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Le Magnetisme Animal

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CHAPITRE VII

Hypnoses frustes.

États frustes. — Confusion des périodes, chez des sujets hytériques. — L'hypnose des individus sains; expériences de Richet, Bottey, Brémaud. — Résultats différents de l'école de Nancy.

1! existe un grand nombre d'hystériques chez lesquelles la division de l'hypnose en trois périodes ne se retrouve pas.

Beaucoup d'auteurs ont insisté sur ces exceptions à la règle, qui sont certainement beaucoup plus nombreuses que les cas réguliers; il n'est que juste d'ajouter que l'École de la Salpêtrière a été la première à les signaler: « Souvent, dit M. Richet, les phénomènes neuro-musculaires de la léthargie et de l'état som-nambulique se confondent, pendant que l'état cataleptique con­ serve les caractères qui lui sont propres. Quelquefois, la confusion est encore plus grande, et les phénomènes neuro-musculaires restent les mêmes, quelle que soit la phase de l'hypnotisme. >

M. Dumontpallier, M. Magnin (1) et M. Bottey (2) ont insisté sur ces mélanges des périodes. Ils ont constaté, en s'adressant à des hystériques, que certains sujets présentent une aptitude à la contracture pendant toutes les périodes de l'hypnose. De plus, il se produirait le plus souvent une confusion complète entre les deux espèces de contractures distinguées par M. Charcot; l'exci­ tation de la peau et l'excitation profonde des muscles donne­ raient lieu, à tous les degrés de l'hypnose, au môme phénomène musculaire. Ce phénomène pourrait d'ailleurs être mis en jeu par l'excitation la plus légère, telle que le tic-tac d'une montre, le brait d'un téléphone, le vent d'un soufflet capillaire, une goutte d'éther ou d'eau tiède, un rayon de lumière tombant directement sur la peau ou renvoyé par un miroir. Enfin, dans tous les cas les excitations périphériques capables de produire la contracture seraient capables de la faire cesser.

M. Pitres a aussi décrit une autre déviation du type classique; c'est l' état cataleptoide les yeux fermés, qu'il a observé chez quelques-unes de ses malades hystériques.

De l'hypnose hystérique nous passons maintenant à l'hypnose des individus sains ou prétendus tels. Nous entendons par ces mots des individus qui ne présentent pas des stigmates évidents d'hystérie. Un grand nombre d'expérimentateurs ont fait des recherches sur des personnes des deux sexes, de tous les âges et de toutes les conditions, sans se préoccuper de leurs antécédents pathologiques, dont la recherche est assez compliquée pour qu'on ne puisse les nier sans un examen approfondi (!). M. Richet, qui pense que personne n'est absolument réfractaire au magnétisme, s'est engagé dans cette voie dès 1875. Il endort ses sujets en leur serrant fortement les pouces pendant trois ou quatre minutes, puis en faisant des passes de haut en bas sur la tête, le front et les épaules. Au bout de quelque temps, ces manœuvres prolongées produisent ce que M. Richet appelle le somnambulisme. Cet état est susceptible de présenter trois degrés d'intensité différente (2) .

Le premier degré, période de torpeur, est celui qui survient au bout de cinq à quinze minutes, en faisant des passes. Ce qui se montre tout d'abord, c'est l'impuissance à relever les paupières, et l'anhélation; les yeux deviennent rouges et humides; parfois, on observe l'aptitude des muscles à la contracture par excitation mécanique.

Le second degré, ou période d'excitation, qu'on n'obtient pas d'emblée, mais à la suite de plusieurs magnétisations, est l'état où le sujet dort, mais répond aux questions. C'est à cette période qu'appartiennent les hallucinations provoquées, les actes suggérés et l'oubli au réveil.

Le troisième degré constitue la période de stupeur, où prédo­ minent l'automatisme, l'insensibilité, et des phénomènes muscu­ laires de contracture et de catalepsie, sur lesquels l'auteur passe trop rapidement.

Quelques auteurs récents, M. Brémaud et M. Bottey, sont reve­ nus sur cette question de l'hypnotisme des individus sains, et ils ont précisé les traits du tableau clinique présenté par M. Richet. Il parait qu'en remplaçant les passes par d'autres procédés, tels que la compression des yeux fermés ou du vertex, la fixation prolongée d'un objet brillant, en un mot les moyens usités pour l'hypnose hystérique, on parvient facilement à créer chez des individus sains non seulement le somnambulisme, mais encore la léthargie et la catalepsie, et que ces étals ne diff è rent pas sensi­ blement de ceux qu'on provoque chez les hystériques.

M. Brémaud a réussi à produire chez des hommes soi-disant parfaitement sains, un état nouveau qu'il appelle fascination. Il est provoqué par la fixation d'un point brillant: le sujet, frappé comme de stupeur, suit l'opérateur et imite servilement tous ses mouvements, ses gestes et ses paroles: il est sensible à la sug­ gestion. Du côté somatique, on observe des contractures par ex­ citation des muscles, et l'absence de la plasticité cataleptique.

Pour M. Brémaud, la fascination représente l'hypnotisme à son minimum d'intensité. Cet état nerveux ne peut être établi chez les femmes, ni même chez les hommes qui ont subi des expériences multipliées. A mesure que l'impressionnabilité du sujet s'accroît, il brûle cette première étape et arrive d'emblée à la cata­ lepsie (1).

