De la Cause du Sommeil Lucide

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SÉANCE XII

DE L'INCOMPATIBILITÉ DE L'IMAGINATION AVEC
L'INTUITION DES ÉPOPTES

1. — Auprès de beaux esprits,l'imagination est aux actions humaines qui ne s'expliquent pas d'unemanière intelligible ce qu'auprès des physiciens le fluide estaux effets de la nature qui ne se lie pas aux causes connues. Ces deux motsmagiques développent tout chez les uns et les autres dans les deux mondesintellectuel et sensible.

Les médecinsdéduisent de l'imagination toute maladie qu'ils ne connaissent pas, et les natu­ralistesattribuent à un fluide tout effet qui ne se range pas sous les loisordinaires. On sent très bien que l'ignorance peut se croire éclairéepar ces pitoyables subterfuges; mais entend-on que la science qui n'admet quece qui est démon­tré, puisse se payer de cette fausse monnaie?

Les magnétiseurs eux-mêmessont tombés dans cette extravagance, en rapportant à l'ima­gination lesmerveilleux effets oui se dévelop­pent sur les époptes. Il faut croire ou queces propagateurs de l'utilité du sommeil lucide ignorent absolument ce qu'estl'imagination, ou qu'ils cherchent à décrier ce qu'ils ont l'apparencede tant défendre.

L'imagination,d'après Wolf, est un acte de l'esprit par lequel il se représente commeactuel ce qu'il a aperçu autrefois. L'imagination n'est donc autre chose que lafaculté de reproduire comme présentes à l'esprit les idées des objets etnon les objets qui autrefois sont tombés sous les sens.

La mémoire, qui,dans cette définition, sem­ble se confondre avec l'imagination, s'en distin­gueessentiellement ; parce qu'elle n'est qu'une faculté de reconnaître les idéesreproduites pour être les mêmes que l'esprit a aperçues autrefois.La mémoire peut donc exister sans l'imagination mais jamais l'imagination sansla mémoire.

La faculté de feindren'est que le pouvoir qu'a l'esprit de combiner et de modifier ce quel'imagination se représente. Elle n'est donc qu'un enfant de l'imagination, etsouvent se confond avec elle. Aussi des idées de l'or, des diamants, d'unemontagne, que reproduit l'ima­gination,. on peut forger une montagne d'or et dediamants, et considérer cette fiction comme une production de l'imagination.

Voilà ce quec'est qu'une chimère et un fan­tôme. C'est un être de raison qui,quoiqu'il ne puisse pas, d'après l'ordre de la nature, exister dans sonensemble, existe néanmoins dans ses éléments. Vulgairement on fait unedifférence entre la chimère et le fantôme. La première n'estqu'une fiction inanimée, et le second une fiction animée. Nous pouvons ajouterici la connaissance des spectres, qui n'est que l'idée de l'image d'un mort.

Les anciens ont faitde la chimère un être naturel et féroce, combattu par Bellerophon.Le vulgaire fait des fantômes des êtres réels qui tombent sous les sens ;et les physiciens font du spectre une image colorée que peignent sur unemuraille des rayons rompus par un prisme.

2. — Il n'est plus difficile de sentir que l'em­pire de l'imagination se borneseulement aux idées connues ; et que conséquemment elle ne peut agir que surl'esprit. Toutes les foi» donc que les sens et le corps éprouvent des effetsréels qui ne se lient à aucune cause connue, il est toujours certain etdémontré que ces résul­tats proviennent de toute autre source que del'imagination. Tout homme étant doué de cette faculté, doit en obtenir tout cequi est possble à un autre. Autrement ce n'est qu'abuser du mot, etsubstituer une cause évasive à une cause naturelle.

Les époptes ne sontétonnants devant la rai­son humaine que par leurs connaissances pro­fondes surtoute espèce de sujets, sans les avoir jamais puisées dans l'étude etdans la méditation. Ils maîtrisent tous leurs mouvements nécessai­res ; ilsatteignent les objets à toute distance de temps et de lieux estconséquemment à travers tous les obstacles : ils lisent, sans le secoursdes yeux, tout livre même fermé : ils dévoilent la pensée même,lorsqu'elle est constante ; Us provoquent mille autres effets sensibles etréels, ainsi que nous l'avons exposé dans les séances précédentes.

L'imagination estune faculté commune à tout homme. Pourquoi tout homme n'est-il donc pasapte à développer les mêmes effets ? Cette faculté ne peut faireautre chose que reproduire les idées qui ont été assujetties à sondomaine. Comment se fait-il donc qu'elle embrasse la science du passé, du possibleet du présent à distance de temps et de lieux, qui lui a été constammentinconnue ?

