De la Cause du Sommeil Lucide

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SÉANCE XIV

DE LA FUTILITÉ DE LA SUPPOSITIOND'UN FLUIDE MAGNÉTIQUE.

1. — Si ce qui estun fluide est un corps liquide, ayant la propriété caractéristique de seniveler à la surface du globe, il faut convenir que rien n'est plusabusif que cette dénomina­tion dans la bouche des physiciens, pour êtreappropriée à ce qui n'a nul rapport avec son sujet. Il existe, certes,des effets devant l'aimant, devant la machine électrique, devant la pile gal­vanique; mais je ne puis pas concevoir qu'ils se développent par un fluide qui n'en apas la propriété caractéristique. La raison et quelque­fois aussi dessensations m'y décèlent des éma­nations particulières, maistoujours de ces émanations qui conviennent à tout corps et nul­lementdes fluides.

Les magnétiseurs,en établissant un fluide magnétique ont été plus conséquents que lesphysiciens ; ils l'ont répandu dans toute la capa­cité de l'espace, comme unocéan invisible qui n'a d'autres bornes que celles de l'univers. Idéegigantesque, digne d'un meilleur objet : D'après cette base, il estévident qu'il n'est dans l'espace nul être qui ne s'y trouve plongé parune inévi­table loi de la nature. Les animaux n'y vivant que comme le poisson,divisé en espèces, sous le genre commun de nageurs.

Cette courte exposition,qui s'attache parfai­ment à l'idée qui convient au mot fluide, ne sefonde que sur le fait même qui suppose qu'on ne s'endort que par l'actiond'une volonté externe. Les magnétiseurs prétendent que cette faculté nefait que diriger le fluide qui naturel­lement a la vertu d'endormir, sans yajouter le moindre éclaircissement ultérieur qui puisse nous donner laconnaissance de leurs secrets. Cette méthode de démontrer est si claire, si pré­ciseet si concluante que je suis honteux de trouver à y redire.

Quoique nous ayonsassez vu dans la séance précédente ce que peut la volonté humaine, je ne puispas néanmoins m'empêcher de deman­der comment elle fait pour diriger unfluide qui submerge déjà tout ce qui existe ? L'eau, qui a la vertu demouiller, mouille tout ce qui s'y plonge sans aide d'aucune action externe.L'air, qui a la vertu de noyer dans son sein tout ce qui appartient au globeterrestre, y noye tout corps sans aucun secours étranger. Les liqueursspiritueuses, qui ont la vertu d'enivrer, eni­vrent d'elles-mêmes tousceux qui en usent, sans que personne y contribue. Si le fluide magné­tique, douéd'une vertu somnifère, submerge tout être susceptible des'endormir, comment une volonté externe peut-elle en disposer au gré de sescaprices ? D'ailleurs ce qu'on dirige sur un objet, n'est que ce qui en estéloigné par une distance quelconque. Si tout être de l'univers est plongédans le fluide magnétique, par quelle magie peut-on diriger ce qui estdéjà en contact avec toute personne?

2. — Il est toutà fait ridicule de combattre ce qui n'existe que dans une imagination endélire ; néanmoins il est utile d'en révéler les incohérences les plusfrappantes.

Admettons que cefluide merveilleux est essen­tiellement la propriété d'endormir, étant dirigécomme une volonté externe. Pourquoi n'endort-il donc pas tous ceux qui sesoumettent à son action ? On prétend qu'il n'a d'influence que sur lesmalades. Mais il est constant que tous les malades n'en éprouvent pas l'effet.Même, il est plus commun de trouver des époptes dans les personnes bienportantes en apparence que dans les malades réels. Nous avons déjàobservé que nul individu de l'espèce humaine n'est par­faitement bienportant : et nous observons maintenant que s'il y en a de bien portants,d'après l'acceptation commune, la plus grande partie des époptes est dunombre. De quelque manière qu'on considère donc la nature dufluide magnétique sous la direction d'une volonté externe, il est clairque sa supposition n'offre aucune réponse qui persuade la raison.

Néanmoins, nousrépétons encore ce que nous avons dit ailleurs, que tout épopte est toujoursintérieurement malade de faiblesse, de même que ceux qui sontrebelles au sommeil lucide sont malades d'engorgement, et que de ces»deux classes la seconde est plus près de la tombe que lapremière. Si le fluide magnétique, même étant dirigé parune volonté externe, n'agit pas indistinctement sur tout le monde, c'est parcequ'il n'existe pas dans la nature, et nonparce qu'il ne trouve pas de sujets aptes.

Il ne suffit doncpas de forger des hypothèses et de les entasser les unes sur les autres,pour expliquer plausiblement quelques effets qui semblent êtresusceptibles de ce moyen de développement dans le sommeil lucide : le bon sensexige, dans ce genre d'entreprises, pour que l'invention ait une valeur dumoins fondée, qu'elle se lie dans toutes ses parties et avec tous les résultatsde la cause qu'elle tend à approfondir ; autrement c'est se jouer dupublic que de vouloir lui expliquer ce que l'inventeur es hypothèses neconçoit pas lui-même dans son sujet.

