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Le Magnetisme Animal

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CHAPITRE II

Histoire du magnétisme animal. — Période académique.

En 1820, on pouvait croire que le magnétisme animal allait entrer dans une ère scientifique. Le docteur Bertrand, ancien élève de l'École polytechnique, venait de le vulgariser dans un cours public. Le général Noizet, vers la même époque, adressait à l'Académie royale de Berlin un mémoire sur le somnambu­ lisme et le magnétisme animal. Des expériences furent entre­prises dans les hôpitaux, dirigées à l'Hôtel-Dieu par Du Potet, dans le service de Husson, et à la Salpêtrière. par Georget et Rostan. Les expériences faites sur des hystériques ne réussirent pas à ébranler le scepticisme du monde savant. On préféra croire que; les expérimentateurs s'étaient laissé tromper par leurs malades. Il parait qu'une des somnambules de Georget, la fameuse Pé- troniile, confessa dans la suite qu'elle avait trompé ses admira­teurs. Mais M. Richer remarque avec raison que ces sortes de confidences sont des vantardises familières aux hystériques, et que ceux qui y ajoutent foi encourent le même reproche de cré­ dulité qu'ils adressent à leurs adversaires

Le conseil général des hospices suspendit les opérations, sous prétexte que les malades n'étaient pas des sujets à expérimenta­ tion. Cependant on sentait de tous côtés le besoin d'une épreuve définitive.

En 1825, le docteur Foissac détermina l'Académie de médecine, héritière de la Société royale de médecine, à prendre position dans le débat. Il lui adressa une note dans laquelle il se taisait fort de lui montrer que ses somnambules savaient, par le simple toucher, faire le diagnostic dos maladies avec une inspiration qui tenait du génie d'Hippocrate. Bien qu'un pareil langage ne par û t pas fait pour convaincre l'Académie, elle nomma une commission chargée de décider s'il convenait d'entrer dans un nouvel examen du magnétisme animal. Le rapporteur, M. Husson, ayant déposé des conclusions favorables, l'Aca­ démie, par 35 voix contre 25, nomma une commission d'en­quête, composée de MM. Bourdois, Double, Fouquier, Itard, Gueneau de Mussy, Guersant, Leroux, Magendie, Marc, Thillaye et Husson. Magendie et Double, trouvant les expériences peu rigoureuses, ne prirent aucune part aux travaux de la commission. Au bout de cinq années de patientes recherches, en juin 1831, Husson déposa un rapport qui concluait à l'existence du magné­ tisme animal. « Les effets sont nuls ou insignifiants dans la plupart des cas, disait le rapporteur; dans quelques-uns ils sont produits par l'ennui, la monotomie et l'imagination; quelques effets cepen­ dant ont paru dépendre du magnétisme seul et ne se sont pas reproduits sans lui. Ce sont des phénomènes physiologiques et thérapeutiques bien constatés. »

L'importance de ce travail nous détermine à en reproduire in extenso les principales conclusions:

< Le contact des pouces et des mains, les frictions ou certains gestes que l'on fait, à peu de distance du corps et appelés passes, sont les moyens employés pour se mettre en rapport, ou, en d'autres termes, pour transmettre l'action du magnétiseur au magnétisé.

c Le temps nécessaire pour transmettre et faire éprouver l'action magnétique a duré depuis une demi-heure jusqu'à une minute.

< Lorsqu'on a fait tomber une fois une personne dans le sommeil du magnétisme, on n'a pas toujours besoin de recourir au c ontact et aux passes pour la magnétiser de nouveau. Le regard du magnétiseur, sa volonté seule, ont sur elle la même influence.« Les effets produits par le magnétisme sont très variés: il agite les uns. calme les autres; le plus ordinairement il cause l'accélération momentanée de la respiration et de la circulation, des mouvements convulsifs fibrillaires passagers, ressemblant à des secousses électriques, un engourdissement plus ou moins profond, de l'assoupissement, de la somnolence, et dans un petit nombre de cas, ce que les magnétiseurs appellent somnambulisme.

« Il s'opère ordinairement des changements plus ou moins remar­quables dans les perceptions et les facultés des individus qui tombent en somnambulisme par l'effet du magnétisme.

< Quelques-uns, au milieu du bruit de conversations confuses, n'entendent que la voix de leur magnétiseur; plusieurs répondent d'une manière précise aux questions que celui-ci, ou que les per­ sonnes avec lesquelles on les a mis en rapport) leur adressent; d'autres entretiennent des conversations avec toutes les personnes qui les entourent: toutefois il est rare qu'ils entendent ce qui se passe autour d'eux. La plupart du temps ils sont complètement étrangers au bruit extérieur et inopiné fait à leur oreille, tel que le retentissement de vases de cuivre vivement frappés près d'eux, la chute d'un meuble, etc.

•  Les yeux sont fermés, les paupières cèdent difficilement aux efforts qu'on fait avec la main pour les ouvrir; cette opération, qui n'est pas sans douleur, laisse voir le globe de l'œil convulsé et porté vers le haut, et quelquefois vers le bas de l'orbite.

•  Quelquefois l'odorat est comme anéanti. On peut leur faire res pirer l'acide muriatique ou l'ammoniaque, sans qu'ils en soient incommodés, sans même qu'ils s'en doutent. Le contraire a lieu dans certains cas, et ils sont sensibles aux odeurs.

« La plupart des somnambules que nous avons vus étaient complè­ tement insensibles. On a pu leur chatouiller les pieds, les narines et l'angle des yeux par l'approche d'une plume, leur pincer la peau de manière à l'ecchymoser, la piquer sous l'ongle avec des épingles enfoncées à l'improviste à une assez grande profondeur, sans qu'ils aient témoigné de la douleur, sans qu'ils s'en soient aperçus. Enfin, on a vu une somnambule qui a été insensible à une des opérations les plus douloureuses de la chirurgie, et dont la figure, ni le pouls, ni la respiration n'ont pas dénoté la plus légère émotion.

• Nous n'avons pas vu qu'une personne magnétisée pour la pre­ mière fois tombât en somnambulisme. Ce n'a été quelquefois qu'à la huitième ou dixième séance que le somnambulisme s'est déclaré.

« Nous avons constamment vu le sommeil ordinaire, qui est le repos des organes des sens, des facultés intellectuelles et des mouvements volontaires, précéder et terminer l'état de somnambulisme.

« Pendant qu'ils sont en somnambulisme, les magnétisés que nous avons observés conservent l'exercice des facultés qu'ils ont pendant la veille. Leur mémoire même parait plus fidèle et plus étendue, puisqu'ils se souviennent de ce qui s'est passé pendant tout le temps et toutes les fois qu'ils ont été en somnambulisme.

•  Nous avons vu deux somnambules distinguer, les yeux fermés, les objets que l'on avait placés devant eux; ils ont désigné, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes; ils ont lu des mots tracés à la main, ou quelques lignes de livres que l'on a ouverts au hasard. Ce phénomène a eu lieu alors même qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des paupières (1).

