Le Magnetisme Animal

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INTRODUCTION

La doctrine de lasuggestion et ses nombreuses applications constituent une des grandesconquêtes scientifiques du siècle.

Prof. BERNHEIM.

L'hypnotisme est uneméthode thérapeutique d'une importance extraordinaire.

Prof. WUNDT.

1 — FARIA ETL'HYPNOTISME

Faria est le seul etle véritable fondateur de la doctrine moderne de la suggestion en hypno-tisme.

Pour bien saisir sesidées il faut les comparer avec celles de ses contemporains1 : nous le ferons sur cinqpoints : 1° sur la cause du som­meil lucide, 2° sur les procédés employés pourle provoquer, 3° sur ses symptômes, 4° sur sa nature, et 5° sur la théorie quiexplique ses divers phénomènes.

I. — CAUSE

Le magnétisme animalen 1813, quand Faria commença ses conférences publiques à Paris, étaitsous l'influence de Mesmer. Selon sa théo­rie, empruntée à Paracelse, ilexiste un fluide universellement répandu, et c'est dans ce fluide que résidel'harmonie de la santé. Le magné­tisme animal est « la propriété du corps quile rend susceptible de l'influence céleste et de l'action réciproque de ceuxqui l'environnent, mani­festée par son analogie avec l'aimant. 2 »L'ac­tion et la vertu du magnétisme peuvent être communiquées par descorps animés à d'autres corps animés ou inanimés, et avec ce fluide onpeut provoquer et diriger les crises salutaires, et guérir mediatement lesmaladies de nerfs, et immédiatement les autres.

La CommissionRoyale, chargée d'examiner le système de Mesmer, attribue lesphénomènes du magnétisme animal à l'imagination ; et Laurent deJussieu, le neveu de l'illustre Bernard de Jussieu, le seul membre dissident,pense que l'on peut expliquer quelques-uns de ces phéno­mènes par la «chaleur animale. »

Puységur, ledisciple le plus renommé de Mes­mer, considère son « électro-magnétisme »et le « magnétisme animal » de Mesmer comme étant semblables àl'électricité animale de Péte-tin. « La seule idée, dit-il, presque palpableque nous ayons eue du mouvement de ce fluide jusqu'à présent est celleque l'électricité nous a donnée 3 » Ce fluide existe dans tous lesindivi­dus, mais ne se sécrète et n'en émane que d'après lavolonté de celui qui veut en imprégner, pour ainsi dire, un autre individu. Labase de son système est : croyez et voulez.

Tous lesmagnétiseurs de cette époque (1819), étaient divisés en deux groupes principaux: la grande majorité consistaient fluidistes, comme Mesmer et ses disciples ;et la minorité, en spiri-tualistes, comme Barbarin et ses disciples. Ceux-ciconsidéraient « le magnétisme animal comme une manifestationdu pouvoir de l'âme sur la matière, en conséquence de quoi ils trou­ventinutile de toucher les malades, la pensée fortement dirigée sur eux devantsuffire. 4 »

Faria n'admet lathéorie d'aucun de ses con­temporains : « Je ne puis pas concevoir, dit-il,comment l'espèce humaine fut assez bizarre pour aller chercher la causede ce phénomène dans un baquet, dans une volonté externe, dans un fluidemagnétique, dans une chaleur animale et dans mille autres extravagances ridi­culesde ce genre. » (p. 33) Il n'y a rien qui puisse justifier la dénomination demagnétisme animal, pour signifier « l'action d'endormir. » (p. 31) Il change,partant, les mots magnétisme animal, magnétiseurs et magnétisés en concentration,concentrateurs et concentrés, et, de môme, som­nambule etsomnambulisme en épopte et sommeil lucide, pour écarter l'idée dufluide magnétique dans l'hypnotisme.

Il consacre laséance XII à l'examen de l'opi­nion de ceux qui attribuent lesphénomènes du magnétisme à l'imagination, doctrine qu'il condamnecomme une « extravagance. 5 » (p. 284) : Il insiste sur ce point quel'on garde la mémoire de tout ce qu'on imagine ; mais après le sommeillucide, surtout quand il est profond, on ne garde pas la mémoire de tous lesphéno -mènes dans cette condition, partant, ils ne peuvent pasêtre dus à l'imagination. « La mémoire peut exister sansl'imagination, mais jamais l'ima­gination sans la mémoire » (p. 286) ; et unpeu plus loin, après avoir fait l'observation que l'ima­gination est unefaculté commune à tout homme, il demande « pourquoi tout homme n'est pasapte à développer les phénomènes du sommeil lucide. » (p. 288) «Il n'est pas plus difficile, dit-il, de sentir que l'empire de l'imagination seborne seulement aux idées connues ; et que consé-quemment elle ne peut agir surl'esprit. Toutes les fois donc que les sens et le corps éprouvent des effetsréels qui ne tiennent à aucune cause connue, il est toujours certain etdémontré que ces résultats proviennent de toute autre source que de l'imagination.» .(p. 287)Pour lui, le déve­loppement des phénomènes du sommeillucide se lie « toujours aux causes naturelles, mais plus souventintellectuelles que sensibles. » (p. 107)

Dans la séance XIII,il se demande si la volonté externe peut être la cause du som­meillucide, et répond : « Ce qu'il y a de plus décisif contre les partisans decette volonté externe, c'est que 1 expérience démontre qu'on endort les époptesou somnambules avec la volonté, sans volonté et même avec une volontécontraire. » (p. 315)

Et, finalement, dansla séance XIV, il discute s'il existe un fluide magnétique et, aprèsavoir exa­miné tous les arguments de Mesmer et de ses disciples, il finit sonvolume par ces mots : « Je pense qu'il est déjà clair que la supposi­tiond'un fluide magnétique est tout à fait absurde, soit qu'on laconsidère dans sa nature, soit qu'on la considère dans sonapplication, soit enfin qu'on la considère dans ses résultats. »

Pour Faria : a). Leconcentrateur ou l'hypno­tiseur ne compte pour rien, il ne demande aucunpouvoir spécial pour lui-même ; le con­centré ou l'hypnotisé est leseul agent actif : « On ne fait pas des époptes toutes les fois qu'on leveut, mais seulement quand on trouve des sujets qui sont déjà desépoptes natu­rels. »(p. 34) Pour démontrer que le concentra­teur ne compte quecomme cause occasionelle il dit : « Je montrais dans mes séances môme desenfants qui endormaient de grandes per­sonnes à la simple présentationde la main. 6 » (p. 340) D'après Faria, tous lesphénomènes du sommeil lucide sont dus à des causes natu­relles,ils s'opèrent dans l'esprit du sujet hypno­tisé sans aucuneinfluence divine ou maligne « Rien de ce que développe le sommeil lucide nesort de la circonscription de la nature » (p. 18) ; et « nous ferons voir qu'iln'y a rien à dépasser les bornes de la raison humaine, et que tout y estconcevable, pour peu que l'homme veuille s'adonner de bonne foi à larecherche de la vérité. » (p. 110)

b). Faria « défie tous les magnétiseurs de l'univers d'endormir quelqu'un quin'a pas des dispositions requises ou des causes prédispo­santes » (p.311) : « La liquidité du sang » et l'im­pressionnabilité psychique.

Il attachait, selonNoizet, une grande importance aux observations suivantes : « Toutes les person­nesdont le sommeil est facile, qui transpirent beaucoup et qui sont trèsimpressionnables, sont ordinairementsusceptibles de somnambulisme. Un autre caractère, qui semble communà tous les somnambules, est un battement rapide et continu dans lespaupières lorsque les yeux sont légèrement fermes. 7 »

En confirmation deson idée sur la liquidité du sang, Faria observe : « L'expérience m'a fait voirque l'extraction d'une certaine dose de ce fluide rendait époptes dansvingt-quatre heu­res ceux qui n'y avaient aucune disposition antérieure», etque « la liquidité dans le sang contribue non seulement à, laprofondeur du sommeil, mais aussi à sa promptitude. » (p. 35)

Il résulte de toutesces observations que les personnes qui montrent le plus de susceptibilité pourl'hypnotisme sont les anémiques et les hystériques, ou celles qui sont le plusfacilement impressionnables. C'est exactement l'opinion de tous lesobservateurs modernes.

Faria vivaità une époque où prédominaient les théories des humeurs et dessympathies en médecine ; on ne connaissait bien ni les fonctions dusystème nerveux ni les maladies nerveuses 8, et il ne fautpas s'étonner que Faria ait attaché grande importance à ce qu'il nommait« la liquidité du sang. » Il n'était par profession,ni pathologiste, ni physiologiste. Suivant l'exemple de médecins de cetteépoque, qui croyaient aux sympathies du cœur, du foie, de la rate et dedivers autres organes, Faria pense que le sang est plus ou moins épais danscertains organes, « si bien que le sang, qui cir­cule dans les artères aconstamment et invaria­blement la même densité », et que « la majorité etla minorité de sa masse ne regardent que celui qui se trouve hors de lacirculation périodi­que. » (p. 86) Il avait observé les symptômes de 1 anémiedans la majorité de ses somnambules ; il considérait leur sang comme plusfluide que celui des sujets robustes. Il n'était pas si loin dela vérité qu'ilsemble à première vue ; seulement il ne faut pas le prendre « aupied de la lettre », comme le dit le Dr Gilles de la Tourette. Sur la conditionmentale du sujet hypnotisable, il était dans le vrai.

Les femmes sont plusfacilement hypnotisables que les hommes, et l'hypnotisme se produit plusrapidement chez les sujets qui ont été souvent hypnotisés, ou même chezceux qui ont assisté à des expériences d'hypnotisme. aria admettait «l'éducation et la mobilisation des époptes. » (p. 122) « L'expérience démontreque la con­fiance qui règle la facilité de cet exercice ne s'établit engénéral que par le sommeil ; et plus elle se consolide par la répétition desactes, plus elle rend usuelle la jouissance de ses facultés. » (p. 44)

c). La cause immédiate du sommeil lucide et du sommeil ordinaire, quisont, d'après Faria, de la même nature, existe dans laconcentration des sens de la personne hypnotisée ou, pour être hypnotisé, par suggestion, il faut du re­cueillementmental et du calme physique. « On ne s'endort pas tant que l'esprit est occupé,soit par l'agitation du sang, soit par des inquié­tudes ou par des soucis. »(p. 35)

Les auteurs quipartagent l'opinion de Fana ne manquent pas. Liébault, un des plus distinguésfondateurs de l'Ecole de Nancy, considère que lu cause du sommeilhypnotique « réside dans le retrait de l'attention hors des sens, et sonaccumulation dans le cerveau sur une idée, qui en est l'élément principal. 9» Preyer, un professeur distingué de physiologie à l’Univer-sité d'Iéna,considère « la concentration de l'attention10 » comme lacondition essentielle de la production de l'hypnose.