Ce qui m'étonne leplus dans la conduite des magnétiseurs, c'est que dans mille et uneraisons décousues qu'ils ont données en faveur du som­meil lucide et de sesaccessoires il n'y en a pas une qui satisfasse l'avidité naturelle de s'ins­truire,surtout dans les choses obscures. Tout est marqué dans leur conversation etdans leurs écrits au coin de l'évasion. On croit lire dans leurs feuillespériodiques de la veille quel­que apparence de vraisemblance dans leurs prin­cipes,et l'on se trouve étonné de trouver dans celles du lendemain des contradictionsqui détruisent toute l'illusion de l'esprit qui s'atten­dait à y puiserde nouvelles lumières.

3. — En croyantéluder le poids et la force des objections qui détruisaient la supposition dufluide magnétique universel, on introduisit une nouvelle dénomination defluide magnéti­que animal et une autre de fluide magnétique végétal, commeon en admet une troisième sous le nom   de magnétique minéral. Le premier, d'après les défenseurs de cette invention, n'estcommun qu'aux animaux, et le second agit aux végétaux, mais sous l'expressecondition de n'avoir d'action, dans l'un et l'autre cas, que sous la directionde la volonté humaine, pour pouvoir être utile aux hommes.

Les nouvellesobjections auxquelles cette pitoyable cheville donna lieu, sans résoudre ungrande partie des premières n'empêchèrent pas les magnétiseursde marcher pendant longtemps sous sa tutelle, et peut-être mêmejusqu'à pré­sent. C'était élever la théorie du sommeil lucide sur lesmêmes bases que celles sur lesquelles le docteur Pettetin éleva lathéorie de la cata­lepsie. Une électricité animale était pour ce médecinl'agent de cette maladie, d'après ses observations sur une femme qui enétait atteinte à Lyon. Comme on ne fait plus aucune mention du fluide magnétiqueanimal et végétal dans les feuilles périodiques, il est àcraindre que cette invention ait le même sort que l'autre.

On observa àces faiseurs de systèmes qu'un épopte, même habituéà s'endormir occasion­nellement, s'entretient souvent pendant plu­sieursheures avec son concentrateur, sans éprouver la moindre atteinte de sommeil,mal­gré tous les efforts de ce dernier pour y parve­nir par l'action de savolonté interne, mais non exprimée, sur son fluide magnétique animal. Cetteobjection qui est décisive et péremptoire, ne les ébranla nullement : Uspassèrent outre ; et établirent pour base de leur système quel'agent qui endort devait être plus robuste que le patient qui s'yprête, sous peine d'une lassi­tude accablante et même d'attractiondes maux du dernier s'il était malade.

Cet aphorisme futsuivi pendant plusieurs années, et malgré la pratique de précaution qu'ilprescrit, on se plaignit toujours de maux de poi­trine, de douleurs dans lesmembres, et d'autres malaises de ce genre, toutes les fois qu'on sor­tait detoucher quelqu'un, ou de gesticuler sur lui pour rendormir, ou pour luiprocurer un bien-être.

On vint enfin enfoule à ces séances, où sans effort je faisais de nouveauxépoptes. On y remarqua qu'au seul mot : dormez, ou à un seulgeste de la main ou même à l'indication du pre­mier objet qui seprésentait à ma vue, plusieurs personnes passaient au sommeil lucide etétaient aptes à donner des consultations. J'y montrais même desenfants qui endormaient de grandes personnes à la simple présentation dela main, sans éprouver la moindre sensation pénible. Le lecteur veut-il savoirce qu'on conclut de cette démonstration expérimentale ? Que j'avais une volontéassommante ; mais c'était toujours une volonté qui était la cause detous ces effets.

4. — Dès cette époque on parla un peu moins du fluide magnétiqueanimal. Néanmoins je dois ici remonter à sa source. M. de Montrevelavait annoncé le premier que l'un de ses épop­tes avait remarqué qu'il sortaitpar les doigts de ce concentrateur une émanation ignée en rayons divergents, etque, comparés à l'électricité atmosphérique dans les temps orageux ceseffluences avaient un éclat beaucoup plus lumi­neux que ce foudroyantmystère de la nature. Quelques autres circonstances, que cet obser­vateury avait ajoutées, tondaient à rapporter que ce prétendu fluide, répandu,d'après son oracle plus sur les bords des eaux que dans les lieuxméditerranés, et descendant toujours, de haut en bas, se personnifiait avec lesconcentra­teurs, pour être à la disposition de leur volonté.

Voilà lasource du nouveau système qui com­mence néanmoins à vieillir. Ondoit voir que ce fluide n'est plus comme un Océan qui submerge l'univers dansson sein : il n'en veut qu'à la terre, éparpillé çà et làen portions inégales, mais plus abondamment près des mers, des fleu­veset des étangs que sur les montagnes, sur les forêts et sur les prairies.L'espèce humaine ne s'y noyé plus, comme auparavant ; elle est à sonaise, en exerçant un pouvoir absolu sur un être empressé à luiobéir.

Il est de fait quetous les époptes auxquels je me suis adressé pour vérifier cette émission desrayons lumineux par le bout des doigts, ont confirmé le rapport de M. deMontrevel, sans être d'accord sur aucune des parties du reste. Mais ilsont vu aussi le même effet sur le pre­mier venu et sur eux-mêmes,lorsqu'on leur frottait un membre quelconque avec un peu de force. Mêmetoutes les fois qu'on agite l'air avec violence devant leurs yeux clos, ilsdétournent tous, en général, leur tête par l'impossibilité de supporterl'éclat d'une lumière invisible. Ils l'éprouvent même au milieudes ténèbres.

