.
RETOUR DE LA CONSCIENCE ET
DE LA SENSIBILITE
Le lendemain, 2
décembre, son étal était le même. La conscience n'etait pas revenue, et la sensibilité
continuait a etre abolie partout. Nous ordonnâmes du bromure do
potassium et de la glace sur la tête.
le 3 décembre, elle commence par
reconnaître sa mère, mais elle n'a
pas encore reconnu son père ni d'autres personnes de la famille,
ni les médecins qui la soignent.
La sensibilité commence à revenir
sur toute la moitié droite du corps. A gauche elle est toujours abolie.
Ainsi nous voyons que le retour de ta
conscience suit le retour de lasensibilité.
A deux heures de l'après-midi elle reconnaît son
père. A partir de ce moment elle reconnaît tout le monde.
Mais elle ne se souvient plus de rien, sinon
du moment où elle est tombée dans sa chambre. Elle avait éprouvé
subitement une bouffée de chaleur a la face, nous dit-elle, etavait perdu conscience de ce qui se passait autour
d'elle.
4 décembre. Je l'ai revue à cinq
heures de l'après-midi et l'ai trouvée dans l'état suivant :
ETAT DE
LA SENSIBILITE SENSIBILITE GENERALE
Toute la moitié latérale gauche est
absolument insensible, La moitié latérale droite est sensible.
SENSIBILITE SPÉCIALE
Hyperesthésie du cuir chevelu. Elle se plaint de souffrir encore au cuir chevelu. Elle sent comme une
calotte douloureuse qui couvre tout le crâne.
OUIE
Ouïe. Elle entend très distinctement le
tic-tac de ma montre à la distance de près d'un mètre avec
l'oreille droite. Ne l'entend avec l'oreille gauche qu'a une distance de
quelques centimètre».
VUE
Voit trouble avec
l'œil gauche. Voit beaucoup mieux avec l'œil droit sans pourtant y voir encore
très distinctement.
SENSIBILITÉ
NASALE ET BUCCALE
Sent mieux la
colonne d'air qui passe par la narine droite que celle qui passe par la narine gauche. Et
lorsqu'elle promène la langue
dans la bouche elle sent mieux la muqueuse de la joue droiteque celle de la joue gauche.
ÉTAT DE LA MOTILITÉ
Elle est faible sur ses jambes. Si on la
prie de se tenir debout ses genoux fléchissent
et elle tomberait par terre si on ne la soutenait. Il existe de la
parésie des membres inférieurs, mais cette paresie est manifestement plus
accusée à gauche, du côté de l'anesthésie qu'à droite (anesthésie
et amyosthénie hémilatérales gauches).
Aux bras la
diminution de la force musculaire semble égale des deux côtés.
ETAT DES FACULTES
INTELLECTUELLES
Ellereconnaît tout le
monde, se souvient du moment où elle est tombée malade et du moment
où elle est revenue à elle, mais elle ne sait rien de ce
qui s'est passé durant l'attaque.
Apres ces constatations je la soumets
à quelques expériences pour savoir si elle est sensible à la
neurisation.
NEURISATION
l'ASSES
DESCENDANTES EN REGARD DE LA FACE DORSALE DU BRAS DROIT
Ces passes provoquent une sensation de vent frais
le long de la région parcourue et surtout au
niveau de la main.
PASSES
DESCENDANTES EN REGARD DE LA FACE DORSALE DU BRAS
GAUCHE
Elles
ne produisent aucune sensation.
SUPERPOSITION DES DOIGTS
La
superposition, à faible dislance, de mon doigt indicateur au-dessus
de la face dorsale du doigt médian de la malade, provoque une sensation do
fraîcheur à droite, et ne produit aucune sensation â gauche (côté
anesthésie).
PASSES
CRANIENNES ASCENDANTES
Comme Mlle L... se
plaignait de souffrir de la tete j'ai fait des
passes ascendantes autour du crâne, et en quelques minutes elle a été
calme.
DIFFERENCES
DANS L'IMPRESSIONNABILITE
DES
DEUX MOITIES LATERALES DU CORPS DU SUJET
Je
demande à la malade si elle se souvient d'avoir éprouvé quelquefois du
malaise lorsqu'elle se trouvait placée à la droite ou à
la gauche de quelqu'un, tille répond qu'elle a fait effectivement cette
remarque, mais qu'elle ne sait pas pour quel coté.