Le DrCrocq 11 a soumis à plusieurs auteurs cette question : Quelleest la cause du som­meil hypnotique ? Quinze d'entre eux lui ont repondu, etparmi les réponses plus ou moins favorables à l'idée de Faria on peutciter les suivantes :

Dumontpallier (deParis), cause déterminante: attention et volonté ;

De Jong (de laHaye), la cause est la convic-tion du sommeil ;

Ochorowicz (deVarsovie) : les causes sont multiples mais l'auto-suggestion en est la prin­cipale;

Pour Lajoie (deNasbua-New-Hampshire) le sommeil hypnotique est dû au commandement, ou à la poursuite suivie de l'idée du sommeil, oun'a aucune cause apparente.

La majorité desauteurs attribue les phénomè­nes de l'hypnotisme à l'inhibition 12; mais ni cette cause, ni celle d'automatisme psychologi­que, n'expliquent tousles phénomènes de l'hyp­notisme, soit dans les hommes, soit dans lesanimaux.

d). Lasuggestion, ou « l'ordre des concentra­teurs », n'est donc, d'aprèsFaria, qu'une cause occasionnelle et non efficiente ;c'est-à-dire, « une cause qui engage la cause réelle et précise àse mettre en action pour produire l'effet qui lui est propre et naturel, maisqui lui est insuffi­sante à le produire par elle-même. » (p. 323)Elle forme seulement la base occasionnelle de tous les procédés employés pourcauser le som­meil lucide, et de tous les phénomènes observés pendantcette condition. La concentration occa­sionnelle, ou le. sommeil lucideprovoqué « est une abstraction des sens provoquée au gré et àvolonté, avec la restriction de la liberté interne, mais en raison d'un motiffourni par une influence externe » (p. 42), c'est-à-dire, par lasuggestion.

2. — Procédés.

Mesmer magnétisaitses malades ou directe­ment par des passes, ou indirectement, soit par son valet-toucheur, soit par son baquet et ses baguettes,soit, finalement, par un arbre qu'il avait magnétisé sur le boulevardSaint-Martin 13. La base de son système qu'on peut dénommer physique,consiste dans ta communication du fluide magnétique aux personnes qui enman­quent. C'est le magnétiseur qui dispense ce fluide, de la mômemanière que le pharmacien les médicaments. Il va sans dire que Mesmer,lui-môme, est ce grand dispensateur.

Puységur avaitabandonné le baquet et les baguettes de son maître, mais il avaitentière con­fiance dans les passes et dans les arbres magnéti­sés,auxquels il ajoutait un nouvel élément: la volonté externe. Après sadécouverte du som­nambulisme provoqué, comme l'affluence des malades étaiténorme, il magnétisait en 1784 un vieil orme dans sa terre de Buzancy,près Sois-sons. « Mon arbre, dit-il, est le meilleur baquet possible ;il n'y a pas une feuille qui ne com­munique la santé... il n'est pas nécessaireque je touche tout le monde : un regard, un geste, ma volonté c'en est assez. 14» Selon lui le magnétisme animal « existe, parce qu'il existe, depuisvingt ans je n'en ai pas appris davan­tage.15 » Et Deleuze, ledisciple le plus distingué de Puyésgur, considère aussi les arbres magné­tiséscomme préférables au baquet. Il conseille d'employer au besoin d'abord lemagnétisme à grands courants par les passes, et une fois que le rapport entre le magnétiseur et le patient est bienétabli, il considère comme inutile l'attou­chement 16. Leurméthode est une combinaison du procédé physique, avec la volonté externe.

Les spiritualistescroyaient que tous les phéno­mènes du somnambulisme sont produits parl'âme du magnétiseur et que l'action physique est presque inutile ; ilsagissaient par la pen­sée, par la prière et par l'intention du magné­tiseur.

Les procédésemployés par Faria pour cau­ser le sommeil lucide sont au nombre de trois: (p.151)a) Sa première méthode est tout à fait différente de celle detous ses contemporains. Après avoir choisi des sujets ayant des dispo­sitionsnécessaires, il les place commodément sur un siège, il leur dit defermer les yeux, de concentrer leur attention et de penser au som­meil.Quand ils sont tranquilles et attendent le commandement, Faria dit : « Dormez», et ils tombent en sommeil lucide. Si la première ten­tative neréussit pas, il soumet la personne à une seconde épreuve, et quelquefoismême à une troisième ; après cette dernière,il la déclare incapable d'entrer dans le sommeil lucide. Ce procédé estentièrement suggestif et psychi­que. C'est le sommeil parsuggestion, c'est, selon le Dr Bernheim, l'image du sommeil qui estsuggérée, qui est insinuée dans le cerveau du patient. Il n'y a aucun doute queFaria soit son fondateur comme méthode. Il est le premier àconfesser qu' « on sait que de tout temps les enfants dans les collèges, les soldats dans leurs casernes,les matelots sur leurs vaisseaux, ont fait parler de leurs camarades ou entouchant une partie quelconque de leur corps, ou en leur adressant simplement laparole. » (p. 95) Mais personne avant lui n'avait pratiqué cette méthode pourprovoquer le sommeil lucide.

Quelques écrivains,surtout en Angleterre, qui ne connaissent pas l'ouvrage de Faria, attri­buentla découverte de ce procédé à Braid. Pour démontrer que Braid n'est passon fonda­teur, il suffit de lire ce qu'il dit lui-même à l'égardde son procédé :

« On a prétendu, parexemple, que mon mode d'hypnotisation n'était pas nouveau ; que j'avais faitacte de plagiat en usurpant la théorie et la pratique de Bertrand et de l'abbéFaria. Si j'ai bien saisi les idées de Bertrand, qui, d'après l'opinionde Col-quhoun « est assez difficile à comprendre», il adhèreà « la théorie de l'imagination seule » (Introduction deColquhoun, page 94). Dans le quatrième volume de l'Encyclopédie demédecine pratique, page 34, le docteur Prichard dit de Bertrand : « ilconclut enfin que tous les résultats de ces opérations sont pro­duits parl'influence de l'esprit; » c'est-à-dire par l'influence de l'imaginationdes malades agissant sur eux-mêmes. Bertrand voit encore la confirma­tionde son idée dans la façon dont l'abbé Faria magnétisait. Voici son moded'opération : « Il plaçait le malade dans un fauteuil, lui disant de fermer lesyeux et de se recueillir ; puis d'une voix forte et impé­rieuse il prononçaitsoudain le mot : « Dormez, » qui généralement produisait sur l'individu uneimpres­sion assez forte pour lui occasionner un léger choc, de la chaleur, dela transpiration et quelquefois du somnambulisme. » S'il avait réussipar cette méthode aussi régulièrement que moi, userait-il du correctif «quelquefois » ? On lit encore : « Si la première ten­tativeéchouait, il répétait l'expérience une seconde, une troisième, etmême une quatrième t'ois, après laquelle il déclaraitl'individu incapable d'entrer en sommeil lucide. » Il est douteux que le succèsde l'abbé Faria ait été ce qu'il dit; cependant, selon Bertrand, il estincontestable que l’abbé « réussis­sait très souvent ». N'est-ce paslà une preuve que son succès n'était pas aussi constant que lemien ? Et qui ne verrait, en parcourant mes instructions pour l'hypnotisation,que nos méthodes sont très différentes? 17 »

La méthode de Braidest la suivante :

« Prenez, dit-il, unobjet brillant quelconque (j'em­ploie habituellement mon porte-lancette) entrele pouce, l'index et le médius de la main gauche, tenez-le à la distancede 25 à 45 centimètres des yeux, dans une position telleau-dessus du front que le plus grand effort soit nécessaire du côté des yeux etdes paupières pour que le sujet regarde fixement l'objet. Il faut faireentendre au patient qu'il doit tenir constamment attaché à l'idée de ceseul objet. On observera que... les paupières se fermeront invo­lontairementavec un mouvement vibratoire » et le sujet tombera en sommeil nerveux.

Il résulteévidemment de ces deux citations que le procédé de Braid, en 1843, étaitpsycho-sensoriel et qu'il n'ignorait pas le procédé psy­chique ou suggestif.S'il a fini plus tard, "par abandonner son procédé et par adopter celui de Faria, on ne peut pas dire qu'il ait été son insti­gateur.Faria est, sans aucune contestation, le premier et le seul fondateur de sapremière méthode. A chacun son mérite.

Pour faire cesserle sommeil lucide ou pour déshypnotiser, Faria employait aussi Je com­mandementou la suggestion verbale ; il disait :

« Eveillez-vous »,et le somnambule s'éveillait. Dans certains cas il usait aussi des « gestes »,ou passait la main devant les yeux des personnes qu'il voulait réveiller.

b) Quand les sujets sont réfractaires à son premier procédé, Faria leurmontre à quelque distance sa main ouverte et leur recommande de la regarderfixement ; il la rapproche gra­duellement à quelques doigts dedistance de leurs yeux, et les patients ferment les yeux et tombent en sommeillucide. Ce procédé est semblable à celui de Braid, seulement Faria, pourfixer le regard, montre sa main, et Braid son porte-lancette ou un objetbrillant quelcon­que. Dans ce procédé l'élément psychique est combiné avecl'élément sensoriel, et il est indif­férent que l'on montre la main ou un objetbril­lant : le point essentiel est de fixer le regard. « On ne sait pas, ditFaria, de quels moyens se servaient les anciens pour provoquer le som­meillucide... A regarder la fable du centaure Chiron comme une allégorie qui traceingénieu­sement la méthode d'endormir, il paraît que tous les procédés setrouvaient à la seule pré­sentation de la main. » (p. 79) On voit que ceprocédé dans son essence est très vieux.

c). Si les deux procédés précédents ne produisaient pas les effets désirés : «Je touche légère­ment, dit Faria, les personnes aptes au sommet de latète, aux deux coins du front, au nez sur la descente de l'os frontal,au diaphragme, au cœur, aux deux genoux et aux deux pieds. L'ex­périencem'a démontré qu'une légère pression sur ces parties... provoque toujoursune concen­tration suffisante à l'abstraction des sens... Pres­séessuccessivement dans les parties... elles ne peuvent se défendre d'éprouver unesensation de frémissement. » (p.154)

