M. S... agé
de soixante-quatre ans, est un névropathe d'une intelligence supérieure
et très fine. Sa sensibilité physique est aussi exquise
que sa sensibilité morale. C'est un homme de goût par excellence,
plein de tact et de délicatesse. Arthritique dyspeptique, sujet
à la constipation, souffrant d'ailleurs d'une affection prostatique,
il ne peut échapper à un certain degré d'hypochondrie malgré une force rare de
caractère.
Avant la cessation de l'orage il est averti de la
fin prochaine de cotte perturbation atmosphérique par une diminution dans
l'acuité de ses souffrances. Puis, l'orage cessant, il se produit une détente brusque, le calme survient complet.
Névralgies. M. S... est sujet
a des névralgies qui occupent de préférence le côté gauche du corps.
Celle prédominance
des troubles sensitifs dans l'une des moitié du corps me paraît donner la raison des
phénomènes suivants.
Impressionnabilité différente des deux
moitiés latérales du corps. M. S... me raconte que lorsqu'on est assis à sa gauche ou qu'on
lui parle du côté gauche il éprouve une sorte de gène; il se sent alors
moins en train, moins intelligent, et il est obligé de faire un effort pour
parler.
Au contraire,
lorsqu'on est placé à sa droite ou qu'on lui parle du côté droit, il se sent en pleine
possession de son intelligence, il est plus en train, et il éprouve plus de
facilité pour parler.
Au théatre il cherche
toujours une place telle qu'il n'ait pas de voisin à sa gauche.
S'il est placé entre
deux voisins ils'adresse de préférence & celui de droite.
Dans toutes les
réunions ou assemblées dans lesquelles il a été obligé de parler, il dirige ses
regards de préférence à sa droite ou en face de lui, et s'il regarde a gauche, ce qui
est rare, ce n'est que par un effort de sa volonté (1).
Souffrance limitée au
côté (fauche du corps. Le 12 octobre 1884 au matin, M. S... me faitpartd'un autre fait
extrêmement intéressant.
La veille ausoir il s'est
endormi souffrant dans toute la moitié gauche du corps : front, tempe, nez, gosier, cou,
épaule, bras, ventre, et membreinférieur.
Cette souffrance consistait : 1° en des
douleurs névralgiques, peu intenses en général, mats un peu plus accusées au
gosier et à l'épaule; 2° en des
crampes localisées à la jambe gauche et à la main gauche.
1. Voy. Obs. I, II, III, VI et VII.
Influence de cette limitation de la
souffrance sur les rêves. dans la nuit il a eu deux reves principaux dans
chacun desquels tout ce qui était beau et agréable était perçu par le côté
droit du corps, et tout ce qui était laid on désagréable ou méme menaçant était
perçu par le côté gauche et cela quelle que fût la position
du corps.
Le matin, au réveil,
la sensibilité exagérée du côté gauche persiste encore.
EFFETS
PHYSIOLOGIQUES ET THERAPEUTIQUES CONSÉCUTIFS A L'APPLICATION
DE L'HYPNOSCOPED'OCHOROWICZ
J'ai appliqué plusieurs fois
l'hypnoscope magnétique autour du doigt indicateur tantôt de la main droite et tantôt de
la main gauche. Toujours il en est résulté des modifications importantes dans
la sensibilité du doigt couvert par l'hypnoscope, qui témoignaient d'une action
prompte et intense de cet instrument (picotements, sensation de gonflement,
d'engourdissement, de battements, légère anesthésie et raideur).
De plus, toute névralgie liée â un refroidissement et
en général toute névralgie non liée à un état gastrique ou
gastro-intestinal était heureusement modifiée ou combattue en dix ou quinze
minutes par l'application de l'hypnoscope a un doigt de l'une ou de l'autre
main, mais avec un succès plus net et plus complet si l'hypnoscope était
appliqué à un doigt de la main droite lorsque ta douleur siégeait
à gauche, à la tête ou au thorax par exemple, ce qui était
le cas habituel.