Je
lente alors une expérience qui pourra peut-être m'éclairet sur ce point particulier.
Je
m'assieds à sa gauche (côté anesthésie).
Après quelques secondes elle éprouve de la chaleur
et de l'oppression. Je lui dis de compter,
elle le fait avec peine et semble essoufflée. Elle doit faire,
dit-elle, de grands efforts. Mlle se sent troublée, inquiète.
Je
m'assieds à sa droite. Tous ces malaises
disparaissent promptement et elle déclare qu'elle se sent
très à l'aise et gaie (1).
1.Voy. Obs. I, II, III, VII et XII.
INFLUENCEDES
MÉTAUX
J'apercois
à un des doigts do sa main droite une énorme bague en
ormassif, et une autre plus petite, et je lui demande si elle aime d'avantage l'or
que les autres métaux, si elle n'éprouve
pas quelque sensation particulière lorsqu'elle, touche
les boutons en cuivre des portes de l'appartement.
Elle
repond qu'elle aime beaucoup toucher, manier sa bague, et les
bijoux en or en général, mais que le contact du cuivre lui répugne, qu'elle évite de
le toucher.
Elle porte des bracelets en argent au bras gauche.
Lui
ayant demandé si elle détestait toucher d'autres substances, elle m'a
répondu qu'elle n'aimait pas toucher le satin.
Cephalalgie
calmée par despasses. 5décembre.
La céphalalgie est revenue le soir. Des passes lui ont donné quelques heures de
calme.
Le
lendemain, 6 décembre, je fais quelques expériences avec l'hypnoscope
dans le but de savoir si elle est sensible à son action et
se trouve ainsi dans ta règle d'après laquelle toutes les personnes
sensibles à l'hypnoscope seraient susceptibles d'être influencees
par la neuricité. J'emploie successivement l'hypnoscope-ressort(mon
ressort métallique cylindrique) et l'hypnoscope-aimant de J. Ochorowicz.
EMPLOI
DE L'HYPNOSCOPE-RESSORT
1°Application de
l'hypnoscope-ressort au doigt indicateur droit.
a. L'hypnoscope-ressort
est tenu par une de ses extrémités pendant
que l'autre extrémité recouvre le doigt.
Après
une minute : picotements à ta face palmaire du doigt. Après une minute et
demie : état stationnaire.
b. La
partie de l'hypnoscope qui reçoit le doigt de la malade est saisie et entourée par ma main.
Après une demi-minute : sensation
de chatouillement tout autour du doigt.
Le doigt étant alors
retiré, la sensation de chatouillement continue; en mémo temps je constate que la sensibilité
du doigt est augmentée.
Le doigt est remis
dans le ressort une demi-minuteaprès. Immediatement il se produit dans ce doigt la même
sensation de chatouillement, avec
battements à son extrémité. Puis la sensation de chatouillement
remonte jusqu'au milieu de la longueur de l'os métacarpien correspondant.
Ensuite, six minutes et demie apres le début
de l'expérience, la sensation de chatouillement se change en sensation
de chaleur. Celle chaleur augmente puis reste stalionnaire.
Je retire
l'instrument et je constate que le doigt est devenu plus sensible.
Le chatouillementautourde l'indicateur
droit dure encore trois à quatre minutes en disparaissant peu à peu
et la malade, pendant ce temps, ne peut s'empêcher de gratter son doigt.
2° Application de l'hypnoscope-ressort autour du doigt indicateur
gauche en le tenant à pleine main au niveau du pourtour du doigt.
Après
trois minutes il ne se produit aucune sensation (1).
EMPLOI
DE L'HYPNOSCOPE-AIMANT DE J. OCHOROWICZ
1APPLICATION
DE L'HYPNOSCOPE-AIMANT
autour DUdoiGt INDICATEUR DROIT
Après une
demi-minute : sensation de chatouillement presque insupportable lotit autour
du doigt. La malade Trotte son doigt contre les parois de l'hypnoscope.
Après deux
minutes à la sensation de chatouillement s'ajoute une sensation de chaleur tres nette.
1. Voy. la description etle mode d'emploi du
ressort en boudin à la page 317.
Après trois minutes l'instrument
est retiré. La sensibilité du doigt se trouve augmentée.