Nous avons démontréque Faria n'admettait pas le fluide magnétique, et partant, pour lui, il n'yavait pas de passes, ou la transmission du fluide d'une personneà l'autre. Pour lui, les trois procédés, et même les autres, commeles ci-nommés arbres magnétisés, opèrent seule­ment par suggestion. Ildemande : « Quelle vertu ont donc les attouchements, la présenta­tion et lesfrictions, avec lesquels les concen­trateurs endorment leurs époptes ? » (p.355) Et répond : « Le sommeil qui se développe dans les époptes à laprésentation de la main de leurs concentrateurs, n'est donc aussi qu'un effetde leur concentration occasionnelle. A la vue de cette action, les époptesvoient ce qu'on exige d'eux et ils se prêtent aussitôt aux moyens d'ysatisfaire, et quelquefois même mal­gré eux, en raison de la forcede la conviction intime. » (p. 356) Et il confirme ses idées par l'observationsuivante : « Nous avons placé des époptes sous des arbres en leur disant qu'ilsavaient été touchés ou magnétisés, sans qu'ils l'eussent été, et les époptesont dormi ; et nous les avons placés sous d'autres qui avaient été touchés,sans les avoir prévenus, et ils n'ont pas éprouvé le plus léger symptôme de som­meil.» (p. 347)

Faria avait raisond'être fier de son premier procédé, mais il fait preuve d'un espritvraiment philosophique quand il dit : « Nous prouverons qu'il n'y a aucun modeprécis et déterminé de produire les effets du sommeil lucide et le soula­gementou même la guérison de maux provenant de toute autre source que d'uneaction citerne, et qu'il faut en tout s'accommoder aux préventions de lapersonne qui se livre à la concentration, qui est la seule causeimmédiate susceptible de pro­voquer les effets désirés d'après lesdispositions requises. »(p. 122)

3. — Symptomes

D'aprèsDeleuze les effets physiques produits par le magnétisme sont résumés de lamanière suivante 18 :

« Le somnambule ales yeux fermés et ne voit

pas par les yeux, iln'entend point par les oreil-les ; mais il voit et entend mieux que l'Hommeéveillé.

Il ne voit etn'entend que ceux avec lesquels il est en rapport. Il ne voit que ce qu'ilregarde, et il ne regarde ordinairement que les objets sur lesquels on dirigeson attention.

Il est soumisà la volonté de son magnétiseur pourtout ce qui ne peut lui nuire et pour tout ce qui ne contrarie point en lui lesidées de jus­tice et de vérité.

Il sent la volontéde son magnétiseur.

Il aperçoit lefluide magnétique.

Il voit ou plutôt ilsent l'intérieur de son corps, et celui des autres ; mais il n'y remarque ordi­nairementque les parties qui ne sont pas dans l'état naturel et qui troublentl'harmonie.

Il retrouve dans samémoire le souvenir des choses qu'il avait oubliées pendant la veille.

Il a des prévisionset des pressensations qui peuvent être erronées dans plusieurs circons­tances, et qui sont limitées dansleur étendue

Il s'énonce avec unefacilité surprenante.

Il n'est pointexempt de vanité.

Il se perfectionnede lui-même, pendant un certain temps, s'il est conduit avec sagesse.

Il s'égare s'il estmal dirigé.

Lorsqu'il rentredans l’état naturel il perd absolument le souvenir de toutes les sensations etde toutes les idées qu'il a eues, dans l'état du somnambulisme, tellement queces deux états sont aussi étrangers l'un à l'autre, que si le som­nambuleet l'homme éveillé étaient deuxêtres différents. »

Et dans une note ilajoute : « Les divers carac­tères que je viens d'assigner ausomnambulisme se trouvent rarement réunis dans un même sujet : le dernierseul est constant et distingue essen­tiellement le somnambulisme. »

Dans la séance VII,Faria décrit les principaux symptômes développés par les procédés exter­nes,qui sont : transpiration, palpitation du cœur, des éclats de rire ou des sanglots et despleurs surtout dans le sexe féminin, une clôture des yeux qui est difficileà régler à volonté, suffocation et provocation au vomissement,malaise, maux de tête et engourdissement.

Et dans la séanceVIII, il note l'extrême hyper-excitabilité cutano-musculairc pendant lesom­meil lucide : « L'extrême sensibilité des époptes dans le sommeil,dit-il, est si exquise que per­sonne ne les touche sans leur causer des crispa­tionset même des convulsions, s'ils ne sont pas prévenus du besoind'être en contact avec eux. Le concentrateur seul les touche impuné­mentsans les incommoder ; mais il lui arrive de leur causer de la surprise, parcequ'il n'est pas toujours présent à leur esprit. » (p. 188) Et un peuplus loin, il ajoute : « La gravité des sen­sations, que cause la surpriseà des impressions même légères, dépend plus souvent dugenre de leurs préventions que de la délicatesse de leur sensibilité exquise.S'ils se mettent dans l'esprit qu'on les blesse pendant qu'on ne fait que lestoucher légèrement, ou qu'on les tou­che légèrement pendant qu'onles blesse, ils éprouvent les sensations correspondantes aux préventions et nonaux impressions. » (p. 190)

4. — Nature.

Puységurconsidère le somnambulisme comme l'effet de l'électro-magnétisme,résultant de la faculté que le magnétiseur possède « d'accélérer lemouvement tonique des corps de nos sem­blables. 19 » Deleuze pensequ'il y a « une ligne de démarcation bien prononcée entre le som­meil et lesomnambulisme, entre les sensations des somnambules et les songes. 20»

Faria est le premierà émettre l'opinion que le sommeil lucide est, avec quelque réserve, dela même nature que le sommeil ordinaire : « Toutes les observationsdéposent jusqu'à l'évidence que le sommeil lucide et le sommeilnaturellement profond sont une même chose. » (p. 34) « Celui qui estprofond est ce que nous avons appelé le sommeil lucide. » (p. 35) Et plus loinil fait la réserve suivante : « Quoique le sommeil lucide soit aussi unemaladie (comme la catalepsie) néanmoins c'est une maladie qui entre dans lacatégorie de celles qui sont inséparables de la condition humaine. » (p. 82)L'opinionde Faria n'est pas partagée par l'Ecole de laSal-pêtrière, qui considère les phénomènes del'hypnotisme comme le résultat d'un état patho­logique, mais elle forme la basede l'Ecole de Nancy.

Faria admet diversdegrés du sommeil lucide : « Les nuances sont si nombreuses qu'elles nepourront jamais être assujetties à des don­nées générales etconstantes (p. 194) ; et « la lucidité est toujours proportionnée dans sonintensité à la profondeur du sommeil. » (p. 282) Dans le plus simple, ily a, après le commande­ment, une espèce de « voile épais » surl'esprit, « un grand appesantissement sur les paupières 21»et, dans le plus profond, complète amnésie au réveil.

Liébeaultconsidère l'hypnose comme un état physiologique de la même façonque Faria, et il le divise en sommeil léger et en sommeil pro­fond ousomnambulique, le premier ayant qua­tre et le second deux degrés.

Bernheim observe : «Pour beaucoup de méde­cins ce sommeil hypnotique constitue un état anormal,anti-physiologique, si ce n'est patho­logique ; et les phénomènes qui leconstituent sont analogues à ceux de l'hystérie ; l'hypno­tisme seraitune névrose provoquée. » Pour lui. « ce qu'on appelle hypnotisme n'est autrechose que la mise en activité d'une propriété normale au cerveau, la suggestion22 » et il classe l'hy­pnose en deux groupes principaux : sommeilavec souvenir conservé au réveil, et sommeil avec amnésie au réveil.

Déjerine, aussi,considère l'hypnotisme comme un état qui n'est pas pathologique : «Aujourd'hui on admet, d'une manière générale, avec Lié­beault etBernheim, que les phases dites du grand hypnotisme sont un produit artificielcréé par l'éducation ; qu'il n'existe pas un grand et un petit hypnotisme, quel'hypnotisme n'est pas un état pathologique, et que dans l'hypnose, tout estaffaire de suggestion (Forel, Moil, von Reterghem, Willesstrand, Delbeeuf,etc.). C'est là, du reste, une opinion que j'ai partagée. 23»

5. — Théorie

Mesmer, Puységur etDeleuze expliquent la théorie des phénomènes somnambuliques par lefluide magnétique. Par exemple : « La lumière frappe nos yeux, et lesnerfs dont la rétine est tapissée, en propageant jusqu'au cerveau l'é­branlementqu'ils ont reçu, y font naître la sen­sation de la clarté. Dans l'état desomnambulisme l'impression est communiquée au cerveau par le fluide magnétique.Ce que je dis de la vue peut s'appliquer à l'ouïe. 24 »

Faria est le premierqui formule une théorie psychologique pour expliquer les phénomènes dusommeil lucide, basée sur les principes géné­raux de la philosophie scolastique.Voici un résumé de ses idées développées dans les séan­ces IX, X et XI :

L'homme est composéde deux substances, l'une matérielle et l'autre spirituelle ; ladernière, ou l'âme dans son état libre jouit d'une intuitioncomplète, c'est-à-dire, « dévoile le présent, le passé et lefutur », elle connaît toutes les véri­tés ; mais quand elle s'unit avec lecorps, elle ne peut pas connaître les vérités, sinon par les sens du corps, etpartant sa connaissance est bien limitée. Quand une personne entre dans l'étatdu sommeil lucide, l'âme, pour ainsi dire, se dégage, à divers degrés,mais pas entièrement du corps, et jouit de l'intuition mixte ;c'est-à-dire, les idées peuvent être ou vraies ou faus­ses ; ellepeut dévoiler aussi, dans certains cas très rares, le passé et le futur,mais ses idées sont toujours sujettes aux erreurs. De la mêmemanière, l'âme, dans son état libre, jouit de la lucidité ou de lafaculté de raisonnement parfait, mais, chez l'homme, elle est aussi mixte ousujette aux erreurs. En un mot, le sommeil lucide place 1 homme dans un « étatintermédiaire entre l'homme sensitif et le pur esprit. » (p. 51)

Faria attachait unegrande importance à ces explications ; il considérait les hommes degénie comme Socrate et Swedenborg comme des cata­leptiques.