D'après cedéveloppement il est évident que si ce que la philosophie appelle le fantômetombe sous les sens, if ne peut plus être déduit de l'imagination mais detoute autre cause réelle et physique. Les histoires de toutes les nations et detous les temps déposent qu'il y a eu de ces êtres qui ont été vus,palpés, flaires et entendus non seulement par des personnes seules, mais aussipar des assemblées entières et nombreu­ses. Si sans mépriser leslumières de la saine raison, on peut attribuer à une imaginationdéréglée les impressions réelles que ces objets ont sensiblement produites surles organes exter­nes, comment démontrera-t-on que l'homme, dans son état deveille, jouit du parfait exercice de toutes les fonctions de ses sens ?

3. — Pour éviterd'introduire des néologis-mes, nous conserverons toujours la dénomina­tion defantôme, mais non considéré comme un enfant de 1 imagination. Nous l'admettronscomme un être réel et positif ; et tant qu'il aura lecaractère d'être sensible à tout le monde, nousl'appellerons absolu ; autrement il ne sera dénommé que relatif; c'est-à-diretant qu'il no sera sensible qu'à une seule personne.

Dans l'un et l'autrecas, il est clair que l'ima­gination ne contribue en rien à sonexistence, parce qu'elle n'a son empire que sur la concep­tion et non sur lessensations. Ou peut quel­quefois confondre sans inconvénient les opéra-rationsintellectuelles qui se distinguent les unes des autres par leurs objets ; maisles con­fondre avec celles qui produisent les différen­tes modifications surles organes sensoriaux, c'est bouleverser toutes les notions établies entrel'entendement et la volonté. Le premier conçoit et forme les idées, la secondeexécute et produit les sensations qui y sont analogues. L'imagination est unebranche du premier, et n'a rien à démêler avec la seconde.

L'amour, la haine,le contentement, le chagrin, le calme et la frayeur, diffèrent certesentre eux, d'après le mode dont l'esprit en conçoit les objets, maistant qu'ils n'existent que dans la conception, ils se rangent tous sur la lignede simples idées. Ils se changent en différentes affections, ou plus proprementen passions, dès que la volonté les caresse et en poursuit la direc­tion.Les sensations ne deviennent nécessaires et indépendantes de la volonté quelorsque par le mécanisme des organes sensoriaux, elles proviennent de l'actiondes objets externes. Dès lors les idées qui y répondent dans l'âme ensont les effets et non la cause.

La volonté nedevient énergique et efficace que d'après la force des motifs do laconcep­tion, ou si l'on veut, de l'imagination ; et dans l'étatordinaire de la disposition de la niasse du sang, elle n'exerce sa puissanceque sur le mouvement libre ou censé libre. Mais lors­qu'elle maîtrise touteespèce de mouvement libre et nécessaire, elle se trouve mue par uneautre impulsion que par la conception, qui, parfois, se confond avecl'imagination ? C'est la conviction intime dont nous avons déjà parléailleurs, et qui ne se développe que par la liquidité du sang. Le motif dontelle s'étaye est si différent de tout autre motif de ce genre qu'il autorisel'esprit à disposer en souverain de son enveloppe, dans les partiesseulement qui les font naître.

Le fantôme relatif ason origine dans cette source. La personne qui en assure l'existence jouit dela conviction intime, et dispose par là avec précision ses organesexternes à le lui représenter sensiblement, comme s'ils en avaient reçudes impressions réelles. Le fantôme absolu, dès qu'il tombe sous lessens de tout le monde, ne peut être considéré que comme un corps positif,indépendant de toute opération de l'esprit.

4. — Voici quelquesexemples qui concernent les fantômes absolus. Elisabeth, impératrice de Russie,fut vue pendant plusieurs jours, assise tous les matins sur son trne, seulesans aucune personne de sa suite et avec toutes les marques de sa dignité,tandis qu'elle était en même temps dans sa couche sans nullement sedouter de ce dédoublement de son individu. Le com­mandant de sa garde, qui latrouvait tous les jours dans la salle du trône communique à la dame duservice ce qu'il appelait un caprice de l'impératrice ; celle-ci constate lelait, court dans la chambre de la princesse, et, non con­tente de la voir dansson lit elle la palpe. Elisa­beth, s'éveille à cet attouchement, etinstruite du motif, s'habille à la hâte et veut être témoin d'unphénomène aussi extraordinaire. Elle se présente devant le fantôme, s'yreconnaît, et ordonne à sa garde de faire feu sur lui. On exé­cutel'ordre, le fantôme disparait, et l'impéra­trice meurt au bout de huit jours.