Ce fluide lumineuxest donc plus répandu qu'on ne le dît ; ou, pour m'exprimer mieux, il estégalement répandu sur la terre et sur les eaux. Etant de plus commun àtout individu de l'espèce humaine, il n'est donc pas le partage desseuls concentrateurs. Sortant en outre de tout membre, il n'a donc pas sonissue seule­ment par le bout des doigts. S'accommodant enfin aux époptes, c'est-à-dire, aux êtres qui enatten­dent 1 influence pour s'endormir, il n'est donc pas magnétique. Nouspourrions ajouter aussi qu'il n'est pas même animal ; parce qu'ilconvient de même aux minéraux, dès qu'ils se froissent.D'après ces conséquences, dont les principes sont à laconnaissance de tout le monde, pour subir la vérification nécessaire, je n'aipas be­soin de relever les rêves de l'oracle de M. de Montrevel : nousavons déjà établi que ce qui n'était pas commun à tous lesépoptes est tou­jours une monnaie sans aloi.

5. — Il restemaintenant à rendre compte de la cause qui donne aux émanations humainesl'éclat de la lumière ; car toute effluence des corps inanimés ne jouitpas de cette préroga­tive. Il faut par conséquent étendre à toutes lesémanations animale? la qualité ignée qui se dé­couvre chez les hommes.

L'opinion del'immortel Newton sur la nature de la lumière n'est pas la plus exacte,surtout s'il est vrai que le soleil est un corps opaque, d'après lesobservations les plus récentes. Des anciens et des modernes avaient, pensé quela lumière n'était qu'un fluide lumineux répandu dans l'univers, n'ayantbesoin, pour être visible que d'une certaine agitation provenant d'unmoteur externe. Cette opinion est conforme au récit de la Genèse,où il est dit que le soleil ne fut créé que quelques jours aprèsla création de la terre ; c'est-à-dire après que lalumière avait déjà éclairé l'univers, et elle est en mêmetemps appuyée par les observations et l'expérience qui, dans plusieurscirconstances, font voir la lumière au milieu des ténèbres.

D'après cettehypothèse, qui a la force d'un fait positif, il est très naturel,que toutes les émanations animales, lorsqu'elles peuvent être accessiblesà une vision délicate, ne s'offrent que sous l'éclat de lalumière. La violence avec laquelle elles échappent des corps animés estsi rapide, qu'elles agitent l'air ambiant et don­nent la vie au fluide lumineuxqui s'y cache. Elles ne peuvent fuir qu'en rayons, et en rayons divergents,comme le trouvent les époptes.

Au lieu que l'air,étant agité sans régularité devant leurs yeux fermés, ne peuvent leur pré­senterqu'une masse de lumière qui les éblouit et les force à détournerla tête. Quoique la vue externe n'existe pas chez eux pour éprouver ceteffet, elle existe néanmoins intérieurement, soumise aux mêmes lois,comme nous l'avons déjà remarqué ailleurs, en parlant des cinq sens.

Ces rayons lumineuxpeut échapper par tous les pores, et conséquemment par toute partie de tous lescorps animés; mais ils ne peuvent pas être perceptibles en raison de lapetitesse de la masse d'émanations, et en raison des entraves qui enempêchent la direction, et des vêtements chez les hommes, et dupoil et de la laine chez les brutes. Ainsi, les époptes en reconnaissentl'existence toute» les fois qu'on frotte les membres de tout être vivant.

Les émanationsdoivent être beaucoup plus abondantes chez les hommes, dans les extré­mitésdes doigts qu'ailleurs ; parce que toutes les ramifications des nerfs quirepoussent au dehors toutes les substances superflues et vola­tiles, yaboutissent et y consomment toute l'action et l'exercice de leurs fonctions.Les rayons lumineux que les époptes y voient plus particulièrementqu'ailleurs, ne peuvent donc être que proportionnés à la massed'émanations, et conséquemment beaucoup plus perceptibles.

Les magnétiseurs s'obstinèrentencore davan­tage dans l’opinion de l'existence de leur fluide magnétiqueanimal, sans savoir trop comment, lorsqu'ils entendirent certains rapportsde leurs confrères qui assuraient qu'ils éprouvaient eux-mêmes, enpromenant leurs mains sur quel­qu'un, d'agréables crispations, qui annonçaientsensiblement des émissions de leur corps.

Je n'ai pasl'habitude de révoquer en doute ce qui étant possible, a encore le mérited'être attesté.. Ces émissions ont lieu sans cesse sur les corps, surtoutanimés. Pourquoi n'étaient-elles donc perceptibles à ces hommesprivilégiés, que lors seulement qu'ils gesticulaient sur quel­qu'un avec leurs mains?Est-ce en raison de la volonté qu'ils avaient de faire du bien ? Il est heureuxpour eux que ce zèle ardent ne fut que passager ; s'il eût étéconstant, il aurait fini par les épuiser en peu de jours, en leur ôtant leursubstance vitale.