Inutile de dire, quela théorie de Faria n'est pas acceptable ; en effet, il n'y a jusqu'àprésent aucune théorie qui soit satisfaisante ; mais il était sur la bonnevoie, en cherchant à expli­quer la cause finale des phénomènes dusom­meil lucide dans le propre épopte, au lieu de la chercher ailleurs, commel'ont fait tous ses pré­décesseurs.

II. — FARIA ET LA SUGGESTION

Faria est le premierà étudier la suggestion 25 en hypnotisme d'une manièrevraiment originale. Pour donner une idée de ce qu'il a fait dans cette branchede science, j'adopterai comme base une classification moderne, et je citeraisur chaque titre ses opinions et ses expériences, autant que possible dans sespropres termes.

La base de sadoctrine est exprimée par lui en peu de mots : « Les époptes disposent àl'or­dre des concentrateurs de tous les organes externes ou internes au gré deleurs désirs, de sorte que ceux-ci les assujettissent à recevoir lesimpressions voulues, indépendamment de toute action sensible des objetsanalogues et à exciter dans l'âme les idées correspondantes. » (p. 60)« Dans la distraction profonde qui suit la con­centration occasionnelle, leconcentrateur seul reste présent au souvenir des époptes » (p. 191),c'est-à-dire, les somnambules deviennent « étran­gers non seulementà ce qui les entoure mais aussi quelquefois même à leurpropre existence. » (p. 189) Ils sont « sourds à toutes voixétrangères » (p. 157), « à moins que quelqu'un... par lacélébrité de son nom 26 et de ses actions dans la carrière dusommeil lucide n'ait frappé leur esprit d'une admiration du moins égaleà celle dont ils sont pénétrés pour leurs propres concentrateurs. » (p.192) Pendant le sommeil lucide (es somnambules développent « l'initia­tionmixte et la lucidité », ou comme nous dirions maintenant, l'exaltation des sensspé­ciaux et des facultés intellectuelles.

Les suggestions sontaujourd'hui classées : 1° selon leur but, en expérimentales ou scien­tifiqueset thérapeutiques ; 2° selon le temps de leur réalisation, en intra-hypnotiqueset en post-hypnotiques ; 3º selon les agents qui les provoquent, enexternes et en internes ou auto­suggestions ; 4° selon l'organe qui en est lesiège ou l'aboutissant, en ceux portant sur la motricité, lasensibilité, la psychicité, les actes, le dédoublement de la personnalité, etles appa­reils habituellement soustraits à la volonté, comme lacirculation, la digestion, etc.

Les suggestionspeuvent être ou positives ou négatives, c'est-à-dire, on peutsuggérer un mou­vement ou une paralysie, une sensation ou une anesthésie, uneidée ou une amnésie ; et à l'égard de l'objet suggéré, il y a deshallucina­tions ou perception des sensations sans aucun objet extérieur, et desillusions ou sensation ayant pour point de départ un objet.

Nous examinerons lessuggestions dans l'or­dre suivant: 1° Intra-hypnotiques, 2°post-hyp­notiques,3° à l'état de veille, 4° auto-suggestions 5° suggestions thérapeutiques, et conclurons cettepartie avec 6° quelques autres opinions et observations de Faria.

Les contemporains deFaria ne connaissaient pas les suggestions par la méthode de « la parole » ;ils se moquaient de lui quand il pré­tendait causer, dans ses somnambules, dessensa­tions et des mouvements de diverses espèces: de convertir l'eau envin, de paralyser et déparalyser un membre, de causer l'insensibilité pour per­mettredes opérations chirurgicales, et surtout de traiter ses malades sans fluidemagnétique et sans volonté externe. Ils le considéraient comme un visionnaire,un imposteur, un fou. « On exige, tyranniquement, s'écrie Faria, que tous ceuxqui parcourent la carrière du sommeil lucide s'y sou­mettent (àla théorie du magnétisme animal et de la volonté externe) sous peine de passerpour des jongleurs. » (p. 310)

1. — Suggestions intra-hypnotiques

Ce sont dessuggestions données et exécutées pendant le sommeil lucide. Nous verrons queFaria connaissait admirablement la production de ces suggestions sur « tous lesorganes inté­rieurs et extérieurs. »

a). Suggestionsmotrices et écholalie. — Faria par ses suggestions paralysait un « membrenommé. » (p. 62) Il paralysait et déparalysait, par sa parole, une jambe, unbras, les muscles des yeux, de la bouche, de la langue, etc. Lui et sescontemporains avaient observé ce qu'on nomme aujourd'hui l'écholalie oula voix d'é­cho. Dans cet état mental on peut faire au som­nambule, « répéterdes mots prononcés de lan­gues étrangères ; il répète tout avecune fidélité qui est souvent étonnante. Certains malades conservent aussil'intonation 27. » Voici ce que Faria observe à cet égard : «Les somnambules répondent dans la langue maternelle aux lan­guesétrangères et quelquefois même ils les parlent avec facilité. »(p. 71) Et « l'observai ion même démontre qu'aucun des époptes dévelop­pés,quelque lucides qu'ils aient pu être, n'a jamais fait ce que des époptesnaturels ont par­fois exécuté, comme de parler des langues étrangèresavec toute la facilité propre aux seuls indigènes. » (p. 34)

b) Suggestionssensitives : hallucinations et illusions sensorielles et générales. — Fariacau­sait des hallucinations et des illusions sensitives et sensorielles. «Ainsi, dit-il, sans la présence des objets propres les époptes voient,flairent, entendent, palpent, goûtent ce qui n'est que nommé...L'ouïe par exemple... écoute ce qui a été dit une fois ;... ils trouventla saveur détermi­née qui n'existe pas dans ce qu'on leur pré­sente... ilspalpent les corps qui ne sont pas devant eux... ils voient et flairentquoiqu'ils n'aient pas les objets devant eux. Il ne faut pas croire que tousces effets ne soient qu'illusoi­res : ils sont si réels qu'ils répondentdans leurs corps à tous ceux quiappartiennent à leur causes naturelles. Ainsi un verre d'eau ava­lée dans l'idéed'eau-de-vie, enivre complète­ment. » (p 6o)

« Il demandaità ses somnambules, pendant leur sommeil, s'ils voulaient prendre quelquerafraîchissement ou bien quelque médicament, et il leur donnait ensuite unverre d'eau, auxquels ils trouvaient la saveur de la substance qu'ils avalentcru prendre. Il leur offrait du tabac, et leur faisait respirer une substanceinodore qui produisait sur eux le même effet que si elle eût été dutabac à priser. J'ai vu une somnambule qui, croyant respirer une odeurforte comme celle de l'ammoniaque, ne pou­vait supporter pendant quelquessecondes l'ap­proche d'un flacon vide qu'on lui mettait au-dessous des narines.D'autres éprouvaient des sensations de froid, de chaud, enfin de touteespèce. 28 »

Un exemple desuggestion qui, à la première vue paraît incroyable : « M. B...,officier d'état-major employé à Paris, était, a dit Noizet, fort bonsomnambule ; je le vis chez l'abbé Faria. On lui présenta un jour un mouchoirpendant qu'il était éveillé. Il le prit, l'examina, et le ren­dit sans rienéprouver de particulier. L'abbé Faria l'endormit aussitôt après, etdès qu'il fut plongé dans un sommeil profond on le vit éprouver deviolentes convulsions. Interrogé sur la cause de cet état, il répondit qu'ilprove­nait du mouchoir qu'on lui avait fait toucher, et qui appartenaità un enfant affecté d'une mala­die de consomption, ce qui était vrai.L'abbé Faria eut beaucoup de peine à le calmer, et il n'y parvint qu'enl'assurant qu'on avait éloigné de lui le mouchoir. 29 »L'explication de cette expérience est simple. L'officier savait, soit par leformat, soit par une autre circonstance quel­conque, que le mouchoirappartenait à un entant. Le moyen qui lui a fait découvrir, que le mou­choirappartenait à un malade consomptif, fut probablement l'odeur de cemouchoir. On sait que les diverses exsudations du corps ont une odeurdistinctive, et l'odeur, que l'officier attri­buait dans son état de veilleà la consomption lui devenait perceptible seulement, quand il était dansl'état de somnambulisme, à cause de l'exal­tation de son sens d'odorat.Ou encore, il est possible, qu'il ait fait la découverte par la vue d'uncrachat sur le mouchoir, qui lui avait échappé dans son état de veille. (Cf. p.358)

De toutes cesexpériences de suggestions motrices et de sensibilité, il est facile de voir,que Faria avait pleine connaissance des sugges­tions positives et dessuggestions négatives.

c). Suggestionspsychiques et (d) d'Actes. — Les suggestionspsychiques sont celles qui por­tent seulement sur une idée ou sur la mémoire.Elles peuvent être simples ou se terminer dans un acte ou dans unesuccession d'actes. On peut suggérer les idées par la vue ou par les autressens. Faria dit : « Quand les époptes sont diri­gés par une indication externe,digne de leur confiance, ils conforment leurs opérations intel­lectuelles etleurs actions corporelles à l'exacte précision du commandement. » (p.191) Il « de­mandait, par exemple,à un somnambule s'il désirait voir quelque personne absente à la­quelleil fût attaché. Lorsque cette personne était désignée, il ordonnait ausomnambule de la voir, et aussitôt elle lui apparaissait. Il lui commandaitensuite de fixer dans sa mémoire l'image de cette personne et de continuerà la voir, même après le réveil, jusqu'à ce que parun signe, il détruisit l'illusion. Il le réveillait, et l'image restaitprésente jusqu'à ce qu'il fît le signe convenu. Je me souviens d'avoirvu faire cette expérience sur un officier russe, qui voulut voir sa femmerestée dans son pays. L'illusion donna lieu au spectacle le plus attendrissant.Cet officier versait des larmes amères en croyant voir l'objet de satendresse se refuser à ses embrassements ; mais bientôt sedissipèrent et les charmes et les regrets. 30 »

Dans cetteexpérience il y a une suggestion psychique de l'idée et de la mémoire de safemme, suivie d'acte. L'acte peut être, selon la suggestion,intra-hypnotique ou post-hypnoti­que.