M. le comte Brossin,chambellan de l'empe­reur Alexandre me rapporta aussi l'anecdote suivante,comme attestée par des personnes dignes de foi. Un ami en invite un autreà diner. Le convié en se rendant à son invitation rencon­tre sonhôte en chemin. L'un et l'autre se regar­dent mutuellement et ne se saluentpas. Le con­vié devant cette marque d'indifférence, vacille sur l'exécution deson projet, et, après un moment de réflexion, se décide à allerinscrire son nom dans l'antichambre de son ami. Le domestique qui l'y reçoit,lui annonce que son maître est chez lui. Le convié est introduit ; il voit sonami tel qu'il vient de le rencontrer dans la rue et reste effaré de l'aventure.L'autre, étonné de son trouble, lui en demande la cause, et eu étant instruitil ajoute tranquille nient : Oh oui : on dit qu'un fantôme qui me ressembleparfai­tement, rôde dans ce quartier ; et tout à coup, en regardantsous ses fenêtres, le voilà, pour­suivit-il : est-ce lemême que vous avez vu en chemin ? Le convié reconnaît le fantôme pourêtre le même qu'il avait rencontré, et son ami s'égaye sur lasingularité du phénomène. Ils dînent ensemble et se quittent : quelquesjours après le convié apprend que son hôte avait cessé de vivre.

L'aventure du lord Lidleton estcélèbre dans toute l'Angleterre. Une nuit, en se faisant désha­billerpar son valet de chambre, ce seigneur entend une voix sonore qui lui dit : Adeux heu­res précises je t'attends devant le tribunal de l'Eternel, pour tedemander compte de ta con­duite envers moi. Le lord se trouble et demandeà son domestique s'il n'a pas entendu aussi le terrible appel. Celui-ci,sans nier ce qui était si distinctement proféré, cherche à interpréterà sa manière le sens des paroles, et ne parvient point àcalmer l'agitation de son maître. On fait de vaines perquisitions par toutl'hôtel pour décou­vrir l'auteur de la prétendue supercherie : on appelle desmédecins pour calmer les angoisses du lord ; on prend toutes les mesures néces­sairepour le détourner de ce qu'on appelait sa fixation. Les deux heures prescritessonnent et le lord expire. Le public attribua cette fou­droyante assignationaux mânes d'une fille qui, violée par lui était morte de douleur.

5.—Mille autresanecdotes de ce genre peuvent être rapportées, et nous en citeronsplusieurs autres arrivées devant des armées nombreuses, en parlant de ladifférence entre les époptes et les énergumènes ; mais celles-cisuffisent pour faire voir qu'elles sont indépendantes de toute opération del'esprit.

Il est vrai qu'ellesne se rangent pas sous les lois connues de la nature : mais faut-il pour celaen nier l'existence, ou les expliquer par des causes évasives ? N'est-il pasplus noble d'avouer franchement que ces faits sont inexplicables que de lesattribuer à l'imagination, qui n'y a pas plus de part qu'àl'existence des corps ?

La témérité de ceuxqui n'y voient que les résultats d'une supercherie occulte, inconnue àtous les témoins présents et à leurs siècles, est encore plusimpardonnable que l'orgueilleuse présomption des autres. Les hommes de tous lestemps ont toujours pensé en faveur de la supériorité de leurs lumièressur celles de tous les âges antérieurs et futurs ; mais ceux qui en sedépouillant de leur amour-propre ont sondé la profondeur de leur savoir n'ontpas rougi d'avouer que l'homme, tout en apprenant beau­coup, ne sortira jamaisde l'abîme de son igno­rance. Son partage inaliénable est de vivre dans unmélange de quelques vérités et de beaucoup d'erreurs.

Ceux qui prononcentpéremptoirement sur ce qui s'est passé loin d'eux, contre l'avis des per­sonnesqui en font le récit, ne sont donc que des imprudents et des téméraires.L'existence des fantômes absolue est attestée par les nations de tous lestemps, et par beaucoup d'auteurs du plus haut mérite et de la plus stricteexactitude. Il nous suffît de démontrer qu'ils n'ont aucun rapport avecl'imagination, qu'elle que puisse en être la cause précise.

Il faut convenir queces faits sont extra-natu­rels, parce qu'ils ne se répètent pasavec une constance régulière et à des périodes détermi­nées ;mais il faut convenir aussi qu'ils ne s'op­posent pas aux lois connues de lanature. Si l'on considère l'âme humaine sous le juste point de vue quilui convient, on trouvera que les anecdotes citées se rangent sous sa puissanceet sous les perfections de sa nature. Ce que nous dirons sur l'âme dans lasuite, rendra encore ce sujet beaucoup plus intelligible.

Ce qui me resteà décider ici, c'est que l'âme humaine, dans cette espèce demétamorphoses et d'avis extraordinaires, n'agit pas librement d'aprèsson option : elle ne peut exercer natu­rellement des fonctions sensiblesqu'avec le corps qu'elle informe, et qui pendant avec son union avec lui,contribue constamment à son indivi­dualité. Elle y obéit donc àd'autres lois qu'aux lois connues.

Je n'ai pas besoinde citer ici des exemples de fantômes relatifs. Ils sont si communs qu'il estrare de trouver quelqu'un qui dans sa vie n'en ait éprouvé les influences.C'est ce que le vulgaire appelle l'illusiondes sens, ou l'effet d'uneimagination frappée.