Il aurait été plusadmissible que ces émana­tions fissent des impressions sur les époptes, que surles personnes mêmes qui en étaient la source. Les premiers recevaientquelque chose de plus qu'ils n'avaient; et les secondes n'émet­taient rien deplus dans le temps donné, que ce qu'elles étaient habituées à émettre envertu d'une loi constante de la nature. Je sais que des époptes aussi ontassuré quelquefois qu'ils sen­taient friser sur leurs membres quelque chose desubtil, lorsque des concentrateurs prome­naient sur eux leurs mains ; maisheureusement cette déclaration n'est faite que par un très petit nombre d'entre eux ; mais autrement il m'au­rait fallurevenir sur mes pas.

Ces magnétiseurs parexcellence ont avancé qu'ils étaient en état de lire la pensée du premier venu,et, ce qui est plus, ils ont tenu leur parole, en étonnant les assembléesà qui ils avaient annoncé la possibilité de cette exécution.

Ce fait n'estcompatible qu'avec les concen­trateurs qui ont les dispositions requises ausommeil lucide, quoiqu'ils n'aient jamais dormi occasionnellement. Nous avonsdéjà remarqué souvent que plusieurs personnes, en raison d'une liquiditéextraordinaire du sang, jouissent quelquefois de l'intuition dans l'état deveille même, mais moyennant une concentration quelconque. Il n'y a doncrien d'étonnant à ce que les concentrateurs de ce genre puissent lire lapensée d'autrui, comme des époptes qui le font sans dormir.

Mais qu'y a-t il decommun entre l'existence d'un fluide magnétique animal et la faculté desentir ses émissions propres, et de lire la pen­sée d'autrui ? Personne n'a niél'existence des émanations des corps ; personne n'a nié la pos­sibilité de lirela pensée d'autrui, même sans dormir, mais le bon sens niera toujours queles émanations et la lecture de la pensée d'autrui soient autre chose que cequ'elles sont, et qu'el­les puissent endormir d'autres personnes, pour que les magnétiseurss'en autorisent pour appuyer leur opinion.

7. — L'idée dufluide magnétique végétal n'eut d'existence que par les expériences etl'entreprise des malades que fit M. le marquis de Puységur par le secours desarbres. Nous avons déjà annoncé que ce bienfaiteur de l'hu­manitésouffrante provoque par ce moyen le sommeil lucide, et opère desguérisons miracu­leuses. On ne pouvait pas expliquer par les principes adoptescette méthode d'endormir et de procurer du bien-être, on trouva aussil'ex­pédient de créer un fluide magnétique végétal, également subordonnéà l'empire de la volonté du premier venu qui aurait envie de s'en emparer.

Des époptesmême trouvèrent un fait réel dans cette fable. On les menaitdevant un arbre; on leur disait qu'on le magnétisait en le tou­chant eten faisant mille autres gestes sur son tronc et sur ses branches ; et lesépoptes s'en­dormaient aussitôt qu'ils étaient placés sous son feuillage.Interrogés dans leur sommeil pour savoir qui les avait endormis, ils répon­daientsans hésitation, que c'était l'influence de l'arbre magnétisé, en yajoutant des observa­tions particulières sur sa vertu trop ou trop peuactive de bienfaisance ou de malfaisance.

Enhardi par cesrésultats, on tenta d'autres expériences encore plus merveilleuses. Une fois ontoucha un arbre dans un parc à l'insu de l'é­popte qui devait subirl'épreuve ; on gesticula sur toute sa hauteur et son ampleur, en remplis­santtoutes les conditions censées requises pour le magnétiser, et l'on y conduisitl'épopte en­dormi d'avance, comme pour faire un tour de promenade. On remarqua,dit-on, qu'en pas­sant comme par hasard devant l'arbre marqué, l'époptes'arrêta devant lui et s'écria, qu'il n'a­vait vu de sa vie rien de pluséclatant que les rayons lumineux qui en découlaient, et rien de plus salutaireque les influences qu'il en recevait. Ondit que de pareilles expériences ont été sou­vent répétées avec le mêmesuccès.

Voilàl'origine du fluide magnétique végétal. Les arbres ne parlent pas : onpeut s'arroger sur eux l'empire qu'on veut avoir en toute sûreté. Maisles hommes parlent : gare ! Les souverains n'entendent pas raillerie dans l'usurpationde leurs droits sur leurs peuples !

Je n'ai pas besoinde m'arrêter ici pour ren­dre compte de ces faits qui n'ont rien d'invrai­semblabledans leur historique. Mais ce que nous avons déjà dit et ce que nousdirons dans la suite sur l'état des époptes, fait et fera voir qu'ils nepeuvent être reçus comme tes bases d'un système que par un espriten plein délire. En attendant nous observons que nous aussi nous avons tentéles mêmes expériences, mais sans aucun succès, et que nous enavons tenté d'autres en sens contraire avec une parfaite réussite ;c'est-à-dire que nous avons placé des époptes sous des arbres en leurdisant qu'ils avaient été touchés ou magnétisés, sans qu'ils l'eussentété, et les époptes ont dormi ; et nous les avons placés sous d'autres quiavaient été touchés, sans les en avoir prévenus, et ifs n'ont pas éprouvé leplus léger symptôme de sommeil.

