De la Cause du Sommeil Lucide

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SÉANCE XI

DE LA LUCIDITÉ DES ÉPOPTES

La luciditédiffère de l'intuition comme la rai­son des sensations. La raison estune faculté d'appliquer conséquemment à un but les con­naissancesfourmes par les sens : de même la lucidité est une faculté d'appliquerconséquem­ment à un but les connaissances fournies par l'intuition. Lalucidité est donc à l'intuition ce que la raison est aux sens. Aussidans le lan­gage médical, un fou lucide par moments, n'est qu'un homme qui parintervalles, jouit de la plénitude de sa raison.

Cependant cetteraison intuitive dans les époptes n'est pas la même que la raison sensiti­vedans l'homme. Celle-ci, quoique non exempte d'erreur, a encore naturellement lafaculté de combiner les antécédents avec les conséquen­ces et avec tous lesaccessoires qui contribuent à la liaison des idées et des sentiments.Celle-là que nous avons aussi appelée mixte, est intrin­sèquementaffranchie de tout frein de con­nexion. Elle n'améliore avec l'exercice et letemps ; mais elle ne parvient jamais à ce degré de perfection qui a le droit d'inspirer de la sécurité.L'épopte qui s'en sert, étant plus ou moins privé de la liberté de replier sonatten­tion sur l'objet de son intuition, en use toujours d'après ce quile frappe dans le moment, sans aucun égard aux circonstances.

La raison intuitiven'est exempte de tout défaut que dans les purs esprits ; parce qu'elle s'allieà la latitude de toute leur liberté interne, et n'est influencée paraucun intermédiaire.

Tout épopte dans sespremiers sommeils, pour être mis au nombre et dans la classe de parfaitsépoptes, doit donc éprouver des aber­rations d'aliéné. L'utilité qu'il offre encet état gît seulement dans son aptitude à atteindre, par la direction,des vérités occultes. 11 n'en est pas de même de ceux qui dès lapremière fois rai­sonnent avec suite et connexion. L'usage qu'ils fontd'une grande partie de leur liberté interne, annonce clairement que leurconcentration n'est pas profonde, conséquemment que l'intuition qui en suit lesdegrés n'est pas bien étendue.

Dire qu'un épopteest parfait n'est pas annoncer un épopte infaillible. Il arrive même quedes époptes d'une classe subalterne décè­lent plus exactement desvérités cachées que les époptes parfaits ; mais l'expérience prouve que cetteexactitude précaire et passagère ne leur donne pas droit à toutela confiance, en raison de l'étroite circonscription de leur intuition. Espérertrouver dans les annonces de ces ora­cles une certitude sans mélange d'erreurs,c'est se bercer d'une attente vaine qui ne se réalise jamais. On inculque icice que dicte la raison et non ce que produit le hasard.

2. — Mais il fautremarquer aussi que nul épopte, à quelque classe qu'il appartienne, nepeut être le même dans toute circonstance et à toute heure.L'intuition qui règle la lucidité dépend essentiellement d'une certainedisposi­tion du sang, et cette disposition ne peut pas être toujours lamême. En admettant que sa masse ne varie qu'imperceptiblement dans saliquidité et dans sa densité, nous ne pouvons pas disconvenir que son calme dumoins ne soit assujetti dans la journée aux différentes affec­tions del'esprit. Quelle est la personne exempte de ces secousses de joie ou de chagrin? Si l'intuition, et conséquemment la lucidité, dépé­rissent toujours devant l'agitationdu sang, il est clair que nul épopte ne peut être le même danstoutes circonstances et à toute heure du jour.

On doit s'attendredonc que dans certaines occasions, qui ne peuvent pas toujours être pré­vues,la lucidité des époptes doit être beaucoup plus équivoque que dansd'autres. Dans les jugements sur la nature de la lucidité, il y a tou­joursà calculer, outre les dispositions exquises des époptes et lesinsinuations d'une direction sage et éclairée, la tranquillité de leurs fluidesinternes et conséquemment celle de leur esprit. Les expériences prouventjusqu'à satiété que si les agitations dans le sang ne lesempêchent pas toujours de dormir au commandement, elles influent du moinstrès vivement sur l'obstruc­tion de leur lucidité.

On ne peut donc pasraisonnablement, sur une seule consultation satisfaisante, s'autoriser àaccorder aux époptes toute l'étendue de sa confiance. Cependant, abstractionfaite de ces variations passagères, les époptes qui méritentd'être écoutés avec attention sont ceux qui extra ­vaguent facilementparce qu'ils montrent par là qu'ils sont extrêmement restreintsdans l'usage de leur liberté interne par la profonde abstrac­tion des sens, etque leur intuition pour ainsi dire, sans bornes, n'a besoin que d'une insi­nuationopportune pour dévoiler la vérité qu'on cherche, Aussi ils ne préviennentjamais les questions : souvent même ils n'en résolvent que la moitié, etl'on a de la peine à les leur inculper toutes à la fois soustoutes leurs faces. C'est que leur esprit, qui flotte dans un vague d'idées,est hors d'état de s'assujettir à l'enchaî­nement d'une série d'objetsprécis et déterminés.