2 APPLICATION DE L'HYPNOSCOPE-AIMANT AUTOURDU DOIGT INDICATEUR GAUCHE
Céphalalgie calmée par des passes. Pour lu troisième fois la malade se plaint devant moi de céphalalgie et je
ta calme au moyen de passes ascendantes crâniennes appliquées.
Le lendemain, 7
septembre, je reviens sur l'examen des commemoratifs et j'obtiens de la malade
et de la famille de nouveaux renseignement sur les antécédents de la malade.
Il ne se produit aucune sensation (1).
COMMÉMORATIFSCOMPLÈMENTAIRES
Hérédité pathologique. Du côté des grands-parents nous ne
remarquons rien.
Le père,
auquel elle ressemble physiquement} avoue qu'il s'emporte facilement.
La mère est d'un naturel calme. Une
de ses sœurs, âgée de quarante ans, est très exaltée.
Menstruation.
Elle a été réglée
à l'âge de quinze ans. Depuis, lesrègles ont été peu abondantes et ont manqué quelquefois. Elle n'a
jamais été noctambule.
Elle
passe facilement de la gaieté à la tristesse. Le frein de l'imagination,
si l'on peut exprimer ainsi, est faible chez elle. Troublesdivers. On me répète que Mlle
L..., parait malade surtout depuis le mois d'août dernier.
Fièvre typhoïde. Elle a eu la fièvre typhoïde
a l'âge de treize ans. Depuis celle époque sa santé est moins forte et elle est
sujette à de la céphalalgie siégeant au sommet de la téte, et à
des névralgies sus et sous-orbitaires.
1. Voy. p.
319, pour la description et le mode d'emploi.
Hémoptysie, Il y a un an et demi pendant qu'elle
toussait elle a craché du sang deux fois mais en petite quantité.
Bains de mer. Depuis deux ans
elle ne peut pas supporter les bains de mer : ces bains l'excitent trop.
Conjonctivite. En septembre et octobre dernier elle a
été atteinte d'une conjonctivite double qui
aurait été bien plus intense à gauche.
Névralgie intercostale. Depuis celte époque elle se plaint d'une névralgie assez, vive a gauche au niveau
des espaces intercostaux, surtout en bas.
Lourdeur du bras gauche. Cet été elle sentait que son bras gauche
était très lourd.
Chair de poule au bras gauche. Depuis cette époque aussi, elle ressent souvent le phénomène de la
chair de poule sur le bras gauche.
Sensation de froid au bras gauche. Souvent le bras gauche est plus froid
que le bras droit.
Appétit. Sommeil. Depuis le mois de juillet on
constate, dans sa famille, qu'elle n'a pas d'appétit, pas de sommeil.
HALLUCINATIONS
Depuis le mois de juillet elle a eu trois
hallucinations remarquables et qui ont fait une forte impression sur son
esprit.
PREMIERE HALLUCINATION
A la fin de juillet 1884, elle eut ce
qu'elle appelle une vision blanche. Il était neuf heures du soir. Dans une des
stations de montagne des Alpes-Maritimes elle revenait d'une longue promenade
avec ses parents. La lune brillait dans son plein. A un moment donné elle vit devant elle le corps d'une
femme drapé de blanc et montrant le
ciel du doigt. Cette vision s'effaça très vile. Quelques instants
après, tournant la tète en arrière, elle eut la même
vision, ce qui acheva de l'effrayer.
DEUXIEMEHALLUCINATION
An commencement du mois
d'août 1884 elle eut une autre vision, une vision rouge. Il était cinq heures du
soir. Elle était dehors lursqu'elle aperçut devant elle a une petite distance
un personnage vetu de rouge, portant a la région
du cœur une large ouverture par
laquelle le sang ruisselait en abondance, et qui armé d'un poignard en
dirigeait la pointe vers son coeur à elle. Elle fut aussi très
effrayée.
TROISIÈMEHALLUCINATION
Enfin en octobre dernier elle eut, vers
deux heures du matin, étant dans son lit, une hallucination qui la terrifia.
Elle vil un monsieur entrer dans sa chambre
et se diriger vers elle armé d'un poignard. Ensuite il en vint un autre.
Elle eut, malgré son trouble, la force de sonner, et sa mère accourut
auprès d'elle et la rassura.
Cette hallucination lui rappelle une
scène d'assassinat vue au theatre un an auparavant.
NOUVELLES CONSTATATIONS
ÉTAT DE LA SENSIBILITE
SENSIBILITE GENERALE
L'hemianesthesie
gauche est toujours absolue.