8. — Une observationqui semble appuyer l'existence du fluide magnétique animal, mérited'ètre approfondie ici, pour être réduite à sa juste valeur; c'est que deux plantes de la même espèce, mais arrosées avec deseaux différentes, changent de nature et produisent différemment ;c'est-à-dire que la plante cultivée avec de l'eau touchée par la main del'homme et saturée de ses influences, s'améliore clans sa croissance et dans ses rapports, tandis que l'autre, soignée avec del'eau naturelle, ne fait que se conformer exactement aux lois de sonespèce.

Quoique je n'aie pasfait cette expérience, je vois néanmoins qu'elle sympathise avec la mar­che dela nature; mais je n'y trouve rien qui 'appuie la gratuite opinion des magnétiseurs; je n'y découvre qu'un désir de leur part de cher­cher à consoliderleur système de ces apparen­ces mômes qui trompent les sens, mais nonune raison éclairée.

On sait que lesmêmes plantes cultivées dans un jardin et végétant naturellement dans leschamps, ne sont pas également robustes et replètes. Le défrichementrégulier des terres leur fournit de meilleurs sucs qu'elles n'en trou­vent dansles lieux négligés et abandonnés. Néanmoins il est aussi une cause de leur amé­liorationdans les jardins, et qui n'est pas com­munément remarquée ; c'est la présence,les attouchements et les continuelles visites du jar­dinier. Voilà laprincipale source du perfection­nement et de la salubrité de leur sèvedans les lieux défrichés.

Tous les animaux engénéral, et surtout l'homme, dans quelque état qu'ils se trouvent de santé oude maladie, n'émettent de leurs corps que des substances, ou vitales ou aptesà servir d'un engrais délicat à toute espèce de végétaux.Ils ne recèlent rien qui s'oppose à leur conserva­tion età leur bien-être : tout chez eux sympa­thise avec l'utilité desplantes.

Aussi l'on remarqueque les arbres d'un parc fréquenté par les hommes sont beaucoup plus vigoureuxque leurs pareils qui viennent natu­rellement dans les forêts, et que desarbrisseaux, soignés sur une fenêtre dans des vases commodes, sedéveloppent beaucoup mieux que d'autres de la même espèce dans lesjardins. Il ne faut pas en conclure contre le principe établi, parce quesouvent l'observation en montre le contraire dans des exemples. Il arrivetrès fré­quemment que par la vieillesse de la terre» ou par le défautd'une exposition propice ou par toute autre cause locale, le succès nerépond pas à l'attente, en dépit des influences humai­nes. Ce quineutralise leur vertu ne déroge pas à l'efficacité de leur naturebienfaisante.

Il est donc toutà fait indépendant d'un fluide magnétique animal, qu'une plantesoignée avec de l'eau saturée d'influences humaines, croisse facilement etdevienne plus vigoureuse qu'une autre plante cultivée simplement avec de l'eaunaturelle. L'expérience prouverait qu'elle se conserverait par ces soins avecle même éclat, en dépit d'une volonté contraire.

9. — Pour sentirl'éminence de la salubrité des émanations animales, il faut examiner lesanimaux, soit hommes ou brutes, dans leurs rapports entre eux-mêmes. Ilest certain que tout être vivant étant né mortel, doit êtreassujetti aux effluences vicieuses ; parce que le germe de destruction qu'ilcouve doit nécessairement infecter du moins une partie de ce qui l'ali­mente etle conserve. Un être vivant absolu­ment sain n'existe donc pas dans lanature, ou du moins sur le globe terrestre. Pour les végé­taux, tout ce quisort des animaux est toujours salutaire ; parce que ce qui n'est pas substancevitale leur sert toujours d'un engrais extrême­ment nutritif. Pour lesanimaux il n'y a de salutaire dans leurs émissions que ce qui appartientà la substance vitale : le reste est constamment plus ou moins nuisible.

Toutefois toutêtre vivant, réputé bien portant en apparence fait toujours plus de bienque de mal à ses semblables par ses émanations. Aussi lés brutes quisont en général, exemptes de contagion sensible, ne meurent aussi en géné­ral,que de décrépitude et d'épuisement de for­ces ; parce que, vivant ordinairementen socié­tés de familles, les unes communiquent toujours aux autres plus desubstance vitale que de ma tière pernicieuse. Voilà la raisonpour laquelle il est souvent utile aux malades qui dépérissent graduellementpar la faiblesse, de coucher pen­dant un laps de temps dans les étables desvaches ou dans les écuries des chevaux ? Les effluences de ces animaux sontplus vitales que pernicieuses ; parce qu'ils ont en général, une apparence deparfaite santé.

Les émanations del'homme réputé sain et bien portant sont encore plus salutaires que celles desbrutes exemptes de contagion ; parce que ce qui l'alimente est toujours plussucculent que ce qui alimente les autres ; et par cette même raison, cequi se corrompt, chez lui est aussi plus contagieux que ce qui se corrompt chezles autres. Ainsi une personne malade qui coucherait avec une autre personneréputée saine et bien portante, lui ferait plus de mal qu'elle n'en retireraitde bien. Il est donc extrê­mement dangereux de permettre aux enfants decoucher avec les vieillards ; parce que ceux-ci sont toujours remplis d'humeursmalfaisantes que ceux-là pompent.