Ceux des époptesqui, sur une seule question développent plus qu'on ne veux savoir, éton­nentà la vérité, tant que leurs annonces sont hors d'état d'êtrevérifiées ; mais celui qui con­naît la nature du sommeil lucide, trouve danscette facilité même de parler et d'enchaîner les idées la preuve d'unsommeil sans grande profondeur, et conséquemment de l'exercice de leur pleineliberté interne, qui ne s'associe jamais avec l'intuition mixte.

3. — La lucidité estincalculable dans ses variations comme l'intuition dont elle suit les nuances.Toutefois elle peut être réduite à qua­tre principaux chefs, demême que l'intuition. La lucidité est Ou absolue, ou relative, oucon­jonctive, ou fictive ; division qui convient égale­mentà l'intuition.

La lucidité absolueet celle qui atteint les objets sans aucune erreur : elle n'est que lepartage des purs esprits parce qu'elle est indé­pendante de toute entraved'enveloppe hétérogène. C'est une copie de la raison éternelle, toujoursétayée de l’exercice de la pleine liberté interne. Elle ne dévie dans lesesprits malfai­sants de la justesse de sa marche que par leur obstination dansle mal. Elle est incompatible avec l'état de la périgrination de l'homme, dansquelque situation qu'il se trouve.

Toutefois, sous unecertaine restriction, elle convient aussi aux cataleptiques. Leur concen­tration,qui peut être appelée extra-naturelle parce qu'elle franchit en certainefaçon la bar­rière du domaine de la nature individuelle les rend presqueétrangers à eux-mêmes, et aug­mente l'usage de leur libertéinterne. Aussi il est très ordinaire chez eux lorsqu'ils sont chro­niqueset invétérés dans leur état, de plier et de replier avec facilité leurattention sur les moin­dres détails de la question qu'on leur adresse. Il estdes moments où l'on peut les considérer comme des êtres inspirésplutôt que comme des êtres concentrés, tant ils ont de facilité àvarier conséquemment dans leurs idées, en planant sur le passé, sur le présent,sur l'avenir et à distance, sans éprouver la moindre aberration.

Sous une restrictionplus bornée encore, la lucidité absolue peut convenir aussi aux épop­tes,lorsque étant profondément endormis, ils prennent spontanément toutes lesmesures nécessaires pour atteindre le but qu'une impul­sion interne leurindique ou leur commande. On peut croire que dans ces circonstances ils yparviennent moins par la recherche des moyens que par l'analogie des idées.Profondément imbus de ce but où ils visent, ils sentent naturellements'y lier tout ce qui est nécessaire pour l'obtenir. Ces résultats sont plususuels chez les époptes naturels que chez les époptes occasionnels. Aussi il yen a qui se lèvent la nuit, s'habillent, cherchent les clefs de lachambre dans les lieux précis où elles sont cachées, ouvrent et fermentla porte, font le chemin jusqu'à la rivière en suivant toutes lessinuosités des rues, s'y désha­billent, s'y baignent, se rhabillent etreviennent se coucher, en évitant soigneusement tous les inconvénients quipeuvent les détourner de leur but. Cependant, il est hors de doute qu'il setrouveraient fort embarrassés dans l'exécution de leur plan, si une seule deleurs mesures se trouvait entravée par un nouvel obstacle ; parce que leurintuition ne leur a montré que ce qui existait par l'analogie des idées qu'ilsavaient ; elle ne leur montre pas ce qu'il existe dans le moment même,par le défaut d'exercice d'une liberté suffisante.

La lucidité absolue,sous cette restriction même, ne peut jamais être le partage desépoptes occasionnels : elle ne peut leur appartenir que dans quelques détails.Nulle direction ex­terne ne peut leur inspirer autant d'intérêt pourobtenir un but que celui que leur inspire la nature par ses impulsionsinternes. Ils ne peu­vent donc s'abandonner à l'analogie de leurs idées,pour trouver les moyens d'y répondre que dans quelques circonstances qui sallient avec la restriction de leur liberté interne. Néan­moins ils peuventspontanément faire autant et plus que les époptes naturels, en raison de l'exer­cicequ'ils ont de leurs facultés intellectuelles, et conséquemment do leur liberté,quoique la lucidité absolue, circonscrite sous cette restric­tion, soit plususuelle chez ces derniers.

4. — La lucidité relativeest celle qui atteint les objets par les sensations internes. Elle neconvient qu'à une certaine classe d'époptes et non indistinctementà toutes. Ces époptes disent toujours qu'ils sentent ; maisqu'ils ne voient pas, tout en indiquant les couleurs, lès distances etles quantités des objets. Ils éprouvent en géné­ral, les maux d'autrui, toutesles fois qu'ils s'en occupent. Il est présumable que l'exquise sensi­bilitédont ils sont doués momentanément, est la cause de ce qu'ils appellent sentir.