La
sensibilité est peut-être un peu exaltée sur la moitié latérale
ï droite.
SENSIBILITÉSPÉCIALE
Les pupilles sont égales. Mais la gauche
est peut-être un peu parreseuse. Les paupières sont
insensibles. La sclérotique gauche est presque insensible. Elle supporte
le contact d'une téte d'épin-
gle. A droite ce contact
provoque une vive réaction sensitive et motrice. Je n'ai pas fait de recherches sur la sensibilité de la cornée.
ÉTAT DELA
VUE
Avec les deux yeux elle voit trouble a distance.
Avec
l'œil gauche elle voit également trouble à distance. Avec
l'œil droit elle voit clair. Dans les trois cas elle se fatigue vite en
fixant une page d'impression.
ŒIL GAUCHE
Avec l'œil
gauche seul elle peut lire les caractères d'imprimerie de 1 millimètre 1/3 de hauteur,
à 20 centimètres de distance.La vue à cette distance
n'est pas trouble. Mais les caractères dansent bien vite devant les
yeux. A une distance plus grande elle voit trouble.
Je conclus qu'il
existe à gauche une myopie moyenne par spasme dumuscle de l'accommodation (hémi-myopie gauche
moyenne)(1).
Remarques. Il est probable que dans les autres cas
analogues d'hémianesthésie, dans lesquels la vue du côté anesthésie est
trouble, il s'agit en grande partie, sinon uniquement parfois d'un trouble provenant d'une myopie acquise par
suite de spasme du muscle de
l'accommodation (hypersthénie accommodatrice).
ŒIL
DROIT
Avec l'œil droit seul elle peut tire
distinctement à 60 centimètres les mêmes caractères.
Avec les deux yeux
elle peut lire à 20 centimètres mais avec beaucoup de gène.
OREILLES
Le tic-tac d'une
montre est entendu distinctement par l'oreille droite à un mètre au moins de
distance.
1. Voy. Obs. II et V.
OREILLE GAUCHE
Le tic-tac de la montre n'est entendu
qu'à 5 centimètres de distance.
Remarques. Il est probable que cette surdité
relative est le résultat d'un spasme des muscles des osselets, et que dans les
autres cas analogues d'hémianesthésie une partie tout au moins de la surdité
relative est due à la même cause.
En présence de ces
phénomènes d'hypermyosthénie il était intéressant de rechercher si on
pouvait en obtenir l'amélioration par l'emploi de la neuricité résolvante, le souille.
REVEIL DE LA SENSIBILITE
GENERALE ET SPECIALE PAR LE SOUFFLE REVEIL DE LA SNSIBILITE
GENERALE
A travers le tube
d'un stéthoscope dont la lumière a quatre millimètres de diamètre j'ai
soufflé sur un point de la face dorsale de l'avant-bras gauche.
Retour de la sensibilité. Après un tiers de minute environ
ellecommence a sentir le
souffle disant que c'est frais. Cette sensation s'accentue ensuite.
Après trois ou quatre minutes je
constate qu'en ce point limité lasensibilité
est revenue presque entièrement.
Transfert de la sensibilité. En môme temps le point homologue de
l'autre avant-bras est devenu presque insensible. Il y a euévidemment transfert.
RÉVEIL DE LA SENSIBILITE
SPECIALE
Ce réveil, ainsi que nous allons le voir, va se produire par
l'intermédiaire du réveil de la sensibilité générale des organes de la
sensibilité spéciale, et la résolution du spasme des muscles des appareils
sensitifs.
OEIL GAUCHE
A
travers le conduit du stéthoscope je souffle sur la paupière supérieure
abaissée de l'œil gaucho. Après un quart de minute environ
la malade accuse une légère sensation do chaleur.
Aprfes
troisou quatresminutes je cesse
de souffler, et
je constate que la paupière, tout à fait
insensible avant, est devenue sensible.
Je
souffle ensuite de la même manière sur le globe oculaire (de l'œil
gauche toujours). Après une demi-minute la malade y accuse une sensation de froid.
DIMINUTIONS DE LA
MYOPIE
Je prolonge
le souffle deux ou trois minutes, puis je constate que tandis
qu'avant elle ne pouvait lire avec cet œil gauche au delà de 20
centimètres de distance, elle peut lire maintenant à 25centimetres.