On peut rapporterà cette môme catégorie ce que provoquent les transports, le délire etl'i­vresse, non comme des résultats identiques, mais qui y sont semblables. Ilest question ici de démontrer que ni les uns ni les autres n'ap­partiennentà l'empire de l'imagination, et non de relever la différencecaractéristique qui les rend étrangers les uns aux autres. Nous nous enoccuperons plus particulièrement lorsque nous tracerons la ligne dedémarcation entre l'intuition et les maladies dites mentales.

En attendant, ilsuffira d'observer que les fan­tômes relatifs, dans ceux à qui ils serendent naturellement sensibles, sans maladie et sans l'usage des breuvagesspiritueux, se lient à l'état intuitif par la conviction intime et quedans les autres, ils ne proviennent que de la conviction intime, et ne serapportent à leur état intuitif. Nous avons déjà dit ailleurs quecette convic­tion qui ne provient que d'une fluidité du sang extraordinaire,fortifie la volonté dans l'exercice de son empire sur les fluides internes, etcon-séquemment sur le mouvement nécessaire. Ce qui distingue les uns des autres,c'est que dans les premiers la fluidité du sang est permanente et naturelle, etque dans les seconds elle ne dépend que de causes passagères.

Pour déterminer queces fantômes relatifs ne sont qu'une illusion des sens, Il faut prouver qu'ilest des occasions où ces intermédiaires ne se trompent jamais dans leurmessage. Tout dé­montre, au contraire, qu'ils ne sont jamais exacts dans leursrapports, ni ne peuvent l'être. Aussi il n'est pas deux hommes dont lessens donnent du même objet la même idée. L'illusion dans les sensest donc l'une de leurs propriétés et non un dérangement.

Une glace qui està la vision de l'homme ce que sont les sens aux connaissances externesqu'ils transmettent à l'esprit, trompe-t-elle dans la représentation del'objet qui reflète sur elle ? Ayant été construite pour remplir cegenre de fonctions, elle ne fait que ce que naturellement il lui appartient defaire. Les sens tels qu'ils con­viennent à l'homme dans son état actuel,ont de même une destination semblable : ils ne peu­vent jamaistransmettre à l'idée de l'objet donné, telle qu'elle doit être,mais d'après les impres­sions qu'ils en reçoivent.

7. — Cette doctrinequi a l'apparence d'être paradoxale, peut être mise à laportée de tout le monde, avec un exemple aussi commun que conforme ànotre sujet. Toute personne trouve qu'un bâton plongé dans l'eau se ploie danslu direction de la ligne de sa surface. Quoiqu'une raison éclairée connaisseque cet effet ne pro­vient que de la réfraction du rayon visuel qui passe parun moyen plus épais que l'air, néan­moins il n'est pas moins vrai qu'en s'enrappor­tant au seul témoignage des yeux, on est obligé de conclure qu'un teleffet a une existence réelle.

Or, les yeux sontà l'esprit, pour lui trans­mettre les idées des objets de son domaine,ce qu'est aux yeux l'intermédiaire de l'eau qui semble courber un bâton. Il n'ya d'autre diffé­rence entre les uns et les autres que celle-ci, c'est que l'eauest un intermédiaire absolu et commun à tout le monde, et que les yeuxne sont qu'un intermédiaire relatif et propre à cha­cun. Il résultequ'en raison de cette énorme différence, on peut démontrer sensiblementl'erreur que produit le premier intermédiaire, et l'on ne peut démontrer quepar raisonne­ment celles qui proviennent du second. Des données de conventionsupposent indispensa­blement des bases absolues.

Les couleurs del'arc en ciel, qui frappent de leur éclat la vision dans un moyen communà tout être vivant sur le globe, existent-elles dans les lieux quisemblent les développer ?

Ce que nous disonsici des yeux doit de même, proportion gardée, être appliquée auxautres sens. L'ouïe, le goût, l'odorat et le tact, se règlentsur d'autres pivots, mais sur d'au­tres pivots toujours relatifs et non absolus? Ces organes dans leur construction ont tous un modèle commun, mais unmodèle qui les range sous des espèces avec des différences indivi­duelles,de même que les traits et les propor­tions de la forme humaine placentles hommes sous une seule espèce, avec des différences individuelles.

En revenantmaintenant à la vision nous devons remarquer que les yeux ne voient lesobjets externes que d'après la nature de leurs surfaces, d'aprèsla disposition des rétines et d'après la distance et la liquidité descristallins. Ajoutons à cela que le rayon lumineux par lequel ils voientsubit aussi une réfraction géné­rale, en se plongeant dans l'atmosphère,réflexion qui n'est accessible qu'à la raison, et nullement sensibleà l'intermédiaire relatif. Il est donc évident que les yeux sont hors d'étatde trans­mettre à l'esprit les idées exactes des objets externes, etqu'ils sont fréquemment dans une illusion permanente. Mais comme ce qui con­vientaux yeux, convient aussi aux autres sens dans leur espèce, parce qu'iln'existe pas deux sens parfaitement identiques, il est également évident quetous les sens nous trompent cons­tamment, et d'une manière différente.