Quoique tous lesépoptes, en général, soient susceptibles de sentir plus vivement,d'après les degrés de leur conviction intime, que l'homme dans son étatnaturel ; néanmoins cette classe d'épopte l'emporte sur eux par une dispositionprécaire de leur complexion qui ne dure pas toujours. Aussi après uncertain laps de temps indéterminé, ils passent de cette lucidité à uneautre, de même qu'il y en a qui, après avoir été lucide autrement,tombent dans la lucidité rela­tive. Le temps, les observations et lesexpérien­ces découvrent, découvriront peut-être un jour ce qui donne lieuà cette cause singulière.

La lucidité relativeest digne de toute con­fiance, si l'épopte qui en jouit ne se prévient pascontre ou pour ce qu'il entreprend de déci­der. Les sensations internes sontchez lui une juste mesure de son jugement; mais il faut que cet acte del'esprit, pour être conforme à son objet, ne soit point influencépar une force étrangère. Mais peut-on, ou doit-on le présu­mer ? Ce quenous dirons dans la suite des entraves qui empêchent toute espècel'époptes d'être constamment exacts dans leurs annonces fera voir queleurs décisions ne portent le cachet de justesse que lorsque les succèsles justifient.

Cette lucidité estla plus aisée à être démêlée des autres espèces delucidités. Les époptes qui en sont doués ne s'expriment qu'en disant qu'ils sententet qu'ils ne voient pas, comme si cette dénomination était consacrée par lavoix même de la nature. Néanmoins on peut quelquefois la confondre avecla lucidité stupide de ces épop­tes qui étendent par la lecture des écrituresou­vertes et par l'intelligence des langues étrangè­res. Ils ne disentpas clairement qu'ils sentent et ne voient pas, mais ils s'expriment toujoursd'une manière très équivoque sur le caractère de leurintuition.

Nous n'avonscaractérisé cette lucidité de relative que pour l'opposer à lalucidité absolue. Il est certain que la dénomination de sensitive luiaurait convenu avec plus d'exactitude d'après l'idée des époptes ; maisce terme, étant une fois consacre pour exprimer l'état de veille, ne peut plusêtre employé pour signifier l'une des modifications du sommeil.

5. — La lucidité conjonctiveest celle qui trouve à côté de l'objet de la question la solu­tionqui le concerne. Par elle, l'épopte revit à coté du mal, qu'il découvrepar la direction le remède propice qui doit le détruire, et àcôté d'une affaire douteuse la décision qui la rend positive. Cette luciditéest l'apanage de tous les époptes qui ont des dispositions éminentes etexquises au sommeil. Ce n'est pas dire que tout ce qu'ils annoncent esttoujours marqué au coin de l'exactitude ; c'est dire non seule­ment qu'étantbien dirigés ils ont l'aptitude a y parvenir mieux que tous les autres.

Il est à lavérité inconcevable, que l'objet d'une question et la solution qui la décide,se trouvant en général éloignés l'un de l'autre par la distance de temps ou delieux, se présentent ensemble à l'intuition de ces époptes. La raison humainese refuse à admettre comme une vérité ce qui répugne aux principesfondamen­taux qui la dirigent ; elle ne voit pas facilement les rapports quilient ensemble les deux extrê­mes de l'espace qu'interjettent lesdifférents temps et les différents lieux.

Mais nous avonsdéjà amplement développé que l'esprit vivant dans l'éternité etcirconscri­vant l'espace ne peut ni ne doit connaître par lui-même lesdistances de temps et de lieux. La raison qui ne conçoit que ce qui tombe sousles sens, n'y trouve que des mots sans idées. Faut-il en conclure qu'iln'existe rien au delà de la sphère du sensible. La raisonl'entrevoit, si elle ne le conçoit pas.

L'homme ne conçoitles distances de temps et de lieux que parce qu'elles circonscrivent les sens ;c'est-à-dire, parce qu'elles leur présen­tent des entraves qui leurdérobent ce qu'elles contiennent et enferment. L'esprit, qui circons­critl'espace de temps et de lieux, atteint du même coup, comme étantensemble, ce qui pour l'homme est séparé par les distances ; parce quepénétrant tout, il y est plus présent que l’homme n'est présent aux objets parun con­tact immédiat. Pouvant voir simultanément les objets où ils sontet où ils peuvent être, il ne doit donc pas trouver d'entravesdans l'espace de temps et de lieux. L'homme ne rencontre ces intervalles queparce qu'il les contemple d'un point où ils ne sont pas.

On peut comprendremaintenant la raison pour laquelle un épopte voit souvent les parties détachéesde leur tout, et le tout détaché de ses parties. C'est que lorsque sonattention ne se porte que sur les parties que son esprit circons­crit dans lemoment même, il ne voit que les parties sans aucun égard à leurtout ; et lors­que son attention se porte sur le tout que son espritcirconscrit; il ne voit que le tout sans aucun égard à ses parties.Ainsi il dit presque toujours qu'une personne malade se porte bien, si l'on nele dirige pas précisément sur l'endroit lésé et souffrant.