e). Dedoublement dela personnalité ou modi­fications suggérées de la personnalité. — Dans cette suggestion, l'individu change psycholo­giquement, et devientun autre individu. Ce dédoublement peut être spontané. Faria con­naissaittrès bien cet état : « Le sommeil lucide, dit-il, se développeordinairement les yeux fer­més, mais il est des personnes qui dorment les yeuxouverts... Les yeux ouverts, chez eux, sont toujours immobiles... Toutefois ily en a qui les ouvrent et voient ce qui se passe devant eux, mais sans engarder la mémoire à leur réveil. Leur nombre est si petit qu'ils peuventêtre regardés comme une merveille dans cette espèce dephénomènes. »

« Il y en a aussidans cette catégorie qui, sans être cataleptiques, dorment pendant desannées entières en remplissant toutes les fonctions qui conviennentà leur âge, à leur état et à leur sexe, au point qu'on ade la peine à croire qu'ils ne sont pas dans leur état parfait desensation. Etant éveillés au commandement, ils décèlent un étatd'imbécillité, ne connaissent rien de ce qui les entoure et rapportent toutà l'époque qui a précédé leur sommeil. Dans les réveils intermé­diairesils ne se remettent que ce qu'ils avaient vu dans le temps de leur étathabituel de veille. » (p. 174)

Les contemporains deFaria, comme Deleuze, avaient aussi observé le dédoublement de la per­sonnalité,mais ils n'avaient remarqué ni sa longue durée, ni l'influence de la suggestionverbale ou commandement pour faire cesser le dédoublement.

f). Suggestionsdans les appareils habituelle­ment soustraits à la volonté. — «Aussi, dit Faria, tout épopte jouit..., de la faculté de maî­triser lemouvement nécessaire du corps » à « la volonté du concentrateur. » (pp.44, 43) Par le mouvement nécessaire du corps, il entend la palpitation ducœur, la circulation du sang, la pulsation des artères larespiration et la diges­tion. H admet qu'il y a des personnes « qui exercentpar une disposition naturelle une por­tion de cette autorité sur quelquesbranches du mouvement nécessaire. » (p. 63) Ces deux citations démontrent queFaria savait qu'on peut dominer les appareils habituellement soustraitsà la volonté, soit par suggestions externes, soit par auto-suggestions.

2. — Suggestions post-hypnotiques

Ces suggestions sontdonnées pendant le som­meil mais exécutées, ou tout de suite après leréveil, ou après un intervalle plus ou moins long. Faria donnait dessuggestions de ces deux espèces. Toutes les suggestions post-hypnotiquespeuvent porter, comme dans le paragraphe précédent, sur la motricité,sensibilité, psychicité, etc. « Toutes les fois, dit Faria, qu'on grave lamémoire des époptes de ce qui se passe dans le sommeil, ils le rapportentgénéralement à leur réveil, comme un songe qui leur a représenté unescène. » (p. 176) « Ils gardent la mémoire de tout ce qu'on désiredès qu'on leur enjoint dans le sommeil d'y replier leur attention pour s'enrappeler au réveil. Cette expérience n'a pas lieu ordinaire­ment sur lesnouveaux époptes... Toutefois il y en a qui replient leur attention sur cequ'on leur recommande ; et tous sont également aptes à la replier spontanémentlorsqu'une impulsion interne les y pousse. » (p. 179)

« Voici comment ons'y prend pour provo­quer cet effet. On engage l'épopte endormi à voirau loin une personne qui lui est connue, ou qu'il puisse connaître parun tactile; on le force ensuite à la voir dans une glace du lieu ou surl'un des spectateurs du même sexe, placé devant lui ; on lui recommandeou en pressant légèrement le siège de la mémoire 31,ou sim­plement sans aucun attouchement, de replier son attention sur l'objet enquestion, pour l'avoir devant ses yeux à son réveil, comme il l'a devantson intuition pendant son sommeil, et on le rappelle ainsi à l'état deveille. Tant que l'épopte, en ouvrant les yeux, ne détourne

pas son attention etsa vue, il voit la scène de a même manière que dans sonsommeil, et aussi longtemps qu'il veut s'y fixer. » (p. 255)

Et un peu plus loin,il ajoute: « Cependant il est des époptes qui, en raison de leurs disposi­tionséminentes et de la conviction intense qui en résulte, voient à leurréveil ce qu'ils ont vu dans leur intuition, non seulement sur tout objetquelconque de quelque matière qu'il soit, mais même sur parole,sans la présence d'aucun objet effectif. Ainsi si c'est une femme qu'ilsont vue dans leur sommeil, ils la voient de même à leur réveil surla présentation d'un homme, et même sans aucun objet qui tombe sous lessens. Etant engagés dans cet état de sensations à en parcourir lesdétails, ils y démêlent le sexe du modèle, ses traits, sa coiffureet son habille­ment, et ne s'aperçoivent de leur bévue que lorsque par un gestede la main sur les yeux, on semble les rappeler à l'exercice de leursvisions naturelles. » (p. 257)

Les épopteséprouvent « au commandement du concentrateur les effets analogues sur tous les organes externes, sans en excepter un seul. » (p. 258)

Nous avons, dans cesexpériences, des exem­ples d'illusions et d'hallucinations.

Voici ce que Fariadit sur les suggestions à longue échéance : « Toutes les fois qu'unépopte dort au commandement, il ne dort pas parce qu'il le veut, mais prévenuqu'il ne dort que par la force et l'influence du motif. Aussi il doit, loindu concentrateur, dormir à l'heure dite et au signe donné, comme detoucher à un de ses doigts, de regarder une bague, de penser àson directeur. » (p. 43)

Dans cetteexpérience, le somnambule reçoit la suggestion pendant le sommeil, il l'oublieen se réveillant, mais il l'exécute à un moment donné, comme provenantde sa propre volonté.

Les suggestionspost-hypnotiques peuvent dépendre aussi d'auto-suggestion : « Il y avait aussi,dit Faria, ceux qui, sans aucun concours étranger, s'endormaient ets'éveillaient à leur gré, ayant la précaution d'annoncer dans le sommeilprécédent le moment précis du som­meil suivant, et qui y donnaient des consulta­tionssur leurs maladies propres. » (p. 312)

3. — Suggestions dans l'état de veille

Tous les effets dessuggestions, observe Faria, « se développent non seulement pendant le sommeillucide, mais aussi dans l'état de veille des époptes, lorsqu'ils ont été dumoins une fois endormis occasionnellement. » (p. 62) « Cepen­dant il y en a quiexercent aussi ces facultés, sans avoir jamais dormi, et sans pouvoirmême le faire. Cet exercice hors du sommeil n'est pas néanmoins aussicomplet que dans le sommeil, soit en ce qui concerne l'intuition, soit en cequi concerne l'empire sur les mouvements du corps. » (p. 44)

Faria faisait surplusieurs personnes et sur les somnambules, lorsqu'ils étaient éveillés,différen­tes expériences de la nature décrite dans les sections précédentes : «A son seul commande­ment, dit Noizet32, il leur paralysait soit unbras, soit une jambe, soit les yeux, la bouche ou les oreilles. Cetteexpérience ne manquait jamais sur les bons somnambules ». Noizet se soumitlui-même à ses expériences, et il dit : « Faria me faisaità volonté ressentir sur les paupières un appesantissement que jene pouvais surmon­ter... On n'a jamais pu obtenir sur moi que la paralysie despaupières. »

4. — Auto-suggestions

Il faut surtoutnoter l'opinion de Faria sur la concentration dans l'état de veille, ouauto-sug­gestion, qui est tant en vogue aujourd'hui parmi ceux qui prétendentguérir tous les malades par la Science chrétienne.

Faria demande : «N'est-ce pas un paradoxe que de dire qu'on influe sur ses propres actions, etqu'on ignore sa propre influence ? Non, c'est une vérité en acte, mais peuremarquée par les physiologistes et par les philosophes. » (p. 45)

Ces suggestionspeuvent être ordonnées pen­dant le sommeil et exécutées après uninter­valle de temps, comme provenant de la propre volonté de l’épopte, ouelles peuvent être spon­tanées. Nous avons déjà cité un exemple dela première espèce sous le sous-titre « suggestions psychiques etd'actes », et on en trouvera un de autre espèce dans le paragrapheconsacré aux suggestions thérapeutiques.

L'auto-suggestionest la base de ce qu'on nomme le fakirisme, et aussi de plusieurs phé­nomènesconsidérés par la foule comme mira­culeux.

5. — Suggestions thérapeutiques

La suggestion pourla guérison des malades a été employée dans les temps les plus primitifs. Lebaquet de Mesmer et le vieil orme de Puységur guérissaient, nul doute, quelquesmalades aussi par suggestion. On peut réduire le précepte des contemporains deFaria, pour le traitement de de leurs malades, à celui-ci : « Touchezattenti­vement les malades avec la volontéde leur faire du bien, et que cettevolonté ne soit dis­traite par aucune autre idée. 33 »

Il était réservéà l'abbé Faria de donner la véritable explication de la suggestion, etde la pratiquer, pour ainsi dire, scientifiquement. Il dit : « A la seuleparole », sans aucun fluide magnétique, sans aucune volonté externe, sansaucune influence divine ou maligne, « on peut rendre malades des époptes bienportants, et rendre bien portants les époptes malades. » (p. 211)

Les suggestionsthérapeutiques ne diffèrent des quatre groupes précédents que par leurbut. Nous avons, partant, des suggestions thérapeutiques intra etpost-hypnotiques, des suggestions théra­peutiques à l'état de veille, etdes auto-sugges­tions thérapeutiques. Il y a des suggestions théra­peutiquespositives ou négatives, c'est-à-dire, on peut causer ou arrêterune évacuation; et des hal­lucinations et illusions thérapeutiques,c'est-à-dire, que l'on peut donner une poudre indiffé­rente et suggérerque c'est du calomel, ou on peut faire des suggestions simples sans aucun médi­cament.