•  Nous avons rencontré chez deux somnambules la faculté de

(1) « Le 12 janvier, la commission se rassembla de nouveau chez M. Foissac. Ce m édecin nous annonça qu'il allait endormir Paul; que, dan-; cet état de somnam­bulisme, on lui appliquerait un doigt sur chaque œil ferme, et que, malgré cette occlusion complète des paupiétes, il distinguerait la couleur des cartes, qu'il lirait le titre d'un ouvrage et quelques mots ou lignes indiqués au hasard dans le corps même de l'ouvrage. Au bout de deux minutes de gestes magnétiques, Paul est endormi. Les paupières étant tenues fermées constamment et alternativement par M M. Pouquier, Itard, Marc et le rapporteur, on lui présente un jeu de cartes neuves, dont on brisé la bande de papier portant le timbre de la régie; on les m èle, et Paul reconnaît facilement et successivement: les roi de pique, as de prévoir les actes de l'organisme plus ou moins éloignés, plus on moins compliqués. L'un d'eux a annoncé plusieurs jours, plusieurs mois d'avance, le jour, l'heure et la minute de l'invasion et du retour d'accès épileptiques; l'autre a indiqué l'époque de sa guérison. Leurs prévisions se sont réalisées avec une exactitude remarquable. Elles ne nous ont paru s'appliquer qu'à des actes ou des lésions de leur organisme.

« Nous n'avons rencontré qu'une seule somnambule qui ait indi­ qué les symptômes de la maladie de trois personnes avec lesquelles on l'avait mise en rapport. Nous avions cependant fait des recherches sur un assez grand nombre (1).

« Quelques-uns des malades magnétisés n'ont ressenti aucun bien. D'antres ont éprouvé un soulagement plus ou moins marqué, savoir: l'un la suspension de douleurs habituelles, l'autre le retour des forces; un troisième un retard de plusieurs mois de l'apparition des accès épileptiques, et un quatrième la guérison complète d'une para­ lysie grave et ancienne.trèfle, dame de pique, neuf de trèfle, sept de carreau, dame de carreau et huit do carreau.

• On lui présente, ayant les paupières tenues fermées par H. Ségalas, un volume dont le rapporteur s'était muni. Il lit sur le titre: Histoire de France. Il ne peut tire les deux lignes Intermédiaires, et lit sur la cinquième le nom seul Anquetil, qui y est précédé de la préposition par. On ouvre le livre à la page SU, et il lit à la première ligne: le nombre de tes... il passe le mot troupes, et continue: Au moment où on le croyait le plus occupé des plaisirs du carnaval... Il lit également te titre courant Louis, mais ne peut lire le chiffre romain qui le suit. On lui présente un papier sur lequel on a écrit les mots agglutination et magnétisme animal. Il épelle le premier et prononce les deux autres. Enfin on lui présente le proces-verbal de cette séance; il en lit assez distinctement la date et quelques mots plus lisiblement écrits que d'autres. Dans toutes ces expériences, les doigts ontété appliqués sur la totalite de la commissure de chaque œil, en pressant de haut en bas la paupière supérieure sur l'inférieure, et nous avons remarqué que le globe de l'œil avait été dans un mouvement constant de rotation, et paraissait te diriger vers l'objet soumis à la vision. ( Texte du rapport).

(1) « La commission trouva parmi ses membres quelqu'un qui voulut bien se sou­mettre à l'exploration de la somnambule; ce fut M. Marc. Mlle Céline fut priée d'examiner avec attention l'état de la santé de notre collègue. Elle appliqua ta main sur le front et la région du cœur, et au bout de trois minutes elle dit que le sang se portait à la tête; qu'actuellement M. Marc avait mal dans le coté gauche de cette cavité; qu'il avait souvent de l'oppression, surtout après avoir mangé; qu'il devait avoir souvent une petite toux; que la partie inférieure de la poitrine était gorgée de sang: que quelque chose gênait le passage des aliments; que cette partie (et elle désignait la région de l'appendice xiphoide) était rétrécie; que pour guérir M. Marc il fallait qu'on le saignât largement, que l'on appliquât des cataplasmes de cigué, et que l'on fit des frictions avec du laudanum sur la partie inférieure de la poitrine; qu'il bût de la limonade gommée, qu'il mangeât peu et souvent, et qu'il ne se pro­menât pas immédiatement après le repas.

« Il nous tardait d'apprendre de M. Marc s'il éprouvait tout ce que cette somnam- ôuie annonçait; il nous dit qu'en effet il avait de l'oppression lorsqu'il marchait en sortant de table; que souvent il avait de la toux, et qu'avant l'expérience il avait mal dans le coté gauche de la tête, mais qu'il ne ressentait aucune géne dans le p assage des aliments.

« Nous avons été frappés de cette analogie entre ce qu'éprouve M. Marc et ce qu'annonce la somnambule; nous l'avons soigneusement annote, et nous avons attendu une autre occasion pour constater de nouveau cette singuliere (acuité. (Texte du rapport). »

« Considéré comme agent de phénomènes physiologiques on comme moyen thérapeutique, le magnétisme devrait trouver sa place dans le cadre des connaissances médicales, et par conséquent les médecins seuls devraient en faire ou en surveiller l'emploi, ainsi que cela se pratique dans les pays du Nord.

« La commission n'a pu vérifier, parce qu'elle n'en a pas eu l'occa­ sion, d'autres facultés que les magnétiseurs avaient annoncé exister chez les somnambules. Mais elle a recueilli et elle communique des faits assez importants pour penser que l'Académie devrait encourager les recherches sur le magnétisme, comme une branche très curieuse de psychologie et d'histoire naturelle.

« Ont signé: B ourdois de la Motte, Fouquier, Guéneau de Mussy, Guersant, Itard, J. Leroux, Marc, Thillaye, Husson, rapporteur. »

Nota. — MM. Double et Magendie, n'ayant point assisté aux expé­ riences, n'ont pas cru devoir signer le rapport.

Tel est ce célèbre rapport, dont les magnétiseurs firent tant de bruit, et que l'Académie n'osa pas imprimer.

Il faut bien l'avouer, les commissaires ne suivirent pas dans leurs recherches une méthode rigoureusement scientifique. Désireux avant tout de prouver l'existence ou la non-existence du magné­ tisme animal, ils s'attachèrent presque exclusivement à l'étude des faits extraordinaires. 11 leur semblait que s'ils pouvaient trou­ ver une expérience dépassant les limites du possible, le magné­ tisme animal serait prouvé du même coup. C'était mal poser la question, car il pouvait arriver que le magnétisme fût à la fois un fait réel et un fait conforme aux lois physiologiques connues. Les commissaires ne comprirent pas cette vérité élémentaire. Poussés par la curiosité du merveilleux et du surnaturel, ils por­tèrent leur attention sur les phénomènes les plus contestés et les plus sujets à contestation, tels que la transposition des sens, la lecture à travers un bandeau opaque ou à l'épigastre, ou à l'oc­ ciput, la vue des organes intérieurs, la connaissance des maladies et le discernement des remèdes.