8. — C'est uneévasion pitoyable que de dire que les sens ne trompent pas lorsqu'ils sontd'accord entre eux. Les scolasticiens, qui sont les auteurs de cette cheville,avaient pour habi­tude d'inventer toujours quelque nouveau terme qu'ils necomprenaient pas eux-mêmes, pour éluder une difficulté qu'ils nepouvaient pas résoudre. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que lesmatérialistes même, qui prétendent n'admettre rien qui ne soitsensiblement démon­tré, se servent soigneusement de cette ressource pourdéfendre l'exactitude du témoignage des sens, qui est pour eux le premierprincipe de certitude.

Mais qu'est-ce quec'est que l'accord des sens entre eux ? Si c'est dire que le témoi­gnage d'unseul des sens est équivoque, lors­que les quatre autres ne déposent pas enfaveur des propriétés analogues qui les concernent, c'est dire eu mêmetemps que nul homme n'a d'idée exacte des corps ; parce que nul homme en général ne se donne la peine de vérifier avec les autressens ce qui tombe sous un seul. Est-ce que celui qui se laisse émouvoir agréa­blementpar une musique harmonieuse connaît toujours le goût d'odeur, la soliditéde ses ins­truments ? Un astronome qui, par la seule vue, encore par une vuearmée de l'intermédiaire du télescope, nous détermine la masse, les distan­ceset les mesures du mouvement des planètes, les goùte-t-il, les entend-il, les flaire-t-il, les palpe-t-il ?

Il est encoreégalement faux qu'un sens étant dérangé, tous doivent l'être demême. L'aveu­gle ne palpe-t-il pas, ne goûte-t-il pas, neflaire-t-il pas de même que les clairvoyants ? L'ob­servation fait voirmême qu'ils jouissent souvent de l'exercice de ces fonctions avec plus deperfections que ces derniers. On peut en dire tout autant des sourds-muets,dans ce qui les concerne. Le dérangement d'un sens dépose donc plutôt en faveurde la finesse des autres sens, qu'en faveur de leur dégradation.

Mais qu'y a-t-il decommun entre l'accord des sens dans l'exercice de leurs fonctions respec­tives,et l'exactitude des idées des objets exter­nes qu'ils doivent transmettreà l'esprit ? Il est toujours certain qu'ils sont tous des intermédiai­resrelatifs entre les objets externes de l'âme, et qu'ils sont conséquemmentdifférents les uns des autres dans tous les individus de l'espèce hu­maine.Ils ne peuvent donc déposer, tout au plus, qu'en faveur de l'existence descorps, et jamais en faveur de la parfaite exactitude des idées qu'ilstransmettent à l'esprit, et qui sont connues dans les écoles sous le nomd'idées adéquates ? Pour obtenir ce but qu'importe à un aveugle de savoir la qualité de couleur de ce quil'alimente, s'il le trouve sapide, et consé-quemment existant hors de lui ?

J'ai dit que lessens peuvent tout au plus dé­poser en faveur de l'existence des corps,parce que se trouvant dans une illusion permanente, ils sont autorisés nonseulement à dénaturer les objets qui agissent sur eux, mais mêmeaussi à donner de l'existence à ceux qui ne sont pas dans le seinde la nature. Ce sont ceux que nous avons appelés les fantômes relatifs.

9. — Il est certainque ces effets n'appartien­nent nullement à l'imagination,d'après l'exacte considération de l'étendue de sa jouissance, et qued'un autre côté, ils tombent sous les sens, sans avoir aucune existence réelle.Ici ces mes­sagers infidèles ne défigurent plus, d'après leurhabitude les objets existant devant l'esprit ; mais ils en créent, pour ainsidire, et lui rendent sen­sibles ce qui n'appartient pas à la catégoriedes productions de la nature. Ces résultats ont dans un moment un tel pouvoirsur l'entendement et la volonté, qu'ils les forcent de fléchir sous leuraction, comme sous l'action des objets naturels.

Mais il fautdistinguer les sens de la puis­sance qui les maîtrise. Il est vrai qu'ils sontforcés de transmettre à l'âme, même malgré elle, les idées et laprésence des objets externes, tou­tes les fois qu'ils en reçoivent desimpressions fortes et véhémentes ; mais il est également vrai que, sans uneattention réfléchie, l'âme dans le cours ordinaire de ses connaissances, n'aaucune idée de l'action de tous les objets qui agissent sur les sens. Si desobjets externes, détachés de l'attention de l'esprit, peuvent souvent ne pas produire des impressions analogues sur les sens,pourquoi d'autres, qui n'existent pas, n'en produiraient-ils pas sur eux sousune attention réfléchie de sa part?