La condition des animaux domestiques est proportionnéeà l'état sanitaire ou maladif de leurs maîtres, abstraction faite demauvais trai­tements et d'autres causes étrangères aux effluen­ceshumaines. Toutefois, on peut avancer, en général qu'ils gagnent d'un côté etperdent de l'autre. Ils s'engraissent par les caresses des maîtres bienportants, et s'assujettissent du moins à une portion de leurs maux,lorsqu'ils s'accommodent de leur nourriture. Ceux d'entre eux qui se conserventdans leur genre de vie naturelle, sont toujours mieux que mal, s'ils ne tombentpas entre les mains de maîtres mala­des.

10. — C'est de cettecontagion humaine qu'il résulte quelquefois que des époptes, en touchant desmalades, non seulement éprouvent des cris­pations, mais aussi aggravent leurspropres maux, en perdant tout à fait leur lucidité, au moins pour unlaps de temps. Par l'exquise sen­sibilité que leur état leur donne, la pluslégère impression des miasmes externes, suffit pour produire sur eux uneagitation violente, parce que rien ne s'oppose à l'introduction des subs­tancesvolatiles dans leurs pores, dont le som­meil facilite toujours l'ouverture.

J'ai dit que lesépoptes n'éprouvent que quel­quefois ces inconvénients ; parce que s'ils neréfléchissent pas sur les suites du mal qu'on les engage à traiter, ilstouchent avec indifférence les malades les plus contagieux, et même avecintérêt, lorsqu'ils les affectionnent. Il faut croire qu'ils ne pompentles humeurs malfaisantes d'autrui qu'autant qu'ils sont intimement péné­trésque cette communication est inévitable. On sait déjà que cetteconviction suffit chez eux pour rendre réel ce qui ne parait qu'idéal.

C'est précisément cequi explique la cause pour laquelle étant touchés, sans en êtrepré-venus, par des personnes inconvenues ou qui n'en ont pas l'habitude, ils secrispent, et tom­bent même dans des convulsions alarmantes. L'abstractiondes sens où ils se trouvent les isole de tout ce qui les entoure,à l'exception des concentrateurs, qui sont toujours présents àleur esprit ; et à l'impression d'un contact imprévu elle leur cause unesurprise qui dans ses effets, se proportionne toujours au mode de leurconception. Il en résulte que s'il y en a qui peuvent avoir reçu un coupviolent, ils en éprou­vent réellement des suites douloureuses.

Ce n'est plus lamême chose chez ceux qui dorment naturellement, même du sommeillucide, sans avoir jamais passé par la concen­tration occasionnelle. Chez euxl'usage de la liberté interne est habituellement presque nul, quoiqu'ils enusent quelquefois avec aisance, étant dirigés par unie impulsion interne. Ilest donc très naturel que souvent ils ne s'aperçoi­vent pas mêmedes impressions d'un coup. Ces résultats sont familiers même aux époptesocca­sionnels, lorsque tout à fait distraits des sens, ils se trouventplongés dans la méditation d'un objet qui les intéresse : ils ne donnent plusde signe de vie, du moins aux premières inter­pellations.

Malgré toutes cesvariations qu'éprouvent les époptes, la précaution proscrit impérieusement deles écarter toujours, de toucher des malades contagieux, à moins qu'ilsne le demandent. Les suites de cette manière de connaître la nature des maladies sont quelquefois extrêmementpernicieuses. La nécessité de ce prétendu rap­port n'a été reconnue quepar ceux qui n'avaient aucune idée du caractère de l'intuition des épop­tesDès qu'ils sont lucides, ils voient tout et par­tout, ils n'ont besoinque de connaître ce qui distingue un individu d'un autre pour pouvoir passer enrevue l'individu donné.

11. — Pour finir desaper jusqu'en ses fonde­ments la supposition d'un fluide magnétique, nousciterons ici ce que nous avons déjà rapporté dans la séance précédente ;c'est que si ce fluide, étant dirigé par une volonté externe, était cause dusommeil lucide, il n'y aurait pas de raison pour que cette cause étant mise enaction, ce phénomène, une fois provoqué, cessât de se développer dansles époptes. Cependant rien n'est plus constant que cette cessation ou abso­lueou temporelle, et que nul effort ne peut réparer cette disparition naturelle.

Dire que l'influencede ce fluide suppose dans les sujets des dispositions personnelles pourqu'il agisse efficacement, c'est avouer clairement que la cause du sommeillucide est toute autre que ce fluide dirigé par une volonté externe. Quefait-il enfin? S'il n'a d'autre vertu que de rendre actuel ce qui estextrinsèque­ment possible, il n'a plus aucun droit à êtrerangé sur la ligne des causes ; car la cause n'est que cette volonté sanslaquelle l'effet ne peut pas exister, et qui le précèle par la prioritédu temps. Si le sommeil lucide existe par les dis­positions personnelles lefluide magnétique n'est plus qu'une cheville tout à faitgratuite.

Nous avons dit,à la vérité, qu'une volonté externe peut être une causeoccasionnelle ; mais le fluide magnétique n'a pas même ce mériteéventuel. Par quel fluide existe le som­meil lucide naturel ? Un faiseur d'hypothèsessystématiques, sentant le poids des objections qui pesaient sur elles, s'estempressé de dire qu'il y avait une grande analogie entre le som­meil lucidenaturel et occasionnel. Nous avons déjà observé que cette analogie pourune courte vue est une identité pour une vue juste ; au point que laconcentration occasionnelle ne fait jamais d'époptes : elle ne tend qu'àdévelopper les époptes naturels. S'il existe donc un som­meil lucide naturelsans l'intervention du fluide magnétique, qui peut autoriser celui-cià figu­rer dans le sommeil lucide occasionnel et à y figurerencore même comme une cause occa­sionnelle ? Une volonté externe n'yfigure comme telle qu'autant qu'il est nécessaire que l'épopte sache ce qu'onexige qu'il fasse.