Sur tous ces points, il semble bien que l'enquête fut assez mal conduite, et que les commissaires négligèrent de s'entourer de précautions suffisantes. Il y eutdes expériences vraiment fâcheuses. Le rapport constate qu'un somnambule nommé Petit, les yeux fermés si bien que les cils s'entrecroisent, sous la surveillance continuelle des commissaires, qui « tiennent la chandelle » , par Tient à lire ce qui lui est offert et joue avec une vivacité extrême plusieurs parties de piquet. Et quelle précaution prend-on pour empêcher cet individu de lire à travers ses cils ? Les com­ missaires se bornent à surveiller ses yeux, sans se douter que rien n'est plus facile de lire avec les yeux clos en apparence. Dans une autre séance, un jeune étudiant en droit, Paul, sur l'œil duquel un commissaire a soin de presser avec la main, est d'une clairvoyance merveilleuse; il devine des cartes, et lit presque couramment. Le rapporteur remarque cependant que le globe de l'œil était dans un mouvement continu de rotation et paraissait se diriger vers l'objet soumis à la vision. Ajoutons que le jeune homme lisait lentement, devant une grande croisée, qu'il faisait des fautes, et nous conviendrons avec le D r Ségalas, de l'Aca­ démie, qui avait lui-même tenu une fois les mains sur les yeux du sujet, que ce dernier a probablement pu agiter les paupières, saisir quelques caractères et deviner le reste. En tout cas, il faudrait des expériences d'une autre valeur pour admettre la vision et la lecture à travers les paupières baissées. Nous ne parlerons pas de la vision intérieure, de la prévision des crises, de l'instinct des remèdes. Ce sont des expériences marquées au m ê me coin.

A côté de ces constatations fâcheuses, on trouve quelques bonnes descriptions du somnambulisme. Les commissaires ont vu que les sujets présentent, en s'endormant, « une accélération de la circulation et de la respiration, des mouvements fibrillaires passa­ gers, ressemblant à des secousses électriques, puis un engourdis­ sement, un assoupissement... le sujet répond parfois d'une ma­ nière précise aux questions qu'on lui adresse; mais la plupart du temps, il est complètement étranger au bruit extérieur et inopiné fait à son oreille... Les yeux sont fermés; si on relève la paupière, on trouve l'œil convulsé et porté en haut... L'insensi- é est fréquente à la surface du corps; on peut pincer la peau de manière à l'ecchymoser, la piquer sous l'ongle avec des épingles, sans troubler l'impassibilité du sujet. » Toute cette des­ cription est excellente; il est fâcheux que les commissaires, qui ont bien vu le phénomène naturel, n'aient pas su le dégager de la fantasmagorie qui l'entourait.

En résumé, les commissaires firent deux fautes. La première, ce fut de confondre la question du magnétisme animal avec les l'académie de médecine en 1837 29 phénomènes extraordinaires et surnaturels annoncés par les ma­ gnétiseurs; la seconde, ce fut de ne pas apporter dans l'étude toujours périlleuse de ces phénomènes la rigueur qu'on était en droit d'attendre d'une commission académique.

L'Académie, qui ne comptait pas dans son sein beaucoup de par­ tisans du magnétisme, fut un peu étonnée du rapport de Hussou. La lecture en fut faite dans les séances des 21 et 28 juin 1831. Mais il n'y eut pas de discussion publique, pas de mise aux voix, pas de vote. Le rapport ne fut même pas imprimé, mais seulement autographié. L'Académie évita de se prononcer sur ces ques­ tions brûlantes.

Ce fut en 1837 que la discussion qui couvait, éclata, au sujet d'une histoire de dent arrachée sans douleur par M. Oudet, pen- dant le sommeil magnétique.

Un jeune magnétiseur, M. Berna, ayant sollicité l'attention de l'Académie de médecine, une nouvelle commission fut nommée; e lle était composée de MM. Roux, Bouillaud, Cloquet, Emery, Pelletier, Cavcntou, Cornac, Oudet, Dubois (d'Amiens), ce der­ nier rapporteur. Encore une fois, l'Académie fut entraînée dans une mauvaise voie. M. Berna la convia à examiner des phéno­ mènes extraordinaires, comme la vision sans le secours des yeux, la communication de pensée du magnétiseur au magnétisé, phé­nomènes qu'il se faisait fort de produire sur deux de ses somnam­ bules.

L'enquête, mieux conduite que celle de la commission précé­ dente, donna un résultat négatif.

Voici les conclusions de ce rapport, que nous reproduisons comme nous avons reproduit celles du rapport de Husson:

« Première conclusion. — II résulte d'abord de tous les faits et de tous les incidents dont nous avons été témoins, dit Dubois (d'Amiens) en terminant son rapport, que préalablement aucune preuve spéciale ne nous a été donnée sur l'existence d'un état particulier, dit étal de somnambulisme magnétique; que c'est uniquement par voie d'assertion, et non par voie de démonstration, que le magnétiseur a procédé sous ce rapport, en nous affirmant à chaque séance, et avant toute tentative (l'expérimentation, que ses sujets étaient eu état de som­ nambulisme.

« Le programme à nous délivré par le magnétiseur portait, il est vrai, qu'avant la somnambulisation on s'assurerait que le sujet des expériences jouit de l'intégrité de sa sensibilité • qu'à cet effet on pourrait le piquer, et qu'il serait ensuite endormi en présence des commissaires. Mais il résulte des essais tentés par nous dans la séance du 3 mars, et avant toute pratique magnétique, que le sujet des expériences ne paraissait pas plus sentir les piqûres avant le sommeil supposé que pendant ce sommeil; que sa contenance et ses réponses ont été à peu de choses près les mêmes avant et pendant l'opération dite magnétique. Était-ce erreur de sa part? Était-ce impassibilité naturelle ou acquise par l'usage ? Etait-ce pour jeter intempestivement de l'intérêt sur sa personne ? C'est ce que vos commissaires ne peuvent décider. Il est vrai ensuite que chaque (ois ou nous a dit que les sujets étaient endormis; mais on nous Ta dit et voilà tout.

« Que si néanmoins les preuves de l'état de somnambulisme devaient résulter ultérieurement des expériences faites sur les sujets présumés dans cet état, la valeur et la nullité de ces preuves ressor- lirout des conclusions que nous allons tirer de ces mêmes expé­ riences.

« Deuxième conclusion. — D'après les termes du programme, la seconde expérience devait consister dans la constatation de l'insen­ sibilité des sujets.

« Mais, après avoir rappelé les restrictions imposées à vos com­missaires; que la face était mise en dehors et soustraite à toute ten­tative de ce genre; qu'il en était de même pour toutes les parties naturellement couvertes, de sorte qu'il ne restait plus que les mains et le cou; après avoir rappelé que sur ces parties il n'était pas permis d'exercer ni pincement ni tiraillement, ni contact de corps soit en ignition, soit d'une température un peu élevée; qu'il fallait se borner à enfoncer des pointes d'aiguilles à la profondeur d'une demi-ligne, qu'enfin la face étant en grande partie couverte par un bandeau, nous ne pouvions juger de l'expression de la physionomie pendant qu'on cherchait à provoquer de la douleur; après avoir rappelé toutes ces restrictions, nous sommes fondés à déduire de ces faits: 1° qu'on ne pouvait provoquer que des sensations dou­ loureuses très modérées, très limitées ; 2° qu'on ne pouvait les faire naître que sur des parties peu étendues et habituées peut-être à ce genre d'impressions; 3° que ce genre d'impressions était toujours le même, qu'il résultait d'une sorte de tatouage ; 4° que la ligure et surtout les yeux, où se peignent plus particulièrement les expres­ sions douloureuses, étaient caches aux commissaires; 5° qu'en rai­ son de ces circonstances une impassibilité, même absolue, complète, n'aurait pu nous être une preuve concluante de l'abolition de la sensibilité chez le sujet en question.