C'est précisément cequi arrive dans les fan­tômes relatifs. Nous avons déjà assez parlé,dans les séances précédentes, de la nature de la conviction intime et dupouvoir qu'elle donne à la volonté sur les fluides internes, pour qu'ilsoit inutile de la répéter ici une seconde fois. Les époptes, parce qu'ils sontsusceptibles de direction, réduisent ce qui parait un paradoxe à unevérité de la dernière évidence. Ils entendent, ils voient, ils palpent,ils flairent, ils goûtent ce qui n'est que simplement nommé, et quin'existe pas devant eux. Dans ceux qui, ayant une liqui­dité requise du sang,n'ont pas éprouvé l'effet de la concentration occasionnelle, cette vérité nepeut tout au plus qu'être soupçonnée : elle ne peut pas toujoursêtre réduite a une démons­tration expérimentale.

Ceux qui, parl'ivresse, par les transports et par ledélire, se trouvent forcés de s'entourer des fantômes relatifs, sont dans unesituation différente de celle des époptes. Chez eux la liquidité du sang n'estque passagère, et la raison est complètement égarée sans aucunefonction de la liberté interne. Ils n'exercent d'empire sur leurs fluidesinternes, que par l'impulsion nécessaire du désordre de la circula­tion de leursang ; et lorsqu'ils sont suscepti­bles de sommeil lucide, leurs fantômesrelatifs changent aussi de nature.

10. — Ce qu'onappelle vulgairement l'illusion des sens   n'est donc réellement etessentiellement qu'un exercice de leurs fonctions naturel­les. Ils sont dansl'état actuel de l'homme, ori­ginairement à transmettre àl'esprit les idées de la présence des objets qui produisent les im­pressionsinternes et externes. S'il arrive qu'en raison de la complexion la plusordinaire de l'homme, ils ne peuvent remplir leur tâche que sous l'action desobjets externes réellement exis­tants, peut-on en conclure raisonnablementqu'ils nous trompent, lorsque, dans une certaine disposition du sang, ils laremplissent de même, en se figurant la présence des objets fictifs ?

On ne s'est autoriséqu'arbitrairement à fixer les bornes à la puissance de la naturesur la mesure de ce qui est tombé seulement sous l'observation habituelle ; etl'on a présomptueu­sement conclu que ce qui sort de la prétendue régularité deses opérations journalières n'était qu'une déviation de sa marche. Maisa-t-on fouillé dans son sein, pour en découvrir tous les plis et replisincalculables ? De quel droit osera-t-on prononcer péremptoirement qu'un teleffet appartient à la déviation de sa marche, et tel autre à larégularité de ses opérations journalières. Ignore-t-on que les loisqu'elle suit sont beaucoup plus nombreuses que celles qui sont connues?

L'homme n'étaitprimordialement constitué que pour jouir de tous ses sens, sans distance detemps et de lieux à travers tous Les obsta­cles les plus impénétrables,et, ce qui est plus remarquable encore, sans aucun nuage d'erreur, comme nousle verrons dans la suite. Sa dégra­dation lui valut la perte de cesprérogatives inappréciables. Sa masse fut corrompue par le germe de sadestruction ; l'équilibre entre ses solides et ses fluides irrévocablementdérangé ; son existence bornée ; sa liberté interne res­treinte; l'erreur, oudu moins l'inexactitude de ses sens, furent son apanage, effet nécessaire sur­venudans sa complexion primitive.

Ce n'est pas direcependant que les hommes n'ont aucune idée exacte dans laquelle ils s'ac­cordententre eux, quoique nous ayons établi que toutes les idées ne proviennent, dansleur état naturel, que des objets sensibles. L'inexac­titude des idées ne tombeque sur les objets singuliers. On ne peut jamais dire avec certi­tude qu'unobjet déterminé est vu, palpé, flairé, goûté, entendu de la mêmemanière par tout le monde. Cependant on peut dire avec certitude, maisavec une certitude morale et non tout à fait physique, que les objets decouleurs, de tact, d'odeurs, de saveurs, de sons, agissent sur les organesrespectifs. J'ai dit que cette certitude n'est que morale et non tout àfait physique parce qu'il arrive aussi que les sens éprouvent une action desobjets, qui n'existent pas ; et la certitude exactement physique ne se ronde quesur la constance de la marche des lois naturel­les et sur la seule conceptionde la possibilité et non de l'actualité de leur variation.

11. — Toutefois lacertitude physique et même métaphysique existe aussi chez les hommes danstoute son acception rigoureuse.

La premièrene consiste pas dans la connais­sance de la constance de la marche des loisnaturelles, mais simplement dans l'hypothèse do l'existence de cetteconnaissance. C'est dire que s'il existe une invariabilité dans les loisnaturelles, ainsi que les sensl'annoncent, il existe aussi dans leur coursordinaire une cer­titude dont le contraire, quoique possible, n'ar­riverajamais.