6. — La lucidité fictiveest celle qui voit les objets d'après une prévention et nond'après la réalité. Voici la lucidité la plus dangereuse de toutes, etqui pouvant être commune à toute classe l'époptes, rend leur étatéquivoque et inspire de la défiance sur leurs décisions. Il ne faut pas croirequ'ils y mettent de la mauvaise loi, lorsqu'ils ne veulent pas abuser de leursommeil : ils s'y trouvent entraînés avec vio­lence par une faiblesse naturellede l'esprit, qui cependant n'est pas également et constamment commune àtous. Il y a toujours de plus et de moins, ce qui dépend et du caractèredes époptes et des sentiments que leur inspirent ceux qui cherchent àles consulter.

Nous avons remarquéque la prévention n'est chez eux qu'une conviction intime, et que cetteconviction dispose tous leurs fluides internes suivant ses degrés et sa force.La restriction de leur liberté interne ne leur permet pas de la maîtrisertoujours. Ils sont entraînés à suivre le cours et l'ordre des sensationsinternes qu'elle commande impérieusement. Ce sont les idées qui y répondentavec la présence de leurs objets, qu'ils regardent comme un résultat de leurins­pection, tandis qu'elles ne sont rien moins que correspondantes aux objetsréels et effectifs, qui seuls, dans l'état naturel de l'homme, ont la puissancede les exciter.

Cependant il estbien rare qu'une consultation entière soit fictive dans tous ses chefset circons­tances ; elle ne Test en général que dans quel­ques-unes de sesbranches ; parce que la direc­tion par les questions que de temps àautres on adresse aux époptes, pour connaître ce qu'ils pensent de leur sujet,les empêche de se livrer entièrement à leurs idéescapricieuses et arbi­traires ; et si le concentrateur est assez adroit pour lesconduire par la filière précise des objets qui ont besoin de leursdécisions, il est à pré­sumer que leurs jugements sont exacts et queleurs avis répondent complètement au but de la consultation.

Mais quel est leconcentrateur qui peut se pro­mettre de diriger les époptes avec toute l'exac­titudeque demande cette fonction. Il faut donc s'attendre toujours que leur lucidité fictivesupplée au défaut de questions suffisantes, et qu'ils pren­nent souvent pour lacause ce qui n'en est qu'un effet ou une circonstance, et quelquefoismême ce qui n'y a aucun rapport. Ces écarts dans le traitement desmaladies n'ont en général aucune suite fâcheuse; parce que ce qui est appliquéà la guérison d'un effet du mal, pris comme cause ne peut pasordinairement aggraver la cause réelle. Néanmoins ils peuvent être per­nicieux,surtout si les époptes prononcent sans être dirigés ; parce que dans cecas ils peuvent se régler par une lucidité tout à fait fictive.

7. — Uneconsidération importante se pré­sente ici ; c'est la nature du jugement quidoit être porté sur une lucidité qui ne prononce qu'hypothétiquement surla solution d'une ques­tion proposée. Il arrive souvent que les époptes disentdans les consultations que si l'on prend une mesure qu'ils indiquent, onobtiendra le résultat qu'on désire, et qu'autrement il sera contraire auxespérances. Ce qu'il y a de plai­sant, c'est que lorsque tout en suivant lesavis reçus on ne voit pas le succès couronner l'assu­rance, on remarqueavec étonnement que ces êtres intuitifs produisent, pour excuser leursbévues, les entraves qui sont survenues aux secondes causes, et qui avaientéchappé à leur attention.

Des conseilsconditionnels ne peuvent intrin­sèquement être donnés que par lespersonnes qui conjecturent, faute de connaître à fond le sujet proposé.Si ce qui est voilé à la vision sen­sible se trouve déroulé devantl'intuition des époptes par l'affranchissement des distances de temps et delieux, comment peuvent-ils enve­lopper d'hypothèses ce qui est enlui-même exac­tement positif ou négatif? Toute vérité cachée aux sensdoit être aussi présente à l'esprit que l'est aux yeux tout ce quiest matériel : elle doit s'y offrir comme excitante, indépendamment de toutecause qui la produit soit primaire, soit secondaire. Cette prévision exige unautre repli de l'attention de leur part pour la déceler, et les engagerà coordonner et à parcourir toute la filière des causesqui sont pêle-mêle devant l'intuition.

Il faut donc établirque nul épopte qui raisonne sur la solution d'une question proposée, ne jouitde la lucidité nécessaire, et ou il ne veut que passer pour ce qu'il n'est pas.Quelquefois ce qu'il annonce peut ne pas être faux: parce que l'intuitionlui donne toujours une supério­rité décidée sur tous les hommes dans leur étatde veille; mais aussi tout ce qu'il dit, doit ne pas être toujours exact,parce que par la com­binaison même de ses idées il fait voir qu'il parled'après ce qu'il pense et non d'après ce qu'il voit ; et il estconstant que ses opinions ne sont pas toujours conformes à la réalité.

Il n'est permisà l'épopte de raisonner dans ses décisions que pour en justifierl'exactitude, lorsqu'elle est controversée par le concentra­teur ou par lesassistants. Des discussions pareil­les n'ont plus l'inconvénient d'uneprévention : elles partent toujours des bases certaines de ce qui tombe sousson intuition. Mais par malheur dans cette sorte de rencontre les époptes nes'embarrassent pas toujours de l'opinion d'au­trui, et ils ne se donnent lapeine de disserter que lorsqu'ils annoncent sous des hypothèses desvérités cachées qu'ils n'atteignent pas.