« Troisième conclusion. — Le magnétiseur devait prouver aux com­ missaires que, par la seule intervention de sa volonté, il avait le pouvoir de rendre, soit localement, soit généralement, la sensibilité à sa somnambule, ce qu'il appelait restitution de la sensibilité.

• Mais, comme il lui avait été impossible de nous prouver expé­rimentalement qu'il avait enlevé, qu'il avait aboli la sensibilité chez celte jeune fille, cette expérience étant corrélative de l'autre, H lui a été par cela même impossible de prouver la restitution de cette sensibilité; et, d'ailleurs, il résulte des faits par nous observés, que toutes les tentatives faites dans ce sens ont complètement échoué. La somnambule accusait toute autre chose que ce qu'il nous a annoncé. Vous vous rappelez, Messieurs, que nous en étions réduits pour la vérification aux assertions de cette somnambule. Certes, lorsqu'elle affirmait aux commissaires qu'elle ne pouvait remuer la jambe gauche, par exemple, ce n'était pas une preuve pour eux qu'elle fût magnétiquement paralysée de ce membre; mais alors encore son dire n'était pas d'accord avec les prétentions de son magnétiseur, de sorte que de tout cela résultaient des assertions sans preuves, en opposition avec d'autres assertions, également sans preuves.

« Quatrième conclusion. — Ce que nous venons de dire pour l'abo­ lition et la restitution de la sensibilité peut s'appliquer de tous points à la prétendue abolition et à la prétendue restitution du mou­ vement; la plus légère preuve n'a pu être administrée à vos commis­ saires.

c Cinquième conclusion. — L'un des paragraphes du programme avait pour titre: Obéissance à l'ordre mental de cesser, au milieu d'une conversation, de répondre verbalement et par signes d'une personne dési- gnée.

< Le magnétiseur a cherché, dans ta séance du 13 mars, à prou-ver à la commission que la puissance de sa volonté allait jusqu'à produire cet effet; mais il résulte des faits qui ont eu lieu pendant cette même séance, que, loin d'amener ces résultats, sa somnam­ bule paraissait ne plus entendre lorsqu'il ne voulait pas encore l'empêcher d'entendre, et qu'elle paraissait entendre de nouveau lorsque positivement il ne voulait plus qu'elle entendit. De sorte que, d'après les assertions de cette somnambule, la faculté d'en­ tendre ou de ne plus entendre aurait été en elle complètement en révolte contre la volonté du magnétiseur.

c Mais, d'après les faits bien appréciés, les commissaires ne tirent pas plus la conclusion d'une révolte que d'une soumission; ils ont vu une indépendance complète, et voilà tout.

« Sixième conclusion. — Transposition du sens de la vue. — Cédant aux sollicitations des commissaires, le magnétiseur, ainsi que vous l'avez vu, avait fini par laisser là ses abolitions et ses restitutions de la sensibilité et du mouvement, pour passer aux faits majeurs, c'est- à-dire aux faits de vision sans le secours des yeux. Tous les inci­ dents relatifs à ces faits vous ont été exposés; ils ont eu lieu dans la séance du 3 avril 1837.

« Par la puissance de ses manœuvres magnétiques, M. Berna devait montrer aux commissaires une femme déchiffrant des mots, distinguant des cartes à jouer, suivant les aiguilles d'une montre, non pas avec les yeux, mais par l'occiput; ce qui impliquait ou la transposition ou la non-nécessité, la superfluité de l'organe de la vue dans l'état magnétique.

« Les expériences ont été faites; tous savez comment elles ont complètement échoué.

« Tout ce que la somnambule savait, tout ce qu'elle pouvait inférer de ce qui venait de se dire près d'elle, tout ce qu'elle pouvait natu­rellement supposer, elle l'a dit les yeux bandés; d'où nous conclu­ rons d'abord qu'elle ne manquait pas d'une certaine adresse. Ainsi, le magnétiseur invitait-il l'un des commissaires à écrire un mot sur une carte et à le présenter à l'occiput de cette femme, elle disait qu'elle voyait une carte, et même de l'écriture sur cette carte. Lui demandait-on le nombre des personnes présentes, comme elle les avait vues entrer, elle disait approximativement le nombre de ces personnes. Lui demandait-on si elle voyait tel commissaire placé près d'elle et occupé à écrire avec une plume dont le bec criait, elle levait la tête, cherchait à le voir sous son bandeau, et disait que ce monsieur tenait quelque chose de blanc à la main. Lui demandait-on si elle voyait la bouche de ce même monsieur qui, cessant d'écrire, venait de se placer derrière elle, elle disait qu'il avait quelque chose de blanc à la bouche, d'où nous tirons celte conclusion, que ladite somnambule, plus exercée, plus adroite que la première, savait faire des suppositions plus vraisemblables.

« Mais pour ce qui est des faits réellement propres à constater la vision par l'occiput, des faits décisifs, absolus, péremptoires, non seulement ils ont manqué, et complètement manqué, mais ceux que nous avons vus sont de nature à faire naître d'étranges soupçons sur la moralité de cette femme, comme nous le ferons remarquer tout à l'heure.

« Septième conclusion. — Clairvoyance. — Désespérant de prouver aux commissaires la transposition du sens de la vue, la nullité, la superfluité des yeux dans l'état magnétique, le magnétiseur voulut du moins se réfugier dans le fait de la clairvoyance ou de la vision à travers des corps opaques.

« Vous connaissez les expériences faites à ce sujet; les faits emportent ici avec eux leur conclusion capitale, savoir qu'un homme placé devant une femme dans une certaine posture n'a pas pu lui donner la faculté de distinguer à travers un bandeau les objets qu'on lui présentait.

< Mais ici une réflexion plus grave a préoccupé vos commissaires. Admettons, pour un moment, cette hypothèse, d'ailleurs fort com mode pour les magnétiseurs, qu'en bien des circonstances les meil­ leurs somnambules perdent toute lucidité, et que, comme le com­ mun des mortels, ils ne peuvent plus voir par l'occiput, par l'estomac, pas même à travers un bandeau, admettons tout cela, si l'en veut; mais que conclure à l'égard de cette femme, dans ses descriptions minutieuses d'objets autres que ceux qu'on lui présentait? Que con­clure d'une somnambule qui décrit un valet de trèfle sur une carte blanche ? Qui, dans un jeton d'académie, voit une montre d'or à cadran blanc et à lettres noires, et qui, si l'on eût insisté, aurait peut-être fini par nous dire l'heure que marquait cette montre?...

« Que si maintenant, messieurs, vous demandez quelle conclusion dernière et générale nous devons inférer de l'ensemble de toutes les expériences faites sous nos yeux, nous vous dirons que M. Berna s'est fait, sans aucun doute, illusion à lui-même, lorsque, le 12 février de cette année, il a écrit à l'Académie royale de médecine qu'il se faisait fort de nous donner l'expérience personnelle qui nous manquait (ce sont ses expressions); lorsqu'il s'offrait à faire voir à vos délégués des faits concluants ; lorsqu'il affirmait que ces faits seraient de nature à éclairer la physiologie et la thérapeutique. Ces faits vous sont tous connus; vous savez comme nous qu'ils ne sont rien moins que concluants en faveur de la doctrine du magnétisme animal, et qu'ils ne peuvent avoir rien de commum, soit avec la physiologie, soit avec la thérapeutique.