Ces résultats sont en désaccord complet avec ceux de MM. Bern-he im, Liégeois et Beaunis. Leurs expériences ont porté, comme celles des auteurs précédents, sur toutes les espèces de sujets, sans distinction d'âge, de sexe, de condition pathologique. Ce qu'ils ont observé se réduit en somme à peu de chose, en dehors des faits de suggestion.

Quand un sujet est hypnotisé par n'importe quel procédé, il arrive un moment où les yeux restent clos; les bras tombent en résolution. Dans cet état, l'hypnotisé entend l'opérateur; alors même qu'il reste immobile, la face inerte comme un masque, il entend tout, soit que plus tard, au réveil, il en ait conservé le souvenir, soit qu'il l'ait perdu. La preuve, c'est que sans le tou­cher, sans lui souffler sur tes yeux, le simple mot « Réveillez- vous » une ou plusieurs fois prononcé devant lui le réveille.

Le sujet dans cet état est ouvert à toutes les suggestions. Si on soulève son membre, en affirmant au besoin que ce membre ne peut plus être abaissé, le sujet conserve passivement cette attitude communiquée. Si on imprime aux membres du sujet un mouve­ ment quelconque, il continue indéfiniment ce mouvement jusqu'à ce qu'on l'arrête. Enfin l'anesthésie est complète chez la plupart des sujets; on peut leur traverser la peau avec une épingle, sans qu'ils manifestent la moindre sensation. A ceux qui restent sen­sibles, on peut enlever toute sensibilité par suggestion.

Les auteurs n'ont jamais constaté que l'action d'ouvrir ou de fer- mer les yeux, que la friction du vertex modifiât en rien les phé­ nomènes ou les développât chez les sujets non aptes à les manifester par la suggestion seule.

Ils n'ont constaté que des degrés variables de suggestibilité chez les hypnotisés. Les uns n'ont que de l'occlusion des paupières, avec ou sans engourdissement; d'autres ont en outre de la réso­ lution des membres, avec inertie, ou inaptitude à faire des mou­vements spontanés; d'autres gardent les attitudes imprimées; la contracture par suggestion, les mouvements automatiques sug­gestifs entrent ensuite en scène. Enfin, l'obéissance automatique, l'anesthésie, les illusions et hallucinations provoquées, marquent les étapes successives de cette suggestibilité, dont le degré culmi­ nant est constitué par le somnambulisme. C'est ce dernier degré seul, celui où les phénomènes suggestifs sont le plus développés, qui s'accompagne d'amnésie au réveil. Un sujet environ, sur cinq ou six de ceux que l'on hypnotise, arrive à ce degré de somnam­ bulisme profond.

En résumé, les expérimentateurs de Nancy n'ont observé sur leurs sujets que des phénomènes de suggestion paraissant appar­ tenir au somnambulisme; pour eux, d'ailleurs, la suggestion résume tout l'hypnotisme; non contents d'interpréter ce qu'ils croient avoir observé, ils ont manifesté à plusieurs reprises l'in­ tention de faire rentrer dans le domaine de la suggestion la léthargie et la catalepsie décrites par les autres auteurs. Mais laissons de côté les interprétations et les tendances; ce sont les faits qui nous intéressent. Il parait absolument étrange qu'on n'ait jamais vu, à Nancy, se produire chez les sujets endormis de la contrac­ ture par excitation des nerfs, des tendons ou des muscles ce phénomène banal, M. Richet l'a rencontré souvent en opérant sur des sujets sains, M. Bottey l'a constaté d'une manière con­ stante, toutes les fois qu'il l'a cherché, Braid lui-même en parle à plusieurs reprises, et cependant M. Bernheim, qui opère sur le m ê me genre de sujets, ne le connait pas. Que faut-il donc penser des sujets qui manquent à ce point de signes matériels ? S'il est bien vrai qu'ils ne présentent jamais, quels que soient les excita­ tions auxquelles on les soumette, aucun caractère physique de l'hypnose, si tout se résume dans des phénomènes suggérés, nous sommes obligés d'en conclure qu'aucun de ses sujets ne nous fournil la preuve scientifique qu'il est réellement endormi. Certes, notre scepticisme n'est pas absolu; nous ne prétendons pas que les expérimentateurs de Nancy ont toujours eu affaire à des simulateurs; nous ne doutons pas de leurs expériences en général; mais si nous étions appelés à faire l'examen médico- légal d'un de leurs sujets en particulier, nous ne saurions décider en connaissance de cause s'il est sincère ou s'il ment.

Mais nous sommes portés à croire que les sujets de Nancy ne sont pas différents des sujets de Paris. En réalité, les différences ne proviennent pas des sujets, mais des opérateurs; elles tiennent au mode de culture et surtout aux procédés d'étude. Ainsi que nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, les résultats des expé­ riences dépendent du sens dans lequel on les dirige. Si l'on emploie la suggestion comme procédé unique, on ne recueillera que des effets de suggestion; c'est ce qui arrive à Nancy. Mais si l'on s'at­ tachait à l'étude des caractères physiques, on les observerait quel­ quefois d'emblée et on les développerait à la longue chez un cer tain nombre d'autres sujets.

 

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