Après une ou deux minutes il y a retour à
l'état ancien.
Il
nous parait évident qu'en souillant ainsi sur le globe oculaire nous avons
influencé le muscle de l'accommodation, et la myopie consécutive
au spasme de ce muscle a été ainsi corrigé en partie et momentanément.
OREILLE GAUCHE
Je
souffle dans le conduit auditif gauche. Après un quart à-minute,
sensation de chaleur. Je continue à souiller durant trois ou
quatre minutes. Puis je constate que la malade peut entendre, de
ce côté, le. tic-tac de la montre a 7 centimètres 1/2 tandis qu'avant
elle ne l'entendait qu'à 5 centimètres.
Il
nous Semble encore résulter de cette expérience que le souffle a
fait cesser le spasme des muscles des osselets et favorise ainsi la perception des sons.
CONSTATATIONS
ULTERIEURES RETOUR DES MOUVEMENTS
ET DE LA SNSIBILITE
10 décembre. Depuis hier Mlle L... peut
se tenir debout et marcher. Mais elle a une tendance manifeste à
pencher vers le côté gauche et aussi en avant.
La sensibilité commence à
revenir dans le côté gauche. Ainsi elle sent
le pincement et les pressions fortes exercés sur les téguments, du ce
côté. Elle sent aussi un peu le chaud et le froid.
EXAMEN DE LA SENSIBILITE
DE LA LANGUE ET DES LEVRES
La moitié gauche de la langue est
insensible. Il en est de même de la moitié gauche des lèvres. A
droite la sensibilité est normale.
NOUVELLES
RECHERCHES SUR L'IMPRESSIONNABILITÉ A
DISTANCE DE LA MOITIE GAUCHE DU CORPS DE LA MALADE
Si je place ma main en regard de sa joue
gauche elle éprouve de la chaleur.
Si je la place en
regard de sa joue droite il ne se produit aucune snsation.
Si je me place debout ou assis à
sa gauche elle éprouve de la gene,un vague sentiment d'effroi, et
de l'oppression.
Si je me place à sa droite elle éprouve au
contraire du bien-etre.
17 décembre. L'anesthésie existe encore
à gauche quoique diminuée. La myopie relative persiste mais moins forte
a gauche.
Emploi de l'esthèsiometre. Sur la face dorsale de la main gaucheelle ne sent qu'une des deux pointes, avec un écart maximum de 3
centimètres. Sur la face dorsale de la main droite elle ne sent qu'une des deux pointes, avec un écart
maximum de 2 centimetres.
Retour des règles. Les règles réapparaissent dans la nuit du 25 au 20 octobre, époque
prévue. Mais le 20 elle subit une vive contrariété et elles s'arrêtent. Le
lendemain, 27 octobre, elle se plaint de souffrir autour de l'œil gauche. Elle est
excitée ; je trouve encore un léger degré d'hémianesthésie à gauche.
Appelé de nouveau auprès d'elle le 2 février 1886, je procède a un nouvel examen.
D'une façon générale
Mlle L... a été assez bien portante, me disent ses parents, jusqu'à il y a un mois
et demi ou deux mois. Depuis cette époque elle se plaint de douleurs ala
partie gauche de la tête et Au cou, qu'un examen attentif permet de
localiser dans le champ de distribution des nerfs de la cinquième paire et du plexus cervical superficiel
gauches (névralgie de la cinquième paire et du plexus cervical
superficiel gauches).
Cette névralgie est
continue et s'accompagne d'une diminution de la vue et de l'ouïe du môme côté.
La jeune malade est
toujours très impressionnable et elle parait ètre entrée dans une
phase relativement calme. Tout m'ennuie, dit-elle.
Elle dort mal. Elle
éprouve souvent des petits frissons, le long de la colonne vertébrale.
Il y a plus d'un
mois elle a souffert longtemps de crampes des muscles abdominaux, et elle
rappelle que deux ans auparavant elle avait eu des crampes dans les muscles de la jambe
gauche.
La veille elle s'est
plaint de douleurs abdominales plus accusées a gauche qu'à droite, et sans diarrhée.
Ses cheveux crépitent
et se redressent quand elle les fait passer entre les dents d'un peigne
ou les doigts de sa main.
La menstruation est
irrégulière, le sang pâle. Parfois elle perd en blanc abondamment.
Elle a maigri. Les yeux sont bordés de noir.