« Aurions-nous trouvé autre chose dans des faits plus nombreux, plus variés et fournis par d'autres magnétiseurs ? C'est ce que nous ne chercherons pas à décider; mais ce qu'il y a de bien avéré, c'est que, s'il existe encore en effet aujourd'hui d'autres magnétiseurs, ils n'ont pas osé se produire au grand jour, ils n'ont pas osé accepter la sanction ou la réprobation académique.

Paris, 17 juillet 1837.

Signé: MM. Roux, président; Bouillaud, H. Cloquet, Émery Pelletier, Caventou, Cobnat, Oudet, Dubois (d'Amiens), rapporteur. >

A la lecture de ce rapport qui le prenait de très haut avec le magnétisme animal, M. Husson, se sentant directement attaqué, riposta. Néanmoins, l'Académie adopta, à une immense majorité, les conclusions du rapporteur. A notre avis, ce rapport ne prou­ vait pas grand chose. Quelles conclusions générales pouvait-on tirer d'expériences négatives faites seulement sur deux somnam­bules?

Pour en finir avec le magnétisme animal, un des membres de l'Académie, M. Burdin jeune, proposa de décerner — sur sa fortune personnelle — un prix de trois mille francs à la personne qui pourrait lire, sans le secours des yeux et sans lumière, un écrit quelconque placé hors de la portée des yeux. L'Académie accepta cette proposition. On restreignait ainsi le champ des expériences, et, en limitant le débat, il semblait qu'on le rendît plus décisif. Que devons-nous penser aujourd'hui de cette sorte de défi porté par l'Académie aux magnétiseurs? Au premier abord on jugera peut-être que M. Burdin allait droit au cœur de la question. H semblait dire, et l'Académie avec lui: s'il se trouve Binet et Féré. sit une seule somnambule capable de lire sans le secours des yeux, nous admettrons l'existence du magnétisme animal et nous con­ sentirons à nous es occuper. Si aucune somnambule ne peut supporter cette épreuve, le magnétisme animal n'existe pas. Mais, comme M. P. Richer l'a remarqué) ce dilemme était faux. Les somnambules pouvaient fort bien être reconnues incapables de lire sans le secours des yeux, et n'en n'être pas moins des somnambules authentiques.

En définitive, pour croire au magnétisme animal, l'Académie demandait un miracle.

À cette époque, le docteur Pigeaire de Montpellier avait une fille de dix à onze ans, qui, dans son état de somnambulisme, faisait beaucoup de merveilles et, notamment, lisait l'écriture avec les yeux bandés par un appareil de soie noire; c'était Lordat, pro­ fesseur de physiologie à la Faculté de Montpellier, qui l'attes­ tait. Désireux de gagner le prix Burdin, Pigeaire vint à Paris avec sa fille, il donna tout d'abord des réunions particulières, qui eurent un plein succès. C'est d'ailleurs la règle: les séances par­ ticulières réussissent toujours. On a conservé des procès-ver­ baux en forme des plus favorables, signés par Bousquet, Orfila, R ibes, Réveillé-Parise, etc. Mais quand il fallut se présenter devant la commission de l'Académie, le tableau changea. Les commissaires se doutaient que le bandeau dont se servait Pigeaire ne mettait pas un obstacle suffisant à la vision normale. En effet, rien n'est plus simple en apparence, rien n'est plus difficile en réalité que de trouver un bandeau parfaitement opaque; à tra­ vers un trou extrêmement petit, percé par exemple dans une carte, et surtout avec quelques trous placés à un ou deux milli­ mètres les uns des autres, on voit parfaitement. Si nos lecteurs veulent avoir de plus amples renseignements sur cette ques­ tion intéressante, nous les renvoyons à l'article de M. Dechambre sur le Mesmérisme (Dictionnaire encycl. des sciences mèd. ) (1). M. Dechambre a pris soin d'essayer sur lui-même les appareils que les magnétiseurs appliquent sur les yeux de leurs somnam­ bules et il s'est convaincu qu'aucun de ces appareils, si com­ pliqués qu'ils soient en apparence, ne l'empêchait de lire au bout de quelque temps, les caractères placés sous ses yeux. Ajoutons que ce qui favorise encore l'erreur c'est l'hyperacuité visuelle fréquente chez les somnambules, c'est le temps qui s'é­coule avant le commencement de la lecture, ce sont les contor­ sions du sujet dans le but de déplacer ou de déceler le ban­ deau, etc. Les Académiciens eurent donc raison de refuser le bandeau usité par Pigeaire; ils proposèrent un masque ou casque de soie noire, très léger, soutenu par deux fils de fer, afin d'être tenu à un demi-pied de la face de la jeune fille et de manière à ne gêner ni sa respiration ni la liberté de ses mouve­ ments. Pigeaire refusa à son tour, on ne parvint pas à s'entendre, malgré toutes les concessions des commissaires, et les expériences ne furent pas entreprises. En effet, avec les exigences de Pigeaire, elles auraient dégénéré, comme on l'a dit, en un véritable jeu de colin-maillard.

Après M. Pigeaire, un autre magnétiseur, M. Teste, se présenta devant l'Académie; il se vantait de posséder une somnambule qui pouvait lire de l'écriture enfermée dans une boite. L'expé­ rience était donc très facile à faire. Le magnétiseur et les com­missaires tombèrent bien vite d'accord. Mais l'échec fut complet: la malade ne devina pas un seul mot de l'écriture. Le prix Burdin ne fut pas décerné.

Comme conclusion, M. Double proposa à l'Académie de refuser désormais toute attention aux propositions des magnétiseurs et de traiter le magnétisme animal connue l'Académie des sciences t raite les propositions relatives au mouvement perpétuel et à la quadrature du cercle.

Tel est donc le résultat do tant d'efforts, de tant de patientes recherches, de tant de discussions et de tant de rapports: c'est la négation du magnétisme animal, négation entière, négation absolue.

D'où vient que ce long travail de l'Académie de médecine abou­ tit à celte espèce d'avortement ? Nous l'avons dit déjà, la première faute appartient aux magnétiseurs. Au lieu de se borner à l'étude des phénomènes les plus simples et les plus vulgaires, ils se firent fort d'établir l'existence des phénomènes psychiques les plus complexes, comme la vision par l'occiput ou la connaissance de l'avenir. L'Académie eut le tort de se laisser entraîner à leur s uite dans cette recherche du merveilleux. On peut dire que, dès le début de l'histoire académique du magnétisme animal, le pro­blème fut mal posé. Il était, ce nous semble, du devoir de l'Aca­ démie de distinguer ce que les magnétiseurs brouillaient à plaisir; elle aurait dû comprendre que parmi les phénomènes annoncés par les magnétiseurs, il y en avait peut-être qui, se rapprochant des lois physiologiques connues, auraient pu devenir l'objet d'une étude sérieuse et féconde.

De toute façon l'Académie n'aurait pas dû accepter la proposi­ tion tranchante de M. Double, qui déclarait la question du magnétisme animal définitivement close, comme s'il ne pouvait pas surgir plus tard de nouveaux faits qui forceraient l'Académie à revenir sur son jugement sommaire. Ces faits nouveaux, nous les connaissons, c'est l'hypnotisme, illusion d'hier et vérité d'aujourd'hui, dont personne ne met plus la réalité en doute.

En vérité, l'histoire du magnétisme animal est l'histoire la plus instructive et la plus philosophique que l'on connaisse; si elle ne nous a pas dégoûtés des négations a priori, c'est que nous sommes des incorrigibles.