a). Suggestionsthérapeutiques intra-hypnoti­ques.— «Ainsi, dit Faria, un verre d'eauavalé... dans l'idée d'un purgatif évacue autant qu'exige la nature ; dans1'idée d'un émétique, il provoque des vomissements sans effort et sanssouffrance. De même de l'eau présentée aux narines comme une odeurdissolutive d'un dépôt dans la tête produit l'effet annoncé. Il en fautdire autant des autres sens en ce qui les concerne. Il en résulte, qu'unepoudre indifférente étant admi­nistrée comme un curatif des places internes, oucomme un vermifuge, atteint son but d'une manière aussi promptequ'efficace ; et voilà ce qui concerne l’empire des époptes sur leursorganes internes, d'après l'enonciation de leurs concentrateurs.D'après cela, il n'est plus besoin d'accéder qu'aux ordres de cesderniers, les premiers se paralysent dans le membre nommé, éprouvent lesdouleurs annoncées, et se soula­gent sur le champ même de leurssouffrances chroniques. Ce dernier effet ne peut être com­plet dans saguérison radicale qu'avec la répéti­tion des actes successifs. 34 »(p. 62)

b). suggestionsthérapeutiques post-hypnoti­ques. — « Lorsqu'on recommande aux époptes dansle sommeil de découvrir ce qu'ils ne voient pas dans leur état de veille, onles trouve ponctuels dans le sommeil suivant à remplir exactement latâche imposée, en ajoutant que, sans s'en douter nullement, ils s'en sont occu­pésaprès leur réveil. Ils éprouvent de même dans leur état de veille,à point nommé, l'effet déterminé pendant leur sommeil, comme l'éva­cuationmenstruelle, les vomissements, les sel­les et autres semblables. » (p. 211)

c). Suggestionsthérapeutiques à l'état de veille. — Pour obtenir un résultatfavorable dans une maladie « les époptes, aptes au som­meil, ont besoin d'être instruits d'avance de ce qu'ils doivent éprouver pour l'amélioration de leur étatde malade et pour le rétablisse­ment de leur santé. La promptitude aveclaquelle les malades aptes au sommeil lucide éprou­vent ces effets salutaireset les autres qui sont détaillés dans la suite, exige toujours uneconcentration dans l'état de veille. (p. 42) Et tous les effets favorables « sedéveloppent non seulement pendant le sommeil lucide mais même aussi dansl'état de veille des époptes, lorsqu'ils ont été au moins une fois endormisoccasionnellement. » (p. 62)

d). Autosuggestionsthérapeutiques. — « J'ai vu, dit le général Noizet35, chezl'abbé Faria, plusieurs malades s'ordonner des traitements, les suivre etguérir. L'un deux, M. B..., capi­taine de cavalerie, avait été condamné par plu­sieursmédecins qui le disaient attaqué d'un ulcère au poumon. Je l'ai vu fortmalade. Il sui­vit un traitement qu'il s'était lui-même ordonné, et enmoins de trois semaines il fut bien portant. » Les médicaments . ordonnés parles malades étaient probablement bien inoffensifs, mais le résultat favorable,en quelques cas, était, dû, nul doute, à l'auto-suggestion. Lemalade, dans ce cas, est son propre hypnotiseur.

Anesthésiehypnotique chirurgicale. — Faria connaissaitparfaitement la valeur de l'hypnotisme dans les opérations chirurgicales.Quelques époptes, dit-il, « sont inaccessibles aux plus légères sensations dans de gravesincisions, blessures et amputations. Mais ces effets deviennent généraux etcommuns à tous les époptes dès qu'on prend la précaution deparalyser le membre ou la partie du corps qui doit être assujettieà une opération pénible et douloureuse. Cette mesure les rend toutà fait insensibles, et les éloigne même parfois à leur réveilde l'idée de l'opération subie. 36 » (p. 190)

Observationsgénérales sur les suggestions thérapeutiques. —Faria n'avait pas l'idée que le sommeil lucide était une panacée pour tous lesmaux ; au contraire, « ce genre de traiter les malades, dit-il, est souventavantageux, quel­quefois nul, et parfois extrêmement dangereux etfuneste. » (p. 124) « Si l'on consulte l'expé­rience on doit s'apercevoirqu'étant considérée sous son juste point de vue, l'action de concen­tration asouvent fait du bien et du mal aux personnes aptes, et quelquefois rienà celles qui n'avaient point les dispositions requises. L'usage del'action de concentrateur ne peut être fait que sur certaines maladiesprécises, et par les personnes qui en connaissent la na­ture... Et l'expériencejournalière prouve assez que les mêmes maladies ne cèdentpas toujours aux mêmes moyens curatifs. (p. 276)

« Le bien-êtreprovenant de la concentration des malades aptes au sommeil lucide estextrê­mement prompt et décisif. Souvent il est sensi­ble, avantvingt-quatre heures, et môme au bout de deux heures et d'une heure. Ces effetsont besoin de leur être annoncés d'avance, sous peine d'êtreréduits à ne se développer qu'a­vec lenteur, et dans une progressiongraduelle. » (p. 41)

Pour montrer commentla suggestion opère même dans le traitement avec médicaments.Faria observe : « Souvent même des simples indifférents, mais pris avecconfiance, produi­sent des effets plus salutaires que les simples reconnus pourêtre les plus efficaces. C'est que la conviction intime, qui enfante laplus haute confiance, règle plus les sucs internes.... que tous lesmoyens pharmaceutiques. Voilà l'empire de la nature individuelle,lorsque la machine a des dispositions requises à lui obéir sans résistance.» (p. 276) Et, pour être traité par suggestion, il n'y a aucune nécessitéde mé­dicaments : « Nous avons déjà annoncé, dit Faria, que nul épopte,de quelque grave maladie qu'il soit atteint, n'a besoin de médicaments nid'ordonnances, qu'il se prescrit et qu'il a dans son sommeil seul, oumême dans ses seules dispositions au sommeil, tout ce qui estnéces­saire à son propre rétablissement. » (p. 274)

Après toutesces observations sur les sugges­tions thérapeutiques, il est évident que, dansle traitement médical et dans l'anesthesie hypno­tique chirurgicale parsuggestion, il n'y a aucune autre méthode que celle établie par l'abbé Faria,et c'est la seule employée aujourd'hui dans la clinique médicale.

6.— Quelques autres opinions et observationstrouvées dans l'ouvrage de Faria

Je veux donner iciquelques opinions et observations de Faria que je n'ai pu consigner dans lessections précédentes. Il ne faut pas ima­giner que toutes ces opinions soientnées avec Faria ; il est le premier à dire, que les phénomè­nesdu sommeil lucide sont « aussi anciens que le berceau de l'homme, si bienqu'ils sont remarqués en Europe par l'observateur philoso­phe seulement depuispeu d'années. » Mais ce qui est certain, c'est qu'il a expliqué tous cesphénomènes d'une manière tout à fait différente de cellede ses contemporains.

1° Faria avait faitdes expériences de sommeil lucide sur plus de cinq mille personnes, (p. 27) Ilcroyait qu'on pouvait hypnotiser, en France, une sur cinq ou six personnes (p.142) ; et qu'il était beaucoup plus facile de produire le sommeil lucide chezceux qui avaient été endormis déjà au moins une fois. Pour lui, leconsentement du sujet était nécessaire.

2° Commeconséquence naturelle de sa théo­rie, il insiste sur la valeur desphénomènes du sommeil lucide dans les études psychologiques : « Jeconviens, dit-il, que ce que la philosophie a fait est beaucoup plus qu'on nedevait en espérer... mais elle peut faire encore davantage à 1 aide del'état d'abstraction des sens. » (p. 106)

3° Comme le sommeillucide est, selon Faria, de la môme nature que le sommeil naturel, on peutdonner dans celui-ci, en quelques cas, des suggestions analogues et « graverdans la mé­moire » quelques nouvelles idées, (p. 175)

4° Il connaissaitles dangers du sommeil lucide indiscriminé. Il observe : « Dire que le magné­tismene peut que procurer du bien-être est un aphorisme imprudent, et qu'avecles meilleures intentions on se rend parfois coupable de suites funestes. » (p.124)

5° Sa description dumassage (p. 133) est bien intéressante ; et ses idées sur les acces­soires dusommeil lucide (pp. 70, 71) ont quel­que ressemblance avec le spiritisme, etavec ce que l'on nomme le bouddhisme ésotérique.

6° Une de ses idéesprincipales et constantes était de maintenir ses somnambules dans un état decalme, contrairement à ce que pratiquaient Mesmer et quelques-uns de sesdisciples. « La crise, selon Faria, n'est qu'un état contraire au coursordinaire de la nature ». (p. 82)

7° « Les époptes,observe-t-il, ne sont étonnants devant la raison humaine que par leurs con­naissancesprofondes sur toute espèce de sujets, sans les avoir jamais puisées dansl'étude et dans la méditation. Ils maîtrisent tous leurs mouvements nécessaires: ils atteignent les objets a toute distance de temps et de lieux, etcon-séquemment à travers tous les obstacles : ils lisent sans le secoursdes yeux, tout livre même fermé : ils dévoilent la pensée même,lorsqu'elle est constante ; ils provoquent mille autres effets sensibles etréels. » (p. 287) Mais «espérer trou­ver dans les annonces une certitude sansmélange d'erreurs, c'est se bercer d'une attente vaine qui ne se réalisejamais. » (p. 261) La doctrine de clairvoyance manque de démonstrationscientifique, mais énoncée, comme Faria l'a fait, elle n'est pas impossible,chez les sujets conve­nables et aptes, et avec certaines restrictionsévidentes.

8° Faria exprime,sous diverses formes, des idées comme les suivantes : « L'homme est constituéd'une manière si particulière qu'il a la faculté, dans certainedisposition de sang, de savourer sans que ce soit par le palais, d'enten­dresans que ce soit par l'ouïe, de flairer sans que ce soit par les narines,de voir sans que ce soit par les yeux, et de palper sans que ce soit par letact. » Et que ces phénomènes dépen­dent de « sens internes. » (p. 359)Si par les « sens internes » on désigne « les centres ner­veux visuel, auditif,etc. », on comprend ce que Faria veut dire.

Finalement, il nefaut pas oublier, en lisant le volume de Faria, qu'il n'a pas pu approfondir

plusieurs desquestions présentées par lui seu-ement en thèse ; et qu une doctrinescientifi­que ne sort jamais complète d'un seul cerveau. Tout ce qu'unvrai savant peut faire, c'est en éta­blir les bases.

III. — OPINIONS DESAUTEURS MODERNES SUR LA DOCTRINE DE FARIA. — RéSUMé ET OBSERVATIONS FINALES

Nous voulonsterminer ces notes par quel­ques citations des auteurs les plus autorisés, surla doctrine de l'abbé Faria. Nous com­mencerons par l'année 1882, rendue mémora­blepar la note de Charcot 37 soumise à l'Aca­démie des sciences.C'est depuis cette année que l'Académie de médecine a ouvert ses por­tes, quiétaient fermées depuis 1840, à l'étude de l'hypnotisme, et que laFaculté de médecine a autorisé M. Bérillon à professer un cours sur lesapplications thérapeutiques de l'hypnotisme.