8. — La lucidité quise développe tout à coup, comme l'intuition, est toujours préférableà celle qui se développe successivement. Celle-là fait voirqu'elle est l'ouvrage de la nature même : celle-ci n'appartientqu'à l'art, qui ne peut jamais, ni ne doit même égaler la nature.

La lucidité qui sedéveloppe tout à coup est ordinairement très étendue et annoncetoujours une extrême pauvreté dans la masse du sang. C'est donc un effetde l'état de maladie que la nature a été forcée de provoquer, faute de moyens d'ypourvoir. La lucidité qui se déve­loppe par degrés est l'effet de l'usage de lacon­centration qui, dégagée des préventions et de l'apathie, a essentiellementla vertu de procurer du bien-être. Elle peut élaguer du sang les humeurshétérogènes, mais jamais l'appauvrir. Si l'intensité de la lucidité eten raison directe de la pauvreté du sang il est clair que la luci­dité quiprovient de la nature même est préfé­rable à celle que provoquel'art.

Toutefois il fautsavoir distinguer l'une de l'autre. Souvent des craintes paniques, que l'exer­ciceet le temps dissipent, servent d'obstacles au prompt développement de lalucidité qui appartient à la seule nature. Dès lors elle ne sefait connaître qu'après quelques répétitions des actes de laconcentration. Les époptes qui éprouvent ces affections s'en désabusent parleur propre expérience, et se livrant ensuite au sommeil avec calme etsécurité, il ne se trou­vent que dans leur lucidité purement naturelle.

D'autres fois lalucidité naturelle, après s'être développée pendant quelque temps,reste pour ainsi dire comprimée par des causes secondes pendant un autre espacede temps, pour se manifester une seconde fois avec le même éclat. Dansces rencontres, on doit toujours croire qu'il y a ou de la négligence de la partdes épop­tes à suivre leurs propres ordonnances, ou de l'ignorance de lapart des concentrateurs à les diriger opportunément sur leurs maux poury appliquer des médicaments propices. L'action de la concentration, quiessentiellement doit tendre à faire du bien à cette classed'époptes, ne peut détruire leur lucidité qu'à la suite de leur parfaiteguérison.

En disant qu'il ya de la négligence de la part des époptes a suivre leurs propres ordonnances, nousnous sommes exprimé ainsi pour nous conformer à l'opinion vulgaire. Nousavons déjà annoncé que nul épopte, de quelque grave maladie qu'il soitatteint, n'a besoin de médi­caments ni d'ordonnances qu'il se prescrit et qu'ila dans son sommeil seul, ou même dans ses seules dispositions au sommeil,tout ce qui est nécessaire à son propre rétablissement. Il n'y a doncque la seule ignorance du concen­trateur qui soit la cause du désordre dontnous avons parlé.

9. — Nous avons ditque la lucidité ne doit être détruite tout à fait qu'avec laparfaite gué­rison ; c'est-à-dire, avec la destruction de la faiblessedu sang qui en est la cause. Toutefois on doit se rappeler qu'un parfaitrétablissement n'existe pas chez l'homme, parce que le parfait équilibre desfluides et des solides d'où provient la parfaite santé, étantincompatible avec la condition humaine, il faut indispensablement que l'hommese trouve dans l'un des deux extrêmes, de faiblesse ou d'engorgement.Ce qui est une parfaite guérison dans un malade, n'est donc qu'un passaged'une maladie plus grave à une maladie moins grave.

Lorsque des époptesdisent qu'ils doivent jouir du sommeil lucide pendant un laps de tempsdéterminé, ou même jusqu'au terme de leur existence, ils ne parlent qued'après leur prévention, et non d'après une exacte connais­sancede leur situation. Nous avons dit plusieurs fois que dans les époptes quidorment avec calme et sans secousses, le principal effet du sommeil lucide estl'amélioration de leur santé, et conséquemment de leur état de faiblesse encelui d'engorgement. S'ils ne savent ce que c'est que l'action de laconcentration, comment peu­vent-ils en décider avec précision la durée ?

Tout épopte doitdonc, étant bien dirigé et soigné, perdre, sa lucidité au bout d'un certaintemps limité par un changement d'amélioration qui doit indispensablementsurvenir dans son sang ; et ces époptes, qui se conservent lucides ou disent seconserver tels pendant des années entières, en imposent à leurconcentrateur, en singeant la lucidité qu'ils ont eue une fois et qu'ils n'ontplus. S'ils ont été soignés, il ne peu­vent qu'être améliorés dans leurcomplexion ; et s'ils ont été négligés, ils sont nécessairement détériorés, dumoins pendant quelque temps, dans leurs dispositions au sommeil lucide, parceque, par une surveillance particulière de la nature individuelle, leursang éprouve toujours des entraves de densité qui l'empêchent de tomberdans son extrême et final anéantisse­ment, par une progression toujourscroissante et non interrompue de faiblesse.