II va de soi qu'après l'arrêt de l'Académie de médecine, les somnambules continuèrent à voir à travers des corps opaques, à prédire l'avenir et à prescrire des remèdes, comme si l'Académie n'avait rien dit. Le plus haut représentant de la science magné­tique était à cette époque M . du Potet, le célèbre inventeur du miroir magique. Voici ce que c'était que ce fameux miroir, qui a fait tomber tant de personnes en convulsion. L'expérimentateur trace avec un morceau de braise sur le parquet un cercle plein, en ayant soin de noircir toutes les parties du cercle: puis il s'éloigne. Le sujet approche du rond fatidique, le considère d'abord avec un regard assuré, lève la tête, regarde un instant l'assemblée, puis reporte ses regards en bas, à ses pieds. « C'est alors, dit du Potet, qu'on aperçoit un commencement d'effet: sa tête se baisse davantage, il devient inquiet de sa personne, tourne autour du cercle sans le perdre un instant de vue; il se penche davantage encore, se relève, recule de quelques pas, avance de nouveau, fronce les sourcils, devient sombre, et respire avec vio- lence. On a alors sous les yeux la scène la plus étrange, la plus curieuse: l'expérimenté voit, à n'eu pas douter, des images qui viennent se peindre dans le miroir; son trouble, son émotion, plus encore ses mouvements inimitables, ses sanglots, ses larmes, sa colère, son désespoir et sa fureur, tout enfin prouve le trouble et l'émotion de son âme. Ce n'est point un rêve, un cauchemar, les apparitions sont réelles; devant lui se déroule une série d'évé­ nements représentés par des figures, des signes qu'il saisit, dont il se repaît, tantôt gai, tantôt rempli de tristesse, à mesure que les tableaux de l'avenir passent sous ses yeux. Bientôt même, c'est le délire de l'emportement, il veut saisir le signe, et plonge en lui un regard terrible; puis enfin, il s'élance et frappe du pied le cercle charbonné, la poussière s'en élève, et l'opérateur s'approche pour mettre fin à ce drame rempli d'émotions et de terreurs. » Du Potet, homme sincère, mais enthousiaste, et incapable de toute recherche scientifique, expliquait les effets de son miroir en faisant intervenir la magie. Plus tard, Gigot-Suard est parvenu à répéter la même expérience sur des sujets hypnotisés. On ne saurait croire toutes les extravagances qui furent publiées vers cette époque, par les magnétiseurs de profession. Ce fut le temps des tables tournantes, des esprits frappeurs, des apparitions de M. Home, et de toutes les autres excentricités du spiritisme Lacordaire fit dans la chaire de Notre-Dame, en 1846, adhé­ sion au magnétisme, qu'il considère comme le dernier rayon de la puissance adamique, destiné à confondre la raison humaine et à l 'humilier devant Dieu; c'est un phénomène de l'ordre prophé­ tique. (Œuvres de Lacordaire, t. III, p. 246; Paris, 1861). H ajoute même: « Plongé dans un sommeil factice, l'homme voit à travers les corps opaques, it indique des remèdes qui guérissent, il parait savoir des choses qu'il ne savait pas. » Quelques autres membres du clergé allèrent plus loin, et pratiquèrent le magnétisme dans le but avoué d'obtenir des révélations sur les choses d'en haut. La cour de Rome finit par intervenir à plusieurs reprises. En 1856, une lettre encyclique de la Sainte Inquisition romaine universelle fut envoyée à tous les évèques pour combattre les abus du magné­ tisme. En voici le texte traduit du latin (1):

(1) Cité par Mabru, les Magnétiseurs; Paris, 1858.


LE MAGNÉTISME ANIMAL

LETTRE ENCYCLIQUE

DE LA

SAINTE INQUISITION ROMAINE ET UNIVERSELLE

À TOUS LES ÉVÉQUES CONTRE LES ABUS DU MAGNÉTISME

Mercredi, 30 juillet 1856.

Dans la réunion générale de la Sainte Inquisition romaine nui ver-selle, tenue au couvent de Sainte-Marie-de-la-Minerve, LL. EE. RR. les cardinaux inquisiteurs généraux contre l'hérésie dans tout le monde chrétien, après avoir mûrement examiné tout ce qui leur a été rapporté de divers côtés par des hommes dignes de foi, touchant la pratique du magnétisme, ont résolu d'adresser la présente ency­ clique à tous les évéques pour en réprimer les abus.

Car il est bien constaté qu'un nouveau genre de superstition a surgi des phénomènes magnétiques auxquels s'attachent aujourd'hui bien des personnes, non point pour éclairer les sciences physiques, comme cela devrait se faire, niais pour séduire les hommes, dans la persuasion que l'on peut découvrir les choses cachées ou éloignées, ou futures, au moyen ou par les prestiges du magnétisme, et surtout par l'intermédiaire de certaines femmes qui sont uniquement sous ta dépendance du magnétiseur.

Déjà plusieurs fois le Saint-Siège, consulté sur des cas particuliers, a donné des réponses qui condamnent comme illicites toutes expé­ riences faites pour obtenir un effet en dehors de l'ordre naturel ou des règles de la morale, et sans employer les moyens permis; c'est ainsi que, dans des cas semblables, il a été décidé, le mercredi 21 avril 1841, que l'usage du magnétisme tel que l'expose la demande n'est pas permis. De même, la sainte congrégation a jugé à propos de défendre la lecture de certains livres qui répandaieut systématique­ ment l'erreur en cette matière. Mais comme, en outre des cas parti­culiers, il fallait prononcer sur la pratique du magnétisme en géné­ ral, il a été établi comme règle à suivre, le mercredi 28 juillet 1847: « En écartant toute erreur, tout sortilège, toute invocation implicite ou explicite du démon, l'usage du magnétisme, c'est-à-dire le simple acte d'employer des moyens physiques, non interdit d'ailleurs, n'est pas moralement défendu, pourvu que ce ne soit pas dans un but illicite ou mauvais en quoi ce soit. Quant à l'application de principes et de moyens purement physiques à des choses ou des effets vrai­ment surnaturels pour les expliquer physiquement, ce n'est qu'une illusion tout à fait condamnable et une pratique hérétique. > Quoique ce décret général explique suffisamment ce qu'il y a de licitc ou de défendu dans l'usage ou l'abus du magnétisme, la per­ versité humaine a été portée à ce point, qu'abandonnant l'étude régulière de la science, les hommes voués à la recherche de ce qui peut satisfaire la curiosité, au grand détriment du salut des âmes et même au préjudice de la société civile, se vantent d'avoir trouvé un moyen de prédire et de deviner. De là ces femmes au tempérament débile, qui, livrées, par des gestes que n'accompagne pas toujours la pudeur, aux prestiges du somnambulisme et de ce que l'on appelle la claire intuition, prétendent voir toutes sortes de choses invisibles, et s'arrogent, dans leur audace téméraire, la faculté de parler sur la religion, d'évoquer les âmes des morts, de recevoir des réponses, de découvrir des choses inconnues ou éloignées; et de pratiquer d'autres superstitions de ce genre pour se faire à elles-mêmes et à leurs maîtres des gains considérables par leur don de divination. Quels que soient l'art ou l'illusion qui entrent dans tous ces actes, comme on y emploie des moyens physiques pour obtenir des effets qui ne sont point naturels, il y a fourberie tout à fait condamnable, héré­ tique, et scandale contre la pureté des mœurs. Aussi pour réprimer efficacement un si grand mal, souverainement funeste à la religion et à fa société civile, on ne saurait trop exciter la sollicitude pasto­ rale, la vigilance et le zèle de tous les évoques. Qu'autant donc qu'ils le pourront, avec le concours de la grâce divine, les ordinaires des lieux emploient tantôt les avertissements de leur paternelle charité, tantôt la sévérité des reproches, tantôt enfin toutes les voies de droits, selon qu'ils le jugeront utile devant le Seigneur, en tenant compte des circonstances de lieu, de temps et de personnes; qu'ils mettent tous leurs soins à écarter ces abus du magnétisme et les faire cesser, afin que le troupeau du Seigneur soit défendu contre les attaques de l'homme ennemi, que le dépôt de la foi soit gardé sauf et intact, et que les fidèles confiés à leur sollicitude soient préservés de la corruption des mœurs.