Les citations sontfaites dans Tordre chrono­logique des ouvrages de chaque auteur, et on verracomment graduellement elles deviennent de plus en plus favorables à ladoctrine de Faria.

Brown-Séquard, l'éminent physiologiste et médecin, dit 38:

« Avant Braid, deuxobservateurs distingués, l'abbé Faria et A. Bertrand avaient en partie trouvél'influence qu'exercent sur eux-mêmes les individus hypnotisés et ilsavaient attribué cette influence à leur imagination1. MaisBraid a été beaucoup plus loin en montrant d'une part que l'imaginationproprement dite n'a guère de rôle dans les phénomènes hypnotiqueset d'une autre part que tort ce qui se produit dans l'hypnotisme dépendd'actions de l’individu sur lui-même et non d'une force extérieureautre que les forces physiques connues. »

1. Faria a consacréla séanse XII pour démontrerl'incompa­tibilité de l'imagination avec l'intuition d'époptes. La doc­trineque Brown-Séquard attribue à Braid est, comme nous l'avons démontré, exactementet entièrement celle de Faria. La théorie de A. Bertrand est toutà fait différente. Après avoir exposé ses idées, cet auteurarrive aux conclusions suivantes :

1º Que l'hommeest susceptible de tomber dans un état particulier, tout à fait distinctde tous ceux qui ont été reconnus jusqu'ici en lui ; d'un état unique quantà sa nature, bien qu'il soit susceptible de se présenter sous les formesles plus diverses ; -

a' Que cet état, queje désigne sous le nom générique d'extase, est celui qui s'observaitchez les possédés des siè­cles précédents, et chez les inspirés «lesdifférentes sectes religieuses ;

3º Que cet étatn'est pas une maladie proprement dite, quoique certaines maladies, comme lesaffections convulsi­ves, y prédisposent éminemment, et qu'il ne survient jamaisque dans des circonstances déterminées ;

4º Que la pluspuissante de ces circonstances est une exal­tation morale portée à unhaut degré ;

5º Que l'étatd'extase n'a point cessé de se manifester avec les siècles d'ignorance,qu'il s'est prolongé dans tous la cours du XVIII siècle, et qu'il necesse de se reproduire jour -nettement sous nos yeux, dans les traitements desmagnéti­seurs, ou il se maintient ignoré ou méconnu de nos savants» depuisquarante ans. « Du Magnétisme animal en France » par Alexandre Bertrand, Paris, 1826, p. 474

Liébeault (le docteur A.), un des principaux fondateursde l'Ecole de Nancy, observe : « Les manifestations des états hypnotiques sepré­sentent sous deux aspects : elles sont d'or­dre psychique ; lespremières sont plus élémen­taires, les secondes à peineentrevues, plus relevées. Et ces deux manières d'être du magné­tismeM. le Dr Durand (de Gros) les a désignées les unes sous le nom deBraidisme (il serait mieux de dire Fariisme) et les autres sous celui deMesmérisme, et cela à l'instar de l'électricité statique, et del'électricité dynamique.39 »

Gilles de la Tourette (le docteur), chef declinique de» maladies du système nerveux à la Faculté de Paris,auteur d'un ouvrage classique sur l'hypnotisme, couronné par l'Institut et parla Faculté de médecine, est un de ceux qui ont le mieux rendu justice àla doctrine de Fana. Voici quelques passages :

L'électro-magnétisme de Puységur, dit-il 40, « régnait àcette époque (1819) en souverain. Cette théorie avait toutefois quelques adver­sairesdans les spiritualistes. Un éclair for­midable allait éclater dans ceciel pur, au moment même où le magnétisme, délaissé pen­dant laRévolution et pendant l'Empire, reve­nait à flot avec les Bourbons. »

« Ce fut l'abbéFaria, prêtre portugais, brah­mine, comme il s'intitule lui-même,qui, venu directement des Indes, allait causer toute cette révolution. L'arbre de Buzancy l'avait désillusionné;le fluide magnétique n'existait pas, tout était dans l'imagination et nonpas dans l'ima­gination du magnétiseur qui ne disposait d'au­cune vertu, maisbien dans celle du sujet à magnétiser. »

Ensuite l'auteurcite la théorie de Faria sur la liquidité du sang, et ajoute : « Farian'avait peut-être pas tout à fait tort ; car nous verrons queparmi les femmes, et ce sont elles surtout qui sont le plus facilementhypnotisables, les plus sensibles présentent parfois un degré d'anémie assezmarqué. Toutefois, il est impossible de généraliser cette doctrine, et surtoutde la prendre au pied de la lettre. »

Après avoirdécrit les procédés de Faria pour produire le somnambulisme, il les commente dela manière suivante : « Qu'on nous permette d'insis­ter sur toutl'intérêt que présente cet exposé ; il contient, plus qu'en germe, toutela théorie de Braid et toute celle de la suggestion, qui en est un corollaire.» Quant aux phénomènes observés par Faria chez les époptes « l'oubli auréveil est surtout expressément noté. »

« Faria est unexcellent observateur, partisan de l'identité du somnambulisme et du sommeilnaturel, il s'est attaché à étudier les cas du sommeil prolongé et, lepremier, il a décrit en quelques lignes, l'intéressant état étudié par M. Azamet dans lequel il existe toujours un dédoublement de la personnalité... Deleuzeavait bien observé dans deux cas que ce dédou­blement de la personnalitépouvait exister chez les somnambules ; mais il n'avait pas vu la longue duréedu phénomène décrit par Faria. »

L'abbé Faria acquitimmédiatement une renom­mée considérable.   Mais son triomphe ne dura paslongtemps. « Faria, comme Mesmer, dont il avait tant attaqué les doctrines, dutse retirer sous les quolibets qui l'accueillirent de toutes parts. Maisà l'inverse de ce dernier, l'avenir lui réservait une revancheéclatante. »

Pitres (le docteur S.), professeur et doyen de laFaculté de médecine de Bordeaux, après avoir donné une description desméthodes de Faria, dit : « Il devait publier un ouvrage en qua­tre volumes,dont un seul a paru, et cela est très fâcheux, car, malgré ses alluresmystiques il a fort bien présenté quelques-uns des symp­tômes du somnambulismeprovoqué. C'est lui, en particulier, qui a le premier décrit les phé­nomènesd'hallucination sensorielle qui se pro­duisent si facilement chez lessomnambules, et réalisé l'expérience, aujourd'hui vulgaire, qui consisteà faire éprouver par suggestion, aux personnes endormies toutes lessensations pos­sibles. 41 »

Crocq (le docteur), agrégé à la Faculté demédecine de Bruxelles et chef du service des maladies nerveuses à l'hôpitalde Molenbeck (Bruxelles), observe : « C'est en 1 815, que com­mence l'ère de l'hypnotisme tel qu'on leconçoit aujourd'hui; son fondateur fut l'abbé Fana, prêtre portugais,dont les théories différent tota­lement de celles de Mesmer. »

Après avoir décritla méthode d'hypnotiser de Faria, il continue : « Faria édifiait ainsi la basede la doctrine de l'Ecole de Nancy; ses adeptes étaient nombreux, mais lesavant prêtre n'était pas assez charlatan pour résister à lacritique et aux moqueries des incrédules. »

Et., aprèsavoir fait une courte histoire de l'hypnotisme, il conclut (p. 10) : « Enrésumé l'histoire scientifique de l'hypnotisme se divise en deux périodes biendistinctes : l'ère du magnétisme animal et l'ère de l'hypnotisme: la première débute avec Paracelse, en 1529, et se termine en 1815grâce à l'abbé Faria; la seconde débute avec l'abbé Faria et ne semblepas devoir se terminer si tôt. 42 »

(le docteur G.),professeur-agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier, dans uneintéressante conférence 43 faite à l'Hôpital géné­ral, dit :

« Faria n'est pas uncharlatan. Il proclame qu'il n'a pas de propriété fluidique, qu'il n'exerceaucune influence personnelle. Il proclame que le sujet fait son hypnotismeà lui-même, qu'il n'y a rien dans le sommeil prétendu magnétiquequi relève du surnaturel, du malin ou du divin. »

« Sans passes, sansgestes, il conseille le recueillement et le calme, il s'efforce d'isoler lesujet du monde extérieur, il éteint progressi­vement toute la sensibilité.Resté en unique communication avec l'hypnotiseur, le patient ne doit avoirqu'une pensée, qu'un désir, qu'un but : se laisser aller au sommeil. Alors,l’abbé dit, d'une voix forte : « Dormez ! » et après quelquessecousses, le sujet s'endort. »

« Nous ne faisons pasdavantage, ni mieux. »

« Le premier, dureste, Faria donne des sug­gestions : il les donne pendant le sommeil naturel,normal, et pendant le sommeil provo­qué. Le premier, par la suggestion, il faitl'ex­périence, depuis répétée sur tous les tréteaux par les magnétiseurs deprofession, de l'halluci­nation gustative. et, sous son ordre, le sujet trouveun goût exquis à un breuvage insipide, prend de l'eau pour dulait, l'âcre piquette pour un vin généreux et franc. »

Et plus loin, leprofesseur affirme : « Dans nos cliniques, dans nos hôpitaux, dans la pra­tique,c'est la méthode suggestive, celle de l’abbé Faria, qui est seule employée. »

Bernheim (ledocteur), professeur à la Faculté de médecine de Nancy et l'auteur leplus auto­risé de l'Ecole de Nancy, se réfère plusieurs J'ois àFaria dans ses diverses publications, commencées depuis 1884. Nous citerons iciseulement quelques passages de son dernier et plus important ouvrage :

« L'abbé Faria,dit-il 44 dégagea le premier, en 1889, ce phénomène (du somnambulisme)des langes de la magie et de la chimère qui en obscurcissaient lanature. »

« C'est, en réalité,lui qui le premier donna la conception nette et vraie des phénomènes del'hypnotisme, qu'il appelait sommeil lucide. La cause de ce sommeil est, selonlui, dans la volonté du sujet. »

« A Faria appartientincontestablement le mérite d'avoir le premier établi la doctrine et la méthodede l'hypnose par suggestion et de l'avoir nettement dégagée des pratiques singu­lièreset inutiles qui cachaient la vérité. Cependant l'abbé Faria ne fit pas école ;la vérité nue et simple ne pouvait s'imposer. De nos jours encore, on l'abafoué du nom d'im­posteur. »

« Le sujet s'endort(ou est hypnotisé) lorsqu'il sait qu'il doit dormir, lorsqu'il a une sensationqui l’invite au sommeil. C'est sa propre foi, son impressionnabilité psychiquequi l'endort. Cette vérité a été nettement établie par l'abbé Faria et surtoutpar le Dr Liébeault. »

« Pour Liébeault,comme pour Faria, la sug­gestion, c'est-à-dire l'idée introduite dans lecer­veau, est, on le voit, la clef de l'hypnose».