L'appétit fait défaut, clcllcmangclrès peu, mais
elle digère bien.
Elle se plaint
fréquemment de nausées le matin ou l'après-midi. Elle est le plus souvent constipée.
Les urines sont
souvent abondantes et blanches. Parfois elle éprouve de fortes envies
d'uriner sans résultat.
Elle tousse par moments. L'examen de la
poitrine ne révèle aucun trouble.
YEUX
Avec l'œil droit seul elle peut
distinguer très nettement à la distance de 65 centimetres les caracteresd'imprimerie de 1
millimetre. Avec
l'œil gauche seul elle ne peut distinguer nettement ces memes
caractères qu'à la distance maxima de 30 centimètres. En
d'autres termes le punctum maximum de la vision distincte, avec
l'œil droit est de 65 centimètres et avec l'œil gauche de 30
centimètres. D'où il résulte, ainsi que nous l'avons déjà
remarque précédemment, un état
d'hémi-myopie gauche moyenne. Seulement le degré de myopie gauche semble
moins prononcé qu'il ne t'était en septembre 1884.
OREILLES
Le punctum maximum de l'audition distincte du tic-tac d'une montre est de 1,95 pour l'oreille droite et de 15
centimètres pour l'oreille gauche.
En comparant ces
chiffres avec ceux précédemment obtenus on voit qu'il y a progrès et pour la vision et
pour l'audition malgré la névralgie actuelle.
Dans la suite j'ai revu Mlle L... à
des intervalles assez éloignés et irréguliers. Sa santé s'est améliorée
graduellement, mais ses parents ont
beaucoup de peine à la faire manger convenablement.
Elle persiste à être
nerveuse, impressionnable mais elle a assez. d'empire sur elle-même.
N'ayant plus eu l'occasion de faire sur
elle de nouvelles observations intéressantes pour le sujet que je traite, je
crois inutile «l'entrer dans de nouveaux
détails sur la santé de Mlle L..., et je me bornerai à mettre en
relief les frais principaux de l'observation qui la concerne.
REMARQUES GENERALESSUR CETTE OBSERVATION
Cette
observation est remarquable aplus d'un titre :
1 Elle nous présente un bel exemple de
délire hystérique et nousvoyons que l'état des facultés intellectuelles est
etroitement lié aux troubles
de la sensibilité;
2 Nous voyons que sensible à la
neurisation, la malade l'est aussi A l'hypnoscope et a l'aimant ;
3 Mes mains, de même que
l'hypnoscope ou l'aimant provoquent des sensations particulières sur les régions visées, et ces sensations ont entre cites une analogie
frappante. Aussi se trouves on conduità faire un rapprochement entre la force neurique et la force magnétique ou électrique.
4 Trois fois des passes ascendantes appliquées
crâniennes ont calmé une migraine
très douloureuse dont se plaignait lamalade.
5° La malade s'est montrée
impressionnable par son cotè anesthésique à l'action des courants neuriques
du corps humain.
6° Les troubles de
la vue et de l'ouïe, consistant dans une diminution de l'acuité visuelle
et auditive, suite probable d'une modification dans le fonctionnement des muscles de
l'accommodation visuelle et auditive, ont
pu être améliorés manifestement quoique passagèrement par
la neurisation pneumique (le souffle).
7 Au moyen du souffle j'ai pu aussi réveiller la
sensibilité sur une partie visée du côté anesthésie, et déterminer, par transfert
de l'anesthésie sur la région homologue (côte sensible).
8° Il est a remarquer que les signes
locaux d'une tuberculose commençante se sont
montrés au sommet du poumon gauche, <ln côté précisément de
l'hémianesthésie
(1).
Que de même la conjonctivite double
a été plus accusée, à l'œil gauche qu'à l'œil droit.
Que le
phénomène de la chair de poule s'est montré souvent localisé au bras gaucho.
1. Voy. Obs. III, p. 513.
Que
les névralgies dont elle a souffert ont été localisées de preference a gauche.
On
sait, du reste, que les hystériques souffrent de préférence du côté de l'hémianesthésie.
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Nous Ferons aussi remarquer que peu de temps avant son attaque
nerveuse ses cheveux crépitaient dés qu'elle les prenait entreses mains.
10 Elle est très impressionnée par les
orages.
11
Enfin elle ne peut supporter le cuivre, particularitefréquemment
observée
chez les hystériques.
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