Il résulte de cesobservations que si les époptes ne connaissent pas l'action de concentration,ils ne savent ce qu'ils disent, lorsqu'ils ordon­nent à leurs malades dese faire magnétiser, en désignant encore la personne qui doit exercercette fonction, comme la plus habile et en précisant les parties qui, plusparticulièrement, doivent recevoir cette action. Ce qu'il faut encoreremarquer, c'est que beaucoup de méde­cins emploient la même formule,dès qu'ils ne trouvent plus dans leur science médicale de quoi soignerleurs malades. Que fait-elle cette action, si toutefois elle existe ? Est-ce dubien ? Si l'on consulte l'expérience, on doit s'aperce­voir qu'étant considéréesous son juste point de vue, elle a souvent fait du bien et du mal auxpersonnes aptes, et quelquefois rien à celles qui n'y avaient point lesdispositions requises. L'usage de l'action de concentration ne peut êtrefait que sur certains malades précis, et par les personnes qui en connaissentla nature.

10. — L'ignorance dela disposition du sang n'est même pas indifférente dans le traitement desmalades par la marche ordinaire de la méde­cine pratique. Elle manque son buttout aussi bien que 1 ignorance de la nature de la concen­tration. La natureindividuelle qui s'y dévoile est le seul oracle qui doit être consultépour la réussite des entreprises de ce. genre, et non le seul caractèredes maux et la seule vertu des médicaments qui y soient propices. L'expériencejournalière fait voir assez que les mêmes mala­dies necèdent pas toujours aux mêmes moyens curatifs.

La plus ou moinsprompte obéissance des membres aux ordres de ce principe moteur obéissance quiest toujours subordonnée à la disposition du sang, est ce qui décidel'efficacité des médicaments ou la détérioration des malades, souventmême des simples indifférents, mais pris avec confiance, produisent deseffets plus salutaires que les simples reconnus pour être les plusefficaces. C'est ce que la conviction intime, qui enfante la plus hauteconfiance, règle plus les sucs internes en raison de la grande

liquidité du sangque tout les moyens pharma­ceutiques. Voilà l'empire de la natureindividuelle, lorsque la machine a des dispositions requises à lui obéirsans résistance.

Tous ces élixirs ettous ces remèdes secrets dont l'empirisme propage avec assurance lavertu et l'efficacité contre des maladies singulières et déterminées, nesont donc que des appâts tendus à la crédulité humaine, quoiqu'ilssoient souvent les résultats heureux de longues méditations et de péniblesrecherches. Les maladies ne sont les mêmes qu'en apparence ; elledifférent toujours entre elles. Il ne peut donc pas y avoir de médi­camentsgénéraux qui conviennent à plusieurs d'entre elles, comme faisant uneespèce.

On ne prétend pasdire que la nature indivi­duelle peut être indistinctement consultée cheztous les malades pour en provoquer la guérison, elle n'est soumise aux ordresdes médecins que chez les personnes qui ont le sang extrêmement liquide.C'est par une conséquence de ce prin­cipe que Boerhaave guérit un fou dans l'undes hôpitaux de Hollande, en courant après lui avec une pincette rougieau feu ; qu'un autre médecin fit remonter les hernies à une dame, avecune pelle à feu égalementrougie ; qu'un troisième procura à une autre dame d'abondantesévacua­tions, avec du café donné sous la dénomination de médecine ; etqu'enfin des paralytiques rete­nus depuis longtemps dans leurs lits, se sontmis à courir à toutes jambes, pour échapper aux incendies quiréduisaient en cendre» leurs domaines.

Les malades chezlesquels le sang est épais n'ont pas la même ressource. Il sont forcés decourir la chance de la science médicale et de l'action des médicaments dontelle leur prescrit l'usage. La disposition de leur sang empêche que la nature individuelle ne soit chez eux aussi souple quechez les autres.

11. — La luciditévarie dans la même per­sonne, et elle varie non seulement dans son éclat,mais aussi dans les bases de ses propor­tions, comme l'intuition dont elle suitles vicis­situdes. Aussi le même épopte ne voit pas tou­jours lesmêmes objets à la même distance, dans la même grandeuret de la même couleur, du moins en nuance. Je crois qu'on doit penser paranalogie de même des autres sensations internes qui répondent aux autressens, lorsqu'elles se produisent naturellement. La tentative des expé­riencesne pourrait pas éclaircir ce sujet, parce que les idées que les époptes ypuisent sont toujours simples, inaccessibles aux expressions, du moins pourêtre exactement définies.

Il est hors de douteque ces variations dans la représentation des objets externes viennent de lavariation qu'éprouve le sang. Il paraît que les agitations qui le troublent,produisent sur l'esprit des effets à peu près semblables àceux que la concavité et la convexité des verres pro­duisent sur la vision,pour agrandir, rapetisser, approcher ou éloigner, en un mot pour méta­morphoserles objets.

