La médecine psychologique

Back to Index

2. - Les rééducations

L'éducation a toujours joué un grand rôle dans les religions et dans les institutions monastiques, elle était appliquée non seulement aux enfants, mais même aux adultes qui devaient acquérir de bonnes habitudes. Puisque l'éducation transformait un indivi­du et le rendait capable d'actions nouvelles, à plus forte raison pouvait-elle rétablir des fonctions que le malade avait possédées autrefois, mais qu'il avait perdues par la maladie.

Des tentatives de traitements par la rééducation du malade sont en réalité fort anciennes. M. Kouindjy cite d'après le père Amyot des méthodes utilisées autrefois en Chine pour apprendre de nouveau les mouvements des membres aux malades paralysés, au XVIle siècle on essayait en France de guérir des paralysies par des exercices de gymnastique. Les magnétiseurs et des médecins comme Laisné 1854, Blanche 1864, parlent du rôle des mouvements rythmés dans le traitement des chorées. Enfin, parmi les précurseurs du traitement éducatif des névropathes, il faut placer les nombreux médecins et pédagogues qui se sont dévoués au traitement des enfants présentant des vices de prononciation, en particulier du bégaiement.

L'idée d'appliquer aux troubles pathologiques les procédés d'éducation semble avoir pris de l'importance à la suite des travaux de Seguin 1837-1846, et de ceux qui se sont occupés du traitement des idiots et des arriérés. Ces éducations d'individus anormaux ayant donné clés résultats très intéressants, il parut utile d'appliquer des procédés analogues à d'autres malades dont les troubles moins graves semblaient également des troubles psychologiques.

Il me semble qu'il faut rapporter à l'enseignement de Charcot une systématisation intéressante de ces méthodes de traitement des névropathes, l'institution d'un traite­ment régulier des paralysies hystériques par la rééducation des mouvements. A la même époque des procédés du même genre étaient appliqués au traitement du mutisme et de l'aphonie hystériques : le malade était exercé à prêter la plus grande attention aux sons qu'il cherchait à entendre et qu'il s'efforçait de reproduire. Enfin on peut considérer au moins dans certains cas le traitement que l'on appliquait à ce que l'on appelait l'anorexie hystérique comme une éducation de la fonction de l'alimen­tation.

Une deuxième époque dans l'histoire des traitements par la rééducation me paraît caractérisée par l'application de traitement du même genre aux paralysies et aux troubles du mouvement d'origine organique, en particulier aux troubles du mouve­ment déterminés par le tabès. Ce fut au début l'œuvre de Leyden et de Fraenkel qui essayèrent de rendre au tabétique une marche plus régulière en lui apprenant à diriger ses mouvements d'une autre manière qu'il ne le faisait autrefois, par les sensations visuelles au lieu des sensations kinesthésiques. Ces méthodes appliquées primitive­ment au tabès se sont élargies peu à peu et ont été appliquées à des paraplégies, à des cas d'hémiplégie organique. Plusieurs auteurs ont décrit des tentatives intéressantes pour rééduquer le langage chez des aphasiques.

Dans une troisième période ces traitements éducateurs ont été appliqués à divers troubles du mouvement présentés par des névropathes qui n'étaient pas atteints d'hystérie proprement dite, le plus souvent aux troubles moteurs et en particulier aux tics des psychasténiques. J'indiquais moi-même en 1889 le rôle de l'automatisme dans les tics présentés si souvent par ces malades et les procédés d'éducation qui pourraient modifier la tendance motrice anormale. M. Morton Prince insistait dans ses « associa­tion neuroses » sur ces groupements anormaux de mouvements qu'il appelait des neurogrammes ; plus tard il les compara aux associations artificielles produites chez les chiens dans les expériences de M. Pawlof. Le traitement consistait pour lui à dissoudre ces composés artificiels par une éducation inverse de celle qui les avait formés. Les psychologues d'ailleurs comme M. Payot insistaient sur la loi de la mémoire d'après laquelle tout souvenir qui n'est pas rafraîchi de temps en temps a tendance à perdre de sa netteté et à disparaître. Or dans une certaine mesure nous sommes maîtres de favoriser ou d'empêcher la reproduction des mouvements et des pensées et nous pouvons donc condamner à mort un souvenir ou une tendance motrice en refusant de l'exercer. C'est avec ces divers éléments que s'est constituée une intéressante tentative de traitement des tics.