Résumé et observations finales. — Il est évi­dent,d'après tout cet exposé, que Faria est le premier :

A nier l'existencedu fluide magnétique ;

A attribuer lesphénomènes du somnambu­lisme à la condition anémique et àl'impression­nabilitê psychique du sujet hypnotisé ;

A découvrir leprocédé suggestif ou psychique pour provoquer le somnambulisme ;

A pratiquer lemême procédé suggestif pour faire cesser l'état somnambulique et le dédou­blementde la personnalité ;

A observer etdécrire quelques symptômes nouveaux ;

A soutenir l'opinionque le sommeil ordi­naire et le sommeil lucide sont avec quelque réserve, de lamême nature;

Et à proposerune théorie psychologique pour expliquer les phénomènes dusomnambulisme;

Il est aussi lepremier :

A donner dessuggestions expérimentales et thérapeutiques d'une manière vraimentextraor­dinaire ;

Et à fairequelques autres observations très originales.

Quand on apprécieles études remarquables du savant abbé, on ne peut que regretter, avec leprofesseur Pitres, qu il n'ait pas vécu assez longtemps pour compléter sonouvrage.

Liébeault, commenous avons vu, a suggéré le mot Fariisme pour indiquer lesmanifestations « les plus relevées » dans l'état hypnotique. Si on nousdemandait une définition du Fariisme nous dirions simplement: c'estla doctrine de la suggestion, car, Faria est le seul et le véritablefondateur de la doctrine de la suggestion en hypnotisme.

Paul Janet définitla suggestion : « l'opé­ration par laquelle, dans le cas d'hypnotisme, on peutêtre dans certains états de veille à défi­nir ; on peut, àl'aide de certaines sensations, surtout à l'aide de la parole, provoquerdans un sujet nerveux bien disposé une série de phéno­mènes plus oumoins automatiques, le faire par­ler, agir, penser, sentir, comme on le veut;en un mot, le transformer en machine. 45»Cette définition paraît avoir été donnée par le savant psychologue pourexprimer et préciser les idées et les observations de Faria.

Pendant lesdernières années de sa vie, Faria avait été abreuvé d'amertume àcause de sa doc­trine. Les magnétiseurs du jour le méprisaient comme un athéedétestable dans leur église. Ils ne faisaient pas même mention de son nomdans leurs publications ; et le public le consi­dérait comme un charlatan 46.

Faria était, sansnul doute, un athée, « un ennemi qui avait porté dans le champ des magné­tiseursle ravage et la désolation. » (p. 5) Sa réputation scientifique se base surcette circons­tance : mais ce n'était pas un charlatan. Un homme, qui présenteune vérité, qui établit les bases d'une doctrine qui constitue « une desgrandes conquêtes scientifiques du siècle », qui découvre « uneméthode thérapeutique d'une importance extraordinaire», ne peut pas êtreun charlatan. C'était un philosophe, aussi bien par le tempérament que par lesétudes ; c'était, selon M. Jules Claretie, « un homme savant, plein de foi. »

Faria demande, dansson livre, des juges com­pétents pour apprécier le mérite de sa décou­verte.Ces juges il les a trouvés dans les hommes de science dont nous avons cité lesopinions. « Sa doctrine était vraie » : elle a fait époque dans les annaleshumaines. « L'avenir lui a ré­servé une revanche éclatante. »

D. G. D.


PUYSÉGUR (S. M. G.de Chastenet, marquis de) 1751-1825 général et littérateur français, le pluscélèbre disciple de Mesmer et auteur de « Mémoires pour servir Al'histoire du Magnétisme animal», (anonyme) en a vol., 1784 et 1785;—«DuMagnétisme animal », 2 éds. Paris, 1805 et 1820 ; — « Les fous, les insensés,les maniaques et les frénétiques ne seraient-ils que des somnambulesdésordonnés?» Paris, 1812 ; et de quelques autres publications de moinsd'importance. DELEUZE (G.-P.-F.) 1753-1845, naturaliste français, bibliothé­cairedu Muséum d'histoire naturelle, et un des savants les plus estimés de son temps; son « Histoire critique du Magnétisme animal », 2 vol., 2 éds, Paris, 1813 et1819, est le meilleur ouvrage pour savoir l'exact état du magnétisme animalà cette époque. Pour ses autres publications et pour plus de détails surles trois auteurs on peut consulter la « Nouvelle Biographie générale. »


1. Les contemporainsles plus distingués de Faria, 1756-1819, sont : Mesmer, Puységur et Deleuze.MESMER, 1733-1815, docteur en médecine de l'Université de Vienne, fondateur dumesmérisme et auteur du « Mémoire sur la découverte du Magnétisme animal *,Genève et Paris, 1779.

2. MESMER, Op. cit.,p. 77.

3. Op. cit., «Mémoires », vol. I. p. 8.

4. Puységur, op. cit. « Du Magnétismeanimal », 2° éd., p. 133.

5. Brown-Séquard etquelques autres auteurs ont attribué à Faria l'opinion que l'imaginationest la cause des phéno­mènes du somnambulisme.

6. Braid a confirmécette expérience vingt-quatre ans après la mort de Faria.

7. « Mémoire sur leSomnambulisme et le Magnétisme animal », adressé en 1820 à l'Académieroyale de Berlin, et publié en 1854 par le général Noizet. Comme Faria n'a pas pu compléter son ouvrage, nousaurons occasion de citer souvent ce « Mémoire », dans lequel son auteur, avecune rare probité littéraire, attribue à Faria toutes les idées qu'iltenait de lui.

8. Pour se rendre compte de l'état descience sur ces deux matières on peut consulter « De la Physiologie dusystème nerveux et Maladies nerveuses », par M. Georget, 2 vol. Paris,1821.

9. « Du sommeil etdes états analogues », Paris-Nancy, 1866. p. 18.

10. « Die Entdeckung des Hypnotismus », Berlin,1881, p. 5.

11. « L'hypnotismescientifique, » 2eéd., Paris, 1901, p. 23

12. Voir R. Heidenhein. « Der sogenante thierischeMagne-tismus, physiologische Beobàchtungen, » Leipzig, 1880.

13. Pour lesprocédés de Mesmer on peut consulter l'arti­cle « Mesmérisme » par Dechambre, dans le « Dictionnaireencyclopédique des Sciences Médicales », 2e série, t. VII, Paris1873.

14. Op. cit., «Mémoires », vol. I. p. 33.

15. Op. cit. «Du magnétisme animal », 2e éd. p. XVII.

16. Op. cit., vol.I. p. 164. Toutes les citations de sont de l'édition de 1 813.

17. « Neurypnologie: Traité du somnambulisme nerveux ou hypnotisme » par James Braid, traduit (sur l'édition de 1843)par le Dr Jules Simon, Paris, 1883, pp. 15 et 33. L'ori­ginal, éd.anglaise pp. 6 et 27.

18. Op. cit., p.175.

19. Op. cit. « Dumagnétisme animal », 2e édit., p. 151.

20. Op. cit., p.177.

21. NOIZET. Op. cit., p. 20.

22. c L'hypnotisme et la suggestion »(communication au XIIe Congres International de Médecine, àMoscou). Paris, 1897, p. 9 et 11.

23. Seméiologie du système nerveux, in «Traité de patho­logie générale », de Ch. Bouchard, Paris, 1891. TomeV. p. 388.

24. Deleuze. loc. cit., p, 179.

25. Les motsemployés par Faria pour indiquer la sugges­tion sont « la parole », « lecommandement », « la direction » et « l'ordre ».

26. Voyez àcet égard p. 313.

27. Binet et Féré. « Le Magnétisme animal », Paris, 1887, p. 211.

28. Noizet, op. cit., p. 110.

29. Op. cit., p. 253.

30. NOIZET, op.   cit., p. 110.

31. Doctrine phréno-hypnotiquedéveloppée plus tard par quelques hypnotiseurs; elle manque dedémonstration scien­tifique.                                                                           ;

32. Op. cit., p. 113.

33. Deleuze, op. cit., 1ervol. p. 72.

34. Braid a répétéet confirmé ces expériences.

35. Op. cit., p. 150.

36. Voirie « Traitécomplet du magnétisme animal », par le baron Du Potet, 3e éd. Paris, 1856, p. 563, pour les opéra­tionschirurgicales pratiquées sous l'influence d'insensibi­lité produite parl'hypnotisme, à Cherbourg (1832), à Cal­cutta (1845), et àPoitiers (1847).

37. Sur les diversétats nerveux déterminés par l'hypnotisa­tion chez les hystériques. « Comptesrendus de l'Académie des sciences», 1883, 1er semestre, p. 403.

38. Dans la préfaceà la traduction de « Neurypnologie », op. cit., p.VII

39. « Journal du Magnétisme », nº 10, mai1886, p. 99.

40. « L'hypnotismeet les états analogues », 2eéd., Paris, 1889. p. 18 et suiv.

41. « Leçonscliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme », Paris, 1891. T. II, p. 78

>42 Op. cit., 1re éd., 1896,p. 6.

43. L'Hypnotisme etles suggestions hypnotiques, dans « Le Nouveau Montpellier médical », nºde 8, 15 et 22 septem­bre 1901, voir pp. 3oo et 326.

44. « Hypnotisme,suggestion, psycho-thérapie », 2e édition, Paris, 1903, pp. 22, 68,87, 91 et 92.

45. De la suggestiondans l'état d'hypnotisme. « Revue politique et littéraire, a6 juillet 1884, p.10a.

46. C'est seulementdepuis 1887, grâce aux ouvrages des D'sBernheim et Gilles de la Tourette, deuxillustres repré­sentants de deux Ecoles distinctes, qu'on a commencé a rendrejustice à la personne et à la doctrine de Paria,

 

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