Mais par habitudeles hommes ne raisonnent pas de cette manière, ils sont faussement con­vaincusque tous les sens de leurs semblables atteignent les objets externes sur lamôme échelle de proportions et de types, et ils en concluent que dèsqu'une loi est connue à l'esprit par les sens comme loi naturelle, elleporte aussi avec elle le cachet de la certitude physique dans sa marche. Ceraisonnement, quoique faux dans son principe, est néanmoins admissible avec cesrestrictions dans ses résul­tats.

La certitudemétaphysique ne consiste pas de même dans la conception d'une vérité dontle contraire involve contradiction, mais dans l'hy­pothèse del'existence de cette conception. C'est dire que s'il existe chez les hommes lamôme manière de concevoir une vérité donnée de cette espèce, ilexiste aussi chez eux une certitude dont le contraire involve contradiction. Tousles hommes ne conçoivent pas les mômes choses de la même manière ;et la certitude métaphysi­que ne résulte que de la certitude de l'identité dela conception d'une vérité donnée. Descartes ne concevait pas le contradictoireet l'absurde sous le même point de vue que le commun des hommes.

Je conviens quecette manière de raisonner de ces certitudes ne se conforme pas àla manière de penser des métaphysiciens. Mais les philo­sophes ont-ilstoujours été conséquents dans l'établissement de leurs principes? En avouantque les sens sont trompeurs et fallacieux, répondent-ils aux conditionsqu'exige la certitude physique ? Et sans la fixation de cette base com­mentdescendra-t-on à la certitude métaphysique qui la suppose?

J'ai dit que lacertitude métaphysique suppose la certitude physique et n'en provient pas ;parce que les sens ne sont que les moyens de développement de l'une et del'autre et non le principe, comme le voulait quelqu'un, en pré­tendant que s'iln'existait pas d'idées innées, on trouverait des conséquences plus évidentesque leurs principes. La certitude physique et méta­physique ne reconnaît sasource que dans l'es­prit même qui combine ses idées sur les moyensfournis par les sens, et les élève aux différents degrés qui leurconviennent.

12.—La considérationde la nature des fantô­mes relatifs, qui nous a engagés dans cette digres­sion,n'a eu pour objet que des états extraordinai­res de l'homme, celui de sonivresse, celui de son délire, et celui du sommeil lucide. Tâchons d'endécouvrir d'autres qui sympathisent avec son état naturel, pour pouvoir nousconfirmer dans les sources caractéristiques que nous en avons déterminées.

Il est connu surtoute la surface du globe, chez toutes les nations, qu'il y a eu des person­neset qu'il y en a encore qui, ayant subi une amputation ou reçu une blessureprofonde éprou­vent à la suite d'une cicatrisation complète lamême intensité de douleurs après un laps de plusieurs années,à des époques, des anniver­saires ou des périodes fixes. Je ne doute pasque des médecins n'aient traité cette espèce de douleurs de mauximaginaires au lieu de souffrances réelles ; mais je suis certain que d'au­tres,qui ne parlent des effets qu'avec la con­naissance des causes, n'y ont vu quedes mystè­res indéchiffrables. Dans cet état il n'y a pas plus d'énigmequ'il n'y en a dans l'ivresse, dans le délire et dans le sommeil lucide. Leprincipe est le même, mais différemment modifié.

Ce n'est quel'esprit môme du patient qui, faussement mais intimement convaincu que sessouffrances dépendent des époques et non des causes réelles qui les ontprovoquées la pre­mière fois, en est l'auteur unique et exclusif enraison de son empire sur les fluides internes. Ces effets n'existent ni nepeuvent exister que dans ceux qui ont le sang extraordinairement liquide ; etils ne peuvent cesser de se dévelop­per que par une autre conviction intimecontraire ou l'épaississement du sang.

Cependant il ne fautpas croire que pour avoir la conviction intime il faille toujours avoir un sangextraordinairement liquide dans la plus grande partie de sa masse. Nous avonsdéjà observé que nul homme ne peut vivre sans avoir une portionquelconque de ce fluide vital extraordinairement liquide. Nul homme ne peutdonc être exempt d'être susceptible de convic­tion intime, commenous allons aussi le confir­mer incessamment.

Je ne sais si, enrecensant dans les fantômes relatifs les effets dont je viens de parler, jepasserai pour en étendre le domaine plus qu'il ne leur convient ; maisj'observe que ce qu'on a voulu caractériser d'illusion des sens n'appar­tientpas seulement à la vision, mais à tous les autres sens aussi, etconséquemment à celui de palper. D'après cela, il est clair queles fantômes relatifs, loin d'être des illusions, ont sou­vent aucontraire sur les sens une action aussi réelle que les causes physiques.

13. — Une petiteattention sur la nature des songes va rendre encore plus lumineuse l'expo­sitionsur la source des fantômes relatifs. L'état de songe n'est point à lavérité un état naturel de l'homme ; mais il est commun à tout indi­vidude l'espèce humaine. Tout homme peut donc, en consultant le témoignagede sa propre conscience, apprécier à sa juste valeur cette espècede phénomènes.