Donné à Rome, à la chancellerie du saint-office du Vatican, le 4 août 1836.

V. card. MACCHI.

On remarquera, en lisant ce document, que la cour de Rome condamne le magnétisme en invoquant un curieux motif. * Une application de principes et de moyens purement physiques à des choses ou des effets vraiment surnaturels pour les expliquer physiquement, est une illusion tout à fait condamnable et une pra­ tique hérétique. » Plus loin, l'Encyclique, précisant encore s» pensée, parle des femmes au tempérament débile, qui préten­ dent voir toutes sortes de choses invisibles, et s'arrogent, dans leur audace téméraire, la faculté de parler sur la religion, d'évoquer les âmes des morts, de recevoir des réponses, de dé couvrir des choses inconnues ou éloignées. On ne saurait dire avec plus de précision que le Saint-Siège entend conserver le monopole du surnaturel.

Condamné par la cour de Rome, après avoir été condamné par l'Académie de médecine, le magnétisme animal n'en survécut pas moins. Il se réfugia dans les imaginations populaires. Nous possédons encore aujourd'hui des somnambules lucides et extra-lucides, qui font très bien leurs affaires. Il y en a dans les salons de Paris, comme il y en a dans les foires. On peut être certain que le magnétisme animal ne périra pas, car il est une des mille formes qu'a revêtues la croyance au merveilleux, qui est éternelle.

En terminant ici l'histoire merveilleuse du Magnétisme animal, qui va faire place aux faits positifs de l'hypnotisme, nous devons dire qu'on aurait tort de croire que tous les phénomènes de cette espèce de légende sont entièrement faux. Il y a des degrés dans le merveilleux. La transmission de la pensée, ou suggestion mentale, qui constitue une première étape dans ce domaine, a été dernièrement étudiée par M. Ch. Richet (1), qui a essayé de démontrer: l'influence que la pensée d'un individu exerce dans un sens déterminé, sans phénomène extérieur ap­ préciable à nos sens, sur la pensée d'un individu voisin. Bien que ces phénomènes ne se rattachent par aucun lien logique à l'hypnotisme, puisqu'ils ont été provoqués sur des amis de M. Richet, sujets sains, éveillés, et nullement hypnotisés, il n'en est pas moins vrai que l'opinion publique a toujours confondu sous le même nom de magnétisme animal, le trouble nerveux appelé hypnotisme, somnambulisme, etc., et les phénomènes surnatu­ rels, au moins en apparence, de communication de pensée, de vision à travers un corps opaque, de prévision de l'avenir, etc. C'est la raison qui nous détermine à dire quelques mots de la suggestion mentale.

Les faits dont il s'agit ici ne sont pas absolument nouveaux. Peut-être, dit M. Richet, faut-il faire remonter les premiers récits de suggestion mentale à la fameuse possession de Loudun. Gaston d'Orléans ayant visité les Ursulines agitées de terribles accès démoniaques, constata, dit la légende, qu'elles obéissaient à des ordres donnés mentalement. C'était là, d'ailleurs, un des signes les plus importants de la possession démoniaque. De Puységur signale aussi des faits de suggestion mentale. Dans le cou­ rant de ce siècle, un grand nombre de magnétiseurs ont prétendu qu'ils communiquaient par la pensée avec leurs somnambules; mais ils ne sont jamais parvenus à prouver cette faculté devant les corps savants, ce qui donne le droit de soupçonner leur sin­ cérité, ou de supposer qu'ils entraient en rapport, à leur insu, avec le sujet, par quelque signe extérieur. On sait aujourd'hui que, pour établir une communication, le moindre contact suffit entre celui qui devine et celui qui suggère. On n'a pas oublié les expériences encore récentes de M. Cumberland, dont les résul­ tats Merveilleux s'expliquent, comme on l'a bien montré, par des causes très simples. M. Cumberland prend la main d'un individu qui a caché un objet ou qui pense à un objet quelconque et, les yeux bandés, va directement vers l'objet caché ou pensé. Or, M. Richet a constaté que le sujet avec lequel l'expérience réussit — en général, c'est un sujet impressionnable — exécute, sans le vouloir et sans en avoir conscience, des petits mouvements avec la main; ces frémissements involontaires, qui trahissent sa pensée, mettent sur la voie à suivre avec une précision qu'on ne soupçon­ nera jamais, tant qu'on n'aura pas fait l'expérience soi-même (1). M. Gley a achevé de faire la lumière sur le cumberlandisme, en inscrivant les mouvements musculaires par lesquels s'explique cette soi-disant perception de la pensée. Les graphiques montrent clairement qu'il se produit tout le temps de l'expérience dans la main du sujet des contractions fibrillaires, de petits mouvements de pression, et chez d'autres une sorte de mouvement de traction de la main et de tout le bras. Ces mouvements augmentent d'in­ tensité quand on approche de l'objet, puis, quand on est devant, ils cessent tout à coup (2). Sur 25 personnes, 16 ont donné des résul­tats positifs.

Arrivons maintenant aux expériences de M. Richet; c'est par trois ordres de preuves qu'il tente la démonstration de la sug­ gestion mentale:

1° Si l'on nomme au hasard une carte tirée d'un jeta de cartes, ou une image quelconque tirée d'un jeu d'images, et qu'on recommence l'expérience un certain nombre de fois, les chiffres qu'on trouve sont plus ou moins en accord avec le calcul des pro­ babilités. Par exemple, dans un jeu de six cartes, la probabilité qu'on devine est de 1/6, c'est-à-dire qu'on doit deviner une fois sur six essais.

H n'en est pas ainsi quand la carte prise au hasard a été vue par une personne voisine; les chiffres qu'alors on obtient sont légèrement supérieurs — plus ou moins, selon la sensibilité du sujet — à ceux qu'aurait indiqués le calcul des probabilités; il a été de 67 au lieu de 42, sur 218 expériences.

2° Si l'os prend une baguette qui révèle les mouvements inconscients produits dans les muscles de la personne qui devine, les chiffres qu'on obtient sont encore plus supérieurs à ceux qu'in­ dique le calcul des probabilités. Le nombre probable étant 18, le nombre réel a été de 44, sur 98 expériences.

3° Si l'on se met dans les conditions dites spiritiques, qui ne font que révéler des mouvements inconscients faibles d'une per­ sonne sensible, les chiffres obtenus sont tout à fait supérieurs à ceux du calcul des probabilités.