Toutefois, dansl'uniformité du calme du sang, l'épopte ne varie pas dans ses sensations inter­nes,a moins qu'un changement de complexion ne donne à ce fluide vital uneautre modifica­tion permanente. Mais dans tous les cas, les objets externes nesont point en général, devant son intuition les mômes que devant tes sens. Uss'y changent toujours, du moins dans les nuances, et l'on peut présumer queceux des époptes qui ne trouvent pas de différence dans l'un et l'autre étatd'intuition et de sensations, n'appartiennent pas rigoureusement à lacaté­gorie d'êtres intuitifs.

Les variations eueles époptes éprouvent dans la connaissance des objets externes pendant lesommeil déposent que leur intuition ne les atteint pas tels qu'ils sontréellement. Néan­moins on peut présumer que cette manière sin­gulièrede les connaître, s'approche plus de l'exactitude que celle des sens.L'intuition mixte a, à la vérité, un transparent entre les objets etl'âme : mais elle a aussi un mode spirituel qui franchit toute distance detemps et de lieux. C'est dire qu'elle a un genre devant lequel, dans saperfection, les choses ne peuvent se présenter que telles qu'elles sont parleur nature. Ce trans­parent même, qui métamorphose les objets, est sisimple qu'il est exempt de toute complication de ressorts.

Les sens, aucontraire, sont dépouillés de tous les avantages de l'intuition, et ont contreleur témoignage, une organisation qui, d'après la condition humaine nepeut jamais être exacte et parfaite. Le corps dégradé de sa constitutionprimitive n'offre plus clans ses membres et ses organes qu'une ébauche de sanature. Les sens ne peuvent donc exercer leurs fonctions que trèsincomplètement dans la transmission des impressions des objets externes.

12. —A plus forteraison la lucidité doit varier dans tous les époptes, parce qu'il n'y a pasdeux personnes chez lesquelles la disposition du sang, qui sertd'intermédiaire, soit la même. Aussi, ils ne sont jamais d'accord sur lesdistances, sur la quantité, sur les nuances descouleurs des objets, ni même parfois sur leur différence spé­cifique.D'après l'analogie, il faut présumer qu'on doit penser de même detoutes les autres sen­sations internes qui répondent aux sens externes.

On ne consulte doncpas sagement les intérêts de sa santé, lorsque dans les maladies on veutsavoir si dans leurs avis plusieurs époptes sont uniformes. L'accord queparfois on trouve parmi eux sur le même objet, ne gît pas, certes, dansleurs idées, mais seulement dans quelques-unes de leurs expressions, parcequ'elles ne sont qu'ar­rachées par des questions multipliées, qui y sontanalogues.

Ce n'est pas direcependant qu'il faut les lais­ser agir sans direction : ce serait s'exposer en­coreà des inconvénients beaucoup plus graves ; c'est-à-dire seulementqu'il n'existe entre eux aucune base de convention, et que chacun se guided'après celle que lui fournit ou sa nature ou son caprice. Les mots deslangues dont ils se servent pour communiquer avec les assistants renfermentsouvent d'autres idées que celles qui leur sont propres ; et lorsqu'ils sontinterprétés dans le sens qui leur est attaché, ils dénaturent tout àfait ce qui est important de comprendre.

Les idéessingulières diffèrent encore beau­coup plus entre elles chez leshommes que la lucidité chez les époptes ; mais ceux-là ont entre eux desbases de conventions qui les rapprochent les uns des autres pour s'accorderdans l'intel­ligence de ce qu'ils expriment. On pense com­munément que tout lemonde a la même idée d'un objet donné ; mais la raison démontre qu'ellediffère autant d'une autre que les traits d'un visage différent destraits d'un autre visage. On ne se tromperait pas peut-être, si pourjuger de la différence des fonctions des organes externes, des sensationsqu'ils produisent et des idées qui en résultent, on les comparait àcette forme humaine. Elle est, quant au fond, la même chez tous leshommes, et elle ne diffère chez eux que dans les proportions des traits.

Mais les hommess'entendent entre eux et ne se trompent pas dans leur commerce mutuel, parceque sans s'embarrasser de l'identité de leurs idées, ils ont établi uneidentité de déno­minations. Toutes les idées sont modelées chez chaque hommesur un type qui existe chez lui et qui n'est commun à personne. Le typede l'un change ses proportions devant le type d'un autre, et tous les hommespensent persuasive­ ment qu'ils ne se guident dans les opérations de leuresprit que sur un type commun. Ils sont hors d'état de se détromper de cetteerreur dans la pratique, parce que le moyen même d'y par­venir estdépourvu de toute certitude absolue.

13.— L'oubli quisuit la lucidité est une preuve de son existence pendant le sommeil, parce quela mémoire, qui est le résultat des impressions des images que laisse dans lesparties les plus liquides de la masse du sang la propagation du mouvement,provenant de l'action des objets externes, est inséparable de l'attentionqu'ils s'attirent dans l'état de veille. Dans le sommeil la propagation de cemouvement par les organes ordinaires n'existe pas; l'âme atteint directementces objets, quoique ce soit par le transparent du sang, et conséquemment nulleimage ne s'im­prime sur le corps pour produire la mémoire.