Autrefois les médecins n'essayaient guère de guérir les tics qu'ils considéraient facilement ou comme insignifiants ou comme incurables. Les traitements des tics par la rééducation ont commencé avec Jolly 1830, Blache 1854, ils ont été étudiés et précisés par Brissaud et par ses élèves qui ont établi le principe du traitement par la discipline de l'immobilité et du mouvement. Une application intéressante de ces méthodes, a été faite au traitement des crampes professionnelles, en particulier de la crampe des écrivains qui est si souvent une variété des tics psychasténiques. L'étroite parenté qui unit les tics aux différentes sortes de bégaiement ont conduit à appliquer aux premiers les méthodes usitées dans le traitement du second. M. Pitres a proposé une méthode de traitement des tics par la régularisation de la respiration.

Ces exercices respiratoires sont devenus rapidement indépendants de tout traite­ment dé la parole et se sont montrés essentiels en eux-mêmes. Déjà les chefs de la gymnastique suédoise, Ling en particulier, avaient montré l'importance d'une gym­nastique respiratoire méthodique et en avaient formulé les règles. Ces mouvements respiratoires étendus et profonds déterminent une ventilation plus active et un balayage complet ses résidus : ils ont une grande influence sur la santé générale et peut-être même sur l'activité mentale, ils devraient faire plus souvent partie du traitement général des névroses. Ces exercices respiratoires deviennent encore plus importants quand les troubles névropathiques portent plus particulièrement sur la fonction respiratoire. J'ai déjà montré à plusieurs reprises que des gymnastiques respiratoires n'agissent pas seulement sur le mutisme hystérique, mais encore sur les toux, les baillements, les reniflements, les soupirs, les hoquets, si fréquents chez les névropathes. C'est aussi à la même époque que le traitement par l'éducation de l'alimentation fut étendu après n'avoir été guère appliqué d'abord qu'aux anorexies hystériques. M. Dubois (de Berne) rappelant les études de Barras (Traité sur les gas­tralgies, entéralgies ou maladies nerveuses de l'estomac et de l'intestin, Paris 1820), soutint qu'un grand nombre de gastropathies sont en rapport avec de mauvaises habitudes, avec des troubles émotionnels et des névroses diverses et il insista sur l'importance d'une éducation alimentaire qui ne tint pas compte de peurs, des préju­gés, des mauvaises habitudes du malade. Dans la collection de « psychotherapy » de Parker M.R.C. Cabot place ingénieusement cette thérapeutique parmi les traitements par le travail : « Un individu qui souffre ou qui croit souffrir de l'estomac réduit son alimentation et je le trouve mourant de faim ; je lui ai dit de manger malgré tout et sa santé s'est complètement rétablie. C'est le « work cure » de l'estomac : c'est le travail qui fait l'estomac, les intestins, les organes sexuels aussi bien que le cerveau. »

La rééducation cependant a encore été entendue d'une manière beaucoup plus large quand elle a voulu dépasser le traitement des troubles proprement moteurs pour atteindre les troubles d'apparence plus précisément mentale. D'abord on n'a attaqué ces derniers que par l'intermédiaire des troubles du mouvement eux-mêmes. Les malades dont les symptômes les plus apparents consistent en phobies, en obsessions, en délires et qui n'attirent pas notre attention sur des troubles du mouvement, présen­tent cependant dans ces mouvements beaucoup de désordres. N'est-il pas vraisem­blable qu'une transformation de ces mouvements par l'éducation agirait sur l'ensemble de l'activité et préviendrait ou détruirait les troubles mentaux. C'est ce que j'exprimais déjà, dans mon livre sur les obsessions 1903, en conseillant d'habituer "enfant" pré­disposé au mouvement qui est un des grands antagonistes de la rumination mentale. « Il doit faire, disais-je, beaucoup d'exercices physiques de toute espèce, il faut que ces exercices soient réglés et adroits car il est essentiel de développer chez lui l'adresse des mouvements physiques. Les scrupuleux sont de terribles maladroits qui ne peuvent rien toucher, rien manier : il faut habituer ces enfants dès le plus bas âge à se servir de leurs mains, à exercer des métiers manuels, à travailler la terre, le bois, le papier, à cultiver des plantes, à construire des objets, à agir sur la réalité ». Des idées de ce genre ont été adoptées par ceux qui s'occupaient de traitements par la gymnas­tique, mais sans grande précision.