Le sommeil, queparfois la vue de certains fossiles et le contact de certains végétaux ontprovoqué sur les époptes occasionnels pendant leur promenade dans les champs,ne dépose rien en faveur de la supposition du fluide magnéti­que, commel'ont prétendu quelques-uns de ses défenseurs. On sait que tous les corps ontune vertu quelconque qui leur est particulière. Les uns rafraîchissent,les autres échauffent, d'autres enivrent et ainsi de suite. Il n'y a donc riend'extraordinaire à ce qu'il y en ait qui endor­ment par une vertunarcotique qui leur est naturelle. Il faut seulement remarquer que leur vertuest absolue, et que la vertu du fluide magnétique, exige la direction d'unevolonté externe pour établir une identité ou même une analogie.

12. — Quelle vertuont donc les attouche­ments, la présentation de la main et des fric­tions, aveclesquels les concentrateurs endor­ment leurs époptes, les paralysent et leurpro­curent du bien-être, s'il n'y a pas un fluide qui, par sesdifférentes modifications, serve d'intermédiaire à la provocation desmerveilleux effets qui en résultent ?

Il est sensiblequ'en cherchant la cause de ces phénomènes où elle n'existe pas,on est entraîné à avoir recours à un fluide quelconque pour con­tenterla raison. Mais dès qu'on retrouve la source légitime, on ne peut sempêcher de rire de cette idée absurde et chimérique.

Nous avonsdéjà fait entrevoir que les époptes mêmes sont la cause de ces effets,et qu'igno­rant leur propre influence sur leur provocation, ils sonteux-mêmes les premiers à la reconnaî­tre ailleurs. L'état intuitifoù les placent les dispositions de leur sang est étranger, non seu­lementà l'état sensitif, mais à l'épopte même dans son sommeil,par le défaut du repli de son attention sur lui-même. Il s'ensuit qu'ilattri­bue tout ce qu'il fait à une influence externe plutôt qu'àsa propre action interne.

Outre tout ce quenous avons dit et tout ce que nous dirons dans la suite à l'appui decette doctrine, l'examen de l'effet de cette paralysie passagère la rendclaire et intelligible. L'expé­rience fait voir que l'épopte soumis àcette épreuve n'en supporte la gêne qu'autant qu'il y pense sansdistraction. Il s'en affranchit de lui-même, si dans un momentd'inattention la première personne venue l'engage à se mettreà son aise. Celui qui dirait que dans cette circons­tance cette personneremplit les fonctions de concentrateur, serait démenti par le fait même,parce qu'elle n'influerait en rien sur l'épopte dans le moment oùcelui-ci penserait aux entra­ves qu'éprouve sa situation. Il reste donc évi­dentque si l'épopte peut enfreindre naturelle­ment les ordres de son concentrateurla cause de ce qu'il éprouve git en lui-même et non dans un fluide.

Le sommeil qui sedéveloppe dans les époptes à la présentation de la main de leurs concen­trateursn'est donc aussi qu'un effet de leur concentration occasionnelle. A la vue decette action, les époptes voient ce qu'on exige d'eux et ils se prêtentaussitôt aux moyens d'y satis­faire, et quelquefois même malgré eux, enrai­son de la force de la conviction intime. Toute­fois il y en a qui yrésistent, et font connaître qu'ils ne s'endorment que quand ils veulent.

Le soulagement dedouleurs et d'autres maux que procurent les frictions dans les parties ma­lades,non seulement aux époptes, mais même à des personnes qui n'ontjamais dormi occa­sionnellement, provient de même de leur con­fiance enla personne qui remplit les fonctions de concentrateur. Ces frictions sont uneocca­sion où les personnes souffrantes se livrent elles-mêmesà l'exercice de leur empire sur les fluides internes. Aussi cebien-être n'a pas lieu dès que la confiance n'existe pas, soit parle défaut des dispositions requises, soit par la force d'une conviction intimecontraire.

13. —   Nous allons parler ici de plusieurs autres effets qui sont attribués aufluide magné-tique comme à leur cause.

L'eau dite magnétisée,qui change de couleur et de goût et que les époptes distinguent del'eau naturelle, appartient aussi à la même source de convictionintime. La couleur et le goût, lors­qu'ils ne sont pas déterminés par leconcentra­teur, se présentent à leurs sensations d'après l'idéequ'ils en forment. Aussi, sous cette con­dition, ils en ont toujours lessensations diffé­rentes et non les mêmes, du moins en dénomi­nation. Cequi est plus encore, c'est que cette eau jouit aussi de la propriété de lavertu nom­mée. Les magnétiseurs, en général, ignorent la cause de cettemétamorphose, et ne la nomment pas positivement ; mais ils l'indiquentindirectement lorsqu'ils disent à leurs époptes que l'eau ditemagnétisée doit tuer les vers, calmer les douleurs, procurer des évacuations,etc. ; et par cette conduite, ils obtiennent toujours les effets qu'ilsdésirent.