Ayant acquis la conviction de la réalité
et de la constance de cette action favorable
de l'hypnoscope, M. S... en fit venir un pour sonusage personnel et s'en servit toujours
avec avantage lorsque son application était indiquée.
Dans celte observation nous voyons l'hypnoscope servir â la fois pour le diagnostic et le traitement de
troubles du système nerveux. Nous ferons encore remarquer combien il est
intéressant de rapprocher
la sensibilité tres grande de M. S.,., aux orages de celle non moins grande
à l'hypnoscope.
HYPNONEURISATION.
- SES BONS EFFETS
Les
recherches de M. J. Ochorowicz
m'ayant appris que les personnes sensibles à
l'hypnoscope étaient hypnotisantes, c'est-à-dire susceptibles
d'être impressionnées par lus pratiques de l'hypnotisme,
ayant en d'ailleurs déjà l'occasion de vérifier l'exactitude de cette
assertion chez d'autres malades, je me décidai un jour a exercer
sur mon respectable ami et patient les pratiques de la neurisation.
C'était,
le 26 décembre 1884, la neige était tombée sur les hautes montagnes
qui vers le nord bornent nu loin l'horizon à Nice.
Sous
cette influence M. S... souffrait depuis la veille de vives douleurs dans toute
la calotte crânienne. L'hypnoscope, pas plus qu'un gros aimant, n'avaient pu le
calmer. Bien décidé à ne pas quitter mon
malade et ami avant de l'avoir soulagé tout au moins je résolus d'essayer sur
lui quelques passes.
Je
fis donc des passes ascendantes tantôt appliquées et tantôt distantes, autour
du crâne. J'en lis aussi de descendantes au-dessous des yeux.
Bientôt
la douleur diminua d'intensité et le malade se trouva endormi au bout de dix
minutes.
Quelques
minutes après je le réveillai on souillant sur sa tète.Il déclara
se trouver beaucoup mieux et quelques heures plus tard il était tout à fait
bien.
REMARQUES
GENERALES SUR DETTE OBSERVATION
M.
S... me parait un nouvel exemple de névropathe arthritique auquel le
qualificatif d'hystérique conviendrait assez bien. Les recherches
actuelles montrent d'ailleurs que l'hystérie n'est pas aussi
rare chez l'homme qu'on l'a cru jusqu'à présent et l'on ajoute que
la forme fruste de cette névrose est plus particulière à l'homme
qu'a
la femme, et c'est la raison pour laquelle l'hystérie chez l'homme avait paru une rareté jusqu'à ces
derniers temps. Il appartiendra a
l'époque actuelle d'avoir étudié avec plus de persévérance tous les moyens qui
peuvent permettre de découvrir sûrement cette névrose alors même qu'elle semble se dérober le plus a
nos moyens d'investigation.
De même que
chez la plupart sinon chez tous les hystériques, il n'existe
pas chez M. S... un équilibre parfait dans la sensibilité ou peut-etre mieux
dans la manière de sentir des deux moitiés latérales du
corps et par cela môme des deux hémisphères cérébraux.
Les
névropathes, les hystériques plutôt, ont généralement un mauvais côte si je puis m'exprimer
ainsi.
Le
mauvais côté chez M. S... est le côté gauche. C'est là qu'il souffle
habituellement, et s'il fait un rêve désagréable c'est par le cote gauche
qu'il en a conscience. Les impressions agréables lui sontfournies par le côtédroit (Voy. Obs. V).
Il est sensible aux orages, à l'hypnoscope,
à la neurisation.
L'hypnoscope
lui sert même de moyen curateur. Il l'applique pour calmer ses névralgies
(Voy. Obs. V).
Nous
ferons enfin remarquer qu'il est âgé de soixante-quatre ans pour
montrer que In sensibilité à la neurisation n'est pas l'apanageexclusif
de la jeunesse et peut se rencontrer
dans l'age mur.