Aussi, plus il y a dedistance entre l'état de veille etcelui de sommeil plus la lucidité a d'é­tendue et devient merveilleuse, demême que l'intuition, comme nous l'avons déjà observé ailleurs. Lalucidité est donc toujours et cons­tamment proportionnée dans son intensité àla profondeur du sommeil, c'est-à-dire de l'abstrac­tion des sens ; etlorsqu'elle se développe dans l'état de veille par le moyen d'une concentrationfaible et légère, elle ne porte jamais l'éclat qui lui est propre dansl'annonce des vérités occultes.

Toutefois la mémoirequi suivrait la lucidité n'est pas toujours une preuve de sa non exis­tence oude son imperfection pendant le som­meil. Les impressions des images qui produi­sentcette faculté matérielle sont à leur tour subordonnées au repli de l'attention.Si les époptes dans leur sommeil sont assez avisés pour réfléchir sur ce qu'ilséprouvent, ils font tout ce qui est nécessaire pour en graver les images, etpour conserver à leur réveil la mé­moire de ce qui a attiré le repli deleur attention.

La mémoire n'estprimitivement que l'enfant de l'attention. Les époptes ne manquent d'en jouirque par un défaut de liberté suffisante pour la replier sur son objet. L'homme,même dans son état naturel, ne conserve pas toujours la mémoire de tousles objets qui tombent sous ses sens, parce que tout en jouissant de toute saliberté interne, il a négligé de replier sur eux une attention suffisante.Aussi Ton a prê­ché en tous temps que la mémoire ne devient solide quepar l'exercice, c'est-à-dire, par la répétition des actes du repli del'attention.

Il est aisémaintenant de sentir la raison pour laquelle les époptes, après leursommeil, conser­vent, en gênerai, la mémoire de tout ce qu'ils font et disent. Ils dorment avec inquiétude et tout endormant parfois profondément, ils ne négligent pas de faire attention àtout ce qui se passe autour d'eux. La restriction de leur liberté interne nedépend que de la paresse à replier leur attention. Aussi il est desépoptes qui, à leur réveil, se rappellent habituellement tout ce quis'est passé dans leur sommeil, parce qu'ils se replient habituellementl'attention sur tout ce qui fait l'objet de leur entretien externe et interne.

14. — C'est de cettelucidité que l'institution de la société connue sous le nom de rose-croix etd'illuminés a pris naissance. Lorsqu'on entend les récits de tout cequ'on y opère et de tout ce qu'on y voit, on pense persuasivement que lacause occulte ne peut en être qu'une puissance surnaturelle, tant leschoses racontées ont la magie d'embellir l'illusion et les égarements del'imagination. Mais lorsqu'elles tombent sous le témoignage de la vue, ellessont si éloignées d'avoir le mérite qu'elles empruntent de l'élo­quenced'autrui, qu'au contraire elles inspirent plutôt de la pitié que de l'admiration.

Il est trèsprobable que ces associations entourent cette source de mille prestiges inac­cessiblesà la connaissance des spectateurs ; mais il est certain que la luciditéaccompagne le sommeil lucide des époptes, étant considérée en elle-même,a de quoi étonner un œil philoso­phique ; mais qu'en même tempsaussi, elle ne lui présente pas moins une série d'incohérences et d'absurdités.Ce que l'adresse y dérobe à l'in­discrétion des témoins importuns,n'existe pas moins dans la balance d'un jugement impartial. L'honneur de cesassociations ordonne impé­rativement qu'on y éblouisse les yeux sans éclairerla raison, et que le public croit y trou­ver le plus souvent ce qui n'existepas.

Les fondateurs deces institutions ont sans contredit puisé cette connaissance de leur base dansles mystères des anciens Grecs et Egyp­tiens ; il est présumable aussiqu'ils faisaient, pour y réussir, usage de tous les moyens d'abs­tinence,d'ablutions et de nourriture précise, qui contribuent puissamment à laliquidité du sang, et conséquemment au développement de tous les accessoires dusommeil lucide. Aussi les adeptes qui s'exposent aux épreuves publi­ques,suivent le tour de rôle après les prépara­tions ordonnées par lerèglement, pour céder leurs fonctions à d'autres qui lesremplacent.

Leur conduite prouveque quand on a des dispositions requises, on a pas toujours besoin de dormirpour éprouver les effets qu'on déve­loppe dans le sommeil lucide. Il n'y a quela lucidité qui demande une profonde abstraction des sens pour avoir plusd'exactitude dans ses décisions, quoique avec cette précaution elle ne soit pastoujours exempte d'erreurs. Aussi les membres de ces associations n'en fontusage qu'en particulier, loin de la présence des pro­fanes, non sans setromper continuellement dans leurs calculs et dans leur attente.

C'est ce qui me fuitpenser qu'en empruntant des anciens la connaissance des moyens de provoquerà volonté la lucidité et les autres effets, ils n'ont tâché que de lescopier servile­ment, au lieu d'exploiter cette mine féconde par le secoursd'autres lumières que nous avons et que les anciens n'avaient pas.

 

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