Le songe est lareprésentation d'une scène où les sens jouissent de leursfonctions respec­tives, sans la présence réelle d'aucun des objets analogues.Chacun sait que ces scènes frappent parfois si vivement les sens etl'esprit, que la mémoire qu'elles gravent nous laisse, au réveil, en doute deleur réalité : tant est grande l'ana­logie que ces représentations ont avecl'exer­cice effectif des organes externes ! Nous exami­nerons, en parlantparticulièrement des songes, les éléments dont ces scènesrésultent, et ce qu'elles enferment : il nous suffit ici d'en rele­ver ce qui vientà l'appui de notre sujet.

La principaleobservation qui s'offre à l'esprit dans cet examen, est que le palaisgoûte des saveurs réelles sans les mets ; que les narines flairent desodeurs réelles sans les parfums ; que les membres éprouvent des douleursréelles sans les coups ; que l'ouïe entend même des sons réels,même articulés, sans aucune voix qui parle, et qu'enfin les yeux voientréelle­ment les couleurs, leurs objets, leurs quantités, leurs distances, dansl'absence absolue de tout ce qui peut les figurer.

Prétendre que ce nesont que des illusions des sens c'est démentir l'expérience qui atteste sou­ventque de la force et du tumulte de ces sensa­tions il résulte des malaises etmême des mala­dies graves et longues. Que peut faire de plus une actionréelle des sens?

D'ailleurs cetteprétendue illusion peut-elle affecter les sens qui se trouvent suspendus deleurs fonctions dans le sommeil, à en juger par les yeux ? L'expériencene montre-telle pas assez que celui qui dort, même du sommeil lucidelibre, s'expose à s'éveiller, sitôt qu'il est forcé à l'exerciced'un seul de ces sens?

Ce qui répond dansles songes aux fonctions des cinq sens n'appartient donc nullement aux organesexternes. Le songe est un état d'intui­tion, provoqué par la conviction intime.Il est plus ou moins complet d'après le degré de liquidité du sang.L'esprit y exerce, en raison de celle condition, son empire sur les fluidesinternes de la même manière que chez les époptes, mais avec plusde restriction de liberté que ces derniers, si l'on considère cet étatd'intui­tion sous un coup d'œil général. Ainsi les sou­ges, mêmeapprofondis dans leur développe­ment, déposent que les fantômes relatifs sontdes productions naturelles, et que leur forma­tion est parfaitement conforme àla complexion humaine.

14 — Il est clairmaintenant que les songes étant un état d'intuition, accompagné de laconviction intime, tout individu de l'espèce humaine est susceptible dejouir, suivant l'empire des circonstances, de cette adhésion de l'esprità un motif puisé dans la conscience, puisque tout individu estsusceptible de songer. Mais il reste à savoir si la conviction intime selie toujours à l'intuition mixte. Je crois que lorsque la convictionintime provient d'une liquidité naturelle du sang, elle a l'aptitude às'y lier, quoiqu'elle ne s'en accompagne pas toujours, et que lorsqu'elle neprovient que d'une liquidité passagère, elle ne sort jamais du domainedes idées acquises et déjà existantes.

On n'a point vu despersonnes dans l'ivresse, dans les transports et dans le délire, émettre desidées neuves et inconnues ; mais on en a vu qui étant susceptibles de sommeillucide, tombent dans l'état intuitif et avec toute la régu­larité d'idées quiest compatible avec les époptes. Ce changement d'état ne laisse rien àdési­rer pour établir définitivement qu'il y a la même distance entrel'état intuitif qu'entre l'état d'aberration et l'état intuitif.

Quoique ceux chezqui la conviction intime provient de la liquidité naturelle du sang ne soientpas toujours disposés au sommeil lucide et conséquemment à l'intuition,étant néan­moins susceptibles de songer, ils montrent leur aptitude àl'état intuitif. Ces aliénés même, dont nous venons de parler, dèsqu'ils songent, appartiennent à cette classe et non à la leur.Ils y jouissent d'une intuition quelconque et sor­tent du désordre de leur étatde sensations.

Toutefois, la forcede conviction intime est inconnue à tous, à quelque catégoriequ'ils appartiennent quoique parfois ils puissent gar­der la mémoire de ce quien résulte, sa nature étant étrangère à l'état de sensations. Onne connaît l'existence et l'action que des effets qui tombent sous les sens, etnon de sa présence même ; c'est dire qu'on ne sait jamais si Ton estintimement convaincu, tout en se convain­quant intimement dans l'état desensations et dans celui d'intuition.

La raison pourlaquelle les époptes et les aliénés en question ne gardent pas en général lamémoire de l'état de l'abstraction respective de leurs sens, tient à descauses différentes. Les premiers forment les idées par des canaux étran­gersaux canaux ordinaires, et conséquemment sans dépendre du siège de lamémoire. Les seconds puisent leurs idées dans la mémoire même, mais sanschoix, sans ordre et, ce qui est plus, sans aucune attention.

 

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