La raison pourlaquelle les époptes trouvent de la différence entre l'eau dite magnétisée etl'eau naturelle dépend des émanations dont la première s'imbibe, et nond'un fluide magnéti­que. Les époptes ayant par leur intuition la facultéde connaître les émanations et leurs effets, distinguent naturellement l'eaupure d'avec celle qui est imprégnée de quelque chose.

Le portrait que lesépoptes, étant prévenus, voient sur la main du concentrateur, lorsque celui-cila pose pendant quelques minutes sur lu figure du premier venu de la sociétéprésente ou sur leur figure même, a aussi sa source dans la mêmeconviction intimé. Comme ce phéno­mène se lie à plusieurs autresqui doivent être développés dans lasuite, il sera parfaitement connu lorsque nous donnerons l'explication deplusieurs effets qui paraissent illusoires dans les époptes.

Les tactiles, parlesquels ces êtres intuitifs connaissent non seulement les maladies desper­sonnes absentes et éloignées, mais les person­nes mêmes, au point deles montrer au doigt dans leur état de veille par une rencontre for­tuite, sil'on a soin de les fixer pendant le som­meil dans le siège de leurmémoire, ne servent de messager que par les effluences des malades et parl'intuition des époptes. Je ne sais pas si des magnétiseurs ont attribuéce phénomène à leur fluide magnétique ; je n'en parle icique pour faire sentir la différence entre lui et les émanations humaines.

Dans les époptes,l'âme humaine, en circons­crivant l'espace, voit tout. Elle n'a besoin pourconnaître la chose nommée que des moyens qui la déterminent. C'est précisémentce que font les tactiles par les émanations dont ils se trouvent imbibés : ilest donc très naturel que les époptes connaissent les personnes àqui ils appartiennent et leurs maladies. Rien ne déter­mine mieux un individuque ce qui lui est propre et personnel.

14. — L'usage desfonctions des sens inter­nes qui répondent à l'exercice des organes ex­ternesdépend de même que la conviction intime, et non d'un fluide magnétique.Nous avons déjà remarqué que l'homme est constitué d'une manièresi particulière qu'il a la faculté, dans certaine disposition du sang,de savourer sans que ce soit par le palais, d'entendre sans

que ce soit parl'ouïe, de flairer sans que ce soit par les narines, de voir sans que cesoit par les yeux, et palper sans que ce soit par le tact ; et que le sensinterne que les philosophes ont re­connu dans l'homme, comme un sentimentnaturel, indépendant de toute idée externe n'in­dique que cette propriété, parl'impossibilité d'être autrement, comme nous le verrons dans la suite.

Ces sens internes,pris dans cette acception, ne sont point organes, parce qu'ils sont exempts detoute construction et de mécanisme : ils n'ap­partiennent pas à l'âmecomme une propriété, mais au corps comme une addition qui met le comble auxperfections de sa structure, parce qu'ils se développent dans toute partie ducorps, à l'exception de celle où le sang est plus épais qu'il nedoit l'être naturellement ils peuvent enfin convenir à l'homme,même dans son état de veille, lorsqu'il se trouve dans une certainedisposition déterminée du corps, parce qu'ils n'entrent que dans le recensementdes attribu­tions de l'homme.

Nous ne parlerons dumode par lequel ils se développent que lorsqu'il en sera temps. Il suffiraseulement de dire ici qu'ils se font voir d'une manière certaine etévidente et qu'ils exer­cent leurs fonctions avec la même exactitude etla même efficacité que les organes externes, sauf les cireurs qui, danstout état, accompagnent inséparablement la condition humaine. Toute­fois leuraction n'est que supplémentaire : l'homme ne serait pas complet par leur seulministère ; il a toujours besoin du moins de quelqu'un des sens externespour vivre.

Leur existence estune vérité de fait, quoiqu'elle doive paraître un paradoxe à la raisonvulgaire. Peut-on se mettre dans l'esprit qu'un aveugle puisse voir un muetparler, un sourd entendre? Cependant rien n'est plus exact devant une rai­sonéclairée, dès qu'elle se désabuse que le témoignage des sens est lapremière base de la certitude des hommes. La seule considération de lanature des propriétés de l'âme suffirait pour en convaincre, quand mêmeles preuves expé­rimentales ne l'appuieraient pas de leur témoi­gnage.

C'est de cetteerreur commune qu'il est résulté que les magnétiseurs eurent recoursà la puis­sance de leur fluide magnétique, déjà merveil­leusementinexplicable dans leur opinion, pour rendre compte des résultats des fonctionsdes sens internes. Il me semble qu'il est toujours plus glorieux à unhomme de bien, d'avouer franchement son ignorance dans les choses obs­curesqu'il ne peut atteindre, que d'entrepren­dre de les expliquer par des moyensplus obscurs encore et plus inconcevables. Je pense qu'il est déjà clairque la supposition d'un fluide magnétique est tout à faitabsurde, soit qu'on la considère dans sa nature, soit qu'on la con­sidèredans son application, soit enfin qu'on la considère dans ses résultats.



FIN DU PREMIERVOLUME

N.-B. — Le second volume doit paraître incessa­ment.

 

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