Ces dernières expériences sont, selon l'auteur, les plus probantes de toutes. Trois personnes sont assises à une table et causent: celle du milieu, appelée médium, par des mouvements inconscients, ébranle la table; l'ébranlement, par suite d'une disposition très simple, fait retentir une sonnette électrique. A une seconde table placée derrière la première, et cachée aux trois personnes, sont assises deux autres personnes; l'une parcourt silencieusement avec un crayon un alphabet; l'autre note la lettre devant laquelle le crayon se trouve quand le timbre retentit. Enfin, il y a dans la même pièce une sixième personne, qui a pensé à un mot quel­ conque. Lorsqu'on consulte les lettres dictées par la table, on remarque qu'il existe un rapport curieux entre les lettres et le mot pensé par la sixième personne, qui n'est ni à la table spi- ritique ni à l'alphabet. En voici des exemples:

Mots pensés Mots dictés par la table

Jean Racine Ifard

Legros Nefen

E sther F oqdem

Mots pensés Mots dictés par la table

Henriette H igiegmsd

Cheuvreux Dievoreq

Doremond Epjerod

Chevalon Cheval

Allouard Iko

Nous ne doutons pas qu'à la première inspection nos lecteurs trouvent ces résultats bien peu satisfaisants. Néanmoins M. Richet, en les soumettant à l'analyse mathématique, en déduit quelques conséquences curieuses. Ainsi, dans la seconde expérience que nous citons, où l'on pense « Esther » et où le médium répond, par l'intermédiaire de la table, « Foqdem » le nombre de lettres exactes et correspondantes qu'indiquait le calcul des probabili­ tés, était de 6/24 puisque il y a 24 lettres de l'alphabet, et que le mot se compose de 6 lettres, ce qui représente 6 essais de deviner juste. Or le nombre réel est très supérieur au nombre probable: il est 1 (c'est la lettre e qui s'est trouvée juste). En appliquant cette analyse à tous les autres cas cités, M. Richet trouve un nombre probable total égal à 87/24 — 2 (nos lecteurs peuvent en faire le calcul); en réalité le nombre obtenu a été 14, par con­ séquent très supérieur.

La conclusion définitive de M. Richet est que la probabilité en faveur de la suggestion mentale peut être représent le par 2/3. Il admet donc comme probable que la force intellectuelle se pro jette au dehors du cerveau pour retentir sur la pensée voisine. 11 admet encore que ce retentissement agit surtout sur l'intelli­ gence inconsciente de l'individu qui perçoit et de l'individu qui transmet. C'est ce qui rend compte du succès obtenu avec la table spiritique; dans ces conditions, la pensée de l'individu qui transmet agit sur la pensée inconsciente du médium; celui-ci aurait une faculté d'hémisomnambulisme telle, qu'une partie de l'encéphale accomplirait certaines opérations, sans que le moi en fût averti. Enfin, il faut ajouter que cette transmission de pensée se fait à des degrés divers suivant les individus, dont les uns sont très sensibles et les autres peu.

Si nous applaudissons de tout cœur à l'initiative du savant qui a eu le courage de dire à ses risques et périls ce qu'il croyait ê tre la vérité, nous faisons nos réserves sur sa doctrine. On a trouvé généralement que les faits étaient moins probants qu'il ne le dit, qu'il fait une part trop belle à l'interprétation; l'objec­tion capitale, c'est que le calcul des probabilités ne paraît pas fait pour trancher une question de cette nature; la transmission mentale de la pensée est un de ces phénomènes qui ne peuvent être admis que s'ils sont démontrés par des preuves d'autant plus fortes qu'ils s'éloignent davantage des connaissances établies.

Or, le calcul des probabilités est le plus souvent incapable de fournir une preuve péremptoire; il produit l'incertitude, l'inquiétude, le doute.

Mais c'est déjà beaucoup d'avoir remplacé par le doute une négation systématique. M. Richet aura atteint ce résultat consi-dérable que, désormais, on ne pourra plus rejeter la possibilité de la suggestion mentale par une On de non-recevoir dédaigneuse.

En même temps que M. Richet, et après lui, M. Pierre Janet et quelques autres poursuivaient des expériences en France, il se fondait en Angleterre une Société, qui s'intitule Society for psychical researches, et qui étudie également la transmission de pensée (1). Cette coïncidence prouve que la question est « dans l'air ». Les résultats des Anglais sont bien surprenants et très supérieurs à ceux de M. Richet. La moindre conclusion qu'on puisse en tirer est qu'il y a des recherches à poursuivre dans cette voie, et qu'on aurait tort de nier a priori la possibi­ lité de ces phénomènes, parce qu'ils paraissent invraisemblables ou surnaturels.

Si d'ailleurs, nous considérons (2) la question de la sugges­tion mentale sous son aspect le plus simple, si nous étudions la « lecture de la pensée » en l'absence de tout mouvement expressif voulu, nous nous apercevons vite que nous touchons de très près à des phénomènes qui n'ont point été dédaignés par les physiolo­ gistes.

M. Stricker principalement a, dans ces dernières années, insisté sur ce fait qu'il est impossible d'avoir la représentation mentale d'un mot ou d'une lettre sans qu'il se passe un mouvement approprié dans les muscles qui servent à l'articulation de ce mot ou de cette lettre. Ce mouvement, qui constitue déjà la parole extérieure, n'est pas généralement considéré comme tel, parce qu'il peut n'être pas perçu par l'individu sur lequel il se passe. Cependant ce mouvement est assez visible à l'extérieur pour pouvoir être compris très rapidement par certains sujets, comme nous en avons fait l'expérience; et le fait ne surprend guère quand on voit par quel procédé les sourds arrivent à nous comprendre. Or, qu'est-ce donc que la lecture des idées non exprimées, si ce n'est de la suggestion mentale?

Mais ce ne sont pas seulement les muscles qui jouent un rôle dans l'articulation, qui subissent des modifications de tension sous l'influence des excitations extérieures ou des représentations mentales: tous les muscles de l'organisme prennent part à cette modification (I). H n'est pas paradoxal d'admettre que certains sujets doués d'une sensibilité particulière soient capables de sai­ sir ces changements de forme. Les expériences de graphologie entreprises par MM. Richet, Ferrari et Héricourt constituent un autre procédé non moins intéressant pour montrer qu'à chaque état psychique correspond un état dynamique caractérisé par des phénomènes objectifs qu'il appartient à la physiologie d'étudier.

S'il est avéré (2) que tout phénomène psychique s'accompagne de modifications vasculaires et par conséquent de modifications de couleur, de température, de sécrétion, etc., il n'est pas nécessaire de pousser l'hypothèse à outrance pour accepter que des sujets qui sont doués notoirement d'hyperexcitabilité sensorielle soient ca­ pables de sentir ces modifications thermiques ou sécrétoires, etc..

Rien ne se passe dans l'esprit sans une modification de la sub­stance et personne ne peut dire à quel point ces modifications de substance cessent d'être saisissables. L'étude de la suggestion mentale ainsi réduite à la lecture de signes inconscients, com­ prend la recherche de nos réactions les plus subtiles, et la men­ suration de la sensibilité différentielle des divers sujets et en par­ ticulier des hyperexcitables dans leurs divers étals; elle ne doit pas être rejetée dans les sciences occultes, dans l'incognoscible c'est une question de physiologie et des plus intéressantes.

 

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