Il me semble que le développement de cette idée a été surtout un des caractères curieux du mouvement thérapeutique qui s'est développé en Amérique en opposition à la Christian science sous le nom de « New Thought ». La plupart de ces auteurs cherchent à modifier l'état mental des névropathes par l'éducation des mouvements des membres et par la suppression de tous les petits désordres moteurs qui caracté­risent ces malades. L'un d'eux recommande de faire plusieurs fois par jour pour l'exercice suivant : « Se promener en tenant un verre plein d'eau bien droit devant soi, sans en répandre une goutte » : C'est qu'il faut apprendre à surveiller les tremblements et les mouvements involontaires. Il faut lire sans se permettre aucun mouvement des lèvres ou de la langue pendant qu'on lit. Il faut s'exercer à ouvrir lentement les doigts un à un, à les refermer lentement et continuer cet exercice pendant dix minutes de manière à surveiller avec précision le déploiement et la contraction des doigts. Un autre insiste sur les exercices de la force du regard « Il faut s'exercer à fixer avec intensité un point noir sur du papier blanc soutenir ce regard une minute, arriver à le soutenir quinze minutes, changer la direction du regard et maintenir cette nouvelle direction... Se regarder soi-même dans une glace avec fixité pour s'accoutumer à soutenir le regard d'autrui ; fixer les personnes résolument et si on ne peut pas tout de suite les fixer dans les yeux, fixer un point imaginaire à la racine de leur nez... Ne pas oublier que l'homme énergique nous donne constamment l'impression d'être en repos : il n'est point nerveux, il ne s'agite pas, ayant le sentiment qu'il a en lui des forces de réserve ». Il est inutile d'énumérer tous ces exercices qui sont toujours du même genre et qui ont le même caractère général. lis indiquent la même direction thérapeutique : il s'agit toujours d'éduquer l'attitude extérieure afin de parvenir par elle à modifier le moral.

Au delà de ce premier groupe il faut placer un grand nombre de thérapeutes plus hardis et surtout plus conséquents. Puisque les troubles mentaux doivent être modi­fiés par l'éducation, il faut les attaquer directement et faire l'éducation, non des mouvements du corps, mais des mouvements de l'esprit, il faut faire faire des exerci­ces à l'esprit lui-même et développer par la gymnastique mentale les facultés qui nous semblent manquer au sujet et qui lui permettront de lutter contre son mal. M. Morton Prince est l'un des premiers qui en parlant du traitement des névropathes ait sans cesse employé le mot d'éducation, Il fait justement la critique du « test cure » de Weir Mitchell quand il est appliqué avec exagération et sans influence morale. La méthode qu'il préfère appliquer est surtout une rééducation du caractère : « Pour y parvenir, il faut modifier les croyances des malades, leur enlever les appréhensions et détruire cette habitude déplorable de considérer toute sensation désagréable comme le signe d'une lésion grave, irréparable : il faut l'habituer à contrôler et à supprimer les états émotifs et ici intervient surtout le tact et le caractère individuel du médecin. » Enfin il faut éduquer le malade à faire le plus d'actions possibles quand elles peuvent être accomplies sans accidents.

La plupart de ces études sur la rééducation sont assez vagues et semblent porter sur toutes les fonctions de l'esprit indistinctement ; d'autres semblent un peu plus précises et essayent de s'adresser à certaines facultés de préférence. Plusieurs auteurs, par exemple, se préoccupent de la disposition de l'esprit à l'émotion exagérée de ce qu'on appelle l'émotivité qui joue un grand rôle dans beaucoup de troubles et ils considèrent la résistance à l'émotion comme une sorte de fonction que l'on peut développer par la gymnastique. Oppenheim dans ses lettres médicales, déjà anciennes et dans des articles récents, conseille de commencer dès l'enfance la culture du pouvoir de contrôler les émotions et les passions. Ses idées me paraissent constituer la partie essentielle de beaucoup d'ouvrages dans lesquels on considère les névroses comme la conséquence en quelque sorte fatale du manque ou d'une erreur de l'éducation première.

De même que les précédents auteurs se préoccupaient d'éduquer l'émotion, d'autres se sont proposé le problème de l'éducation de l'attention. Ils ont montré que dans le travail mental comme dans tous les autres il y a une part considérable d'habi­tude qu'il faut développer et sur laquelle il faut s'appuyer : la conclusion a été de proposer au malade le travail mental comme un moyen de guérison. Mais ceci nous entraîne déjà dans l'étude d'une thérapeutique psychologique que je considère comme un peu différente de l'éducation proprement dite. La gymnastique a élevé peu à peu ses prétentions et partie du traitement des troubles élémentaires du mouvement elle s'est attaquée aux troubles des fonctions les plus élevées.

Provided Online by http://www.neurolinguistic.com

Back to Index

From our Online Free Library at www.pnl-nlp.org/dn Find now here hundreds of ebooks and texts on NLP, Hypnosis, Coaching, and many other mental disciplines...

Dalla nostra libreria online a www.pnl-nlp.org/dn/ Scopri centinaia di libri su PNL, Ipnosi, Coaching e molte altre discipline della mente