La médecine psychologique

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4. - Les traitements par la foi, par le travail

Dans toutes les religions on pouvait recueillir depuis longtemps des observations sur des phénomènes psychologiques singuliers que l'on désignait sous le nom d'inspirations, de foi, de grâce, de conversion, d'illumination. Beaucoup de pratiques religieuses, des réunions nombreuses, des cérémonies émotionnantes en présence d'une grande foule, des reproductions de scènes heureuses ou tragiques, des rites qui unissaient intimement les fidèles à des Dieux puissants, des bénédictions, des dis­cours sur l'alliance avec la Divinité semblaient avoir pour but de faire naître de tels phénomènes psychologiques, Les défenseurs des religions relevaient avec raison l'excellent effet de ces pratiques sur les fidèles qui partaient consolés et réconfortés.

Pendant longtemps les historiens et les philosophes qui étudiaient les religions, ont mal compris les phénomènes de ce genre. Ils se bornaient à critiquer le rite et le mythe en lui-même et ne comprenaient pas que ces croyances sans vérité objective pussent avoir, malgré leur fausseté, un effet psychologique remarquable. Ce n'est que récemment que ce côté psychologique des phénomènes de la religion a été mis en lumière. William James, en particulier, dans son livre sur « l'expérience religieuse » et dans son livre sur « les énergies de l'homme » a beaucoup insisté sur la puissance psychologique de ces pratiques : il a montré les deux phénomènes essentiels qui apparaissent dans ces circonstances, le changement des sentiments qui de la tristesse passe à la joie et le changement de conduite qui fait passer les sujets, sinon du vice à la vertu, au moins d'une vie plate et monotone à une vie plus saine, plus large et plus courageuse.

Les moralistes et les médecins ont cherché à tirer parti de ces puissances psy­chologiques et on peut grouper sous le nom de thérapeutiques par la foi et par le travail toutes ces méthodes, tantôt vagues et peu conscientes d'elles-mêmes, tantôt plus systématisées qui essayent de guérir le malade par l'encouragement et par l'effort.

Bien des doctrines optimistes font appel au courage et à l'énergie la morale stoïcienne était fondée sur cette confiance dans les forces humaines dont l'homme dé­sespère souvent trop vite. « Tu es sauvé dès maintenant, disait Luther, si seulement tu consens à le croire. » « Le vice essentiel de notre nature chamelle, disait William James, c'est la crainte qui n'a jamais rien de respectable... Nous avons en nous des énergies inconnues, nous sommes intimement unis au principe divin... Une mère qui voit son enfant en danger trouve en elle des forces d'Hercule dont elle ne se doutait pas. » On trouve des allusions à un traitement par le travail et par l'effort dans tous les ouvrages des aliénistes français du siècle précédent. Enfin il n'est pas difficile de retrouver beaucoup d'allusions aux bons effets de l'excitation dans tous les ouvrages qui traitent de la gymnastique et de l'entraînement physique.

Qu'il me soit permis de rappeler ici mes propres recherches sur la rééducation de la volonté et de l'attention. Dans mes premières observations les malades, malgré la destruction des idées fixes principales, retombaient trop aisément. Pour relever l'activité mentale, j'ai essayé de les soumettre à une sorte de gymnastique de l'atten­tion ; le travail mental ne put être obtenu sans provoquer bien des résistances, mais il ne tarda pas à produire des résultats intéressants, et je pus présenter cette éducation comme un procédé essentiel dans le traitement de l'hystérie.

Grasset distinguait une psychothérapie inférieure et une psychothérapie supé­rieure : sans que l'on sut très bien pourquoi, il aimait, lui aussi, à appeler les traite­ments par la suggestion des traitements inférieurs, ce qui est un enfantillage ; mais il décrivait très bien sous le nom de psychothérapie supérieure une éducation ayant pour but « la culture, l'accroissement, le perfectionnement de la volonté, la maîtrise de soi, l'unité morale du moi, de la personnalité ». A la même époque s'est dévelop­pée une thérapeutique singulière qui a été rarement analysée ou discutée, c'est le traitement de M. Vittoz (de Lausanne) qui se rattache à la fois aux études précédentes sur la nécessité de rééduquer l'attention et aux procédés des disciples de la « New thought » américaine.

Tous ces écrits français sont assez connus, aussi je voudrais signaler surtout un groupé de petits livres, publiés pour la plupart en Amérique par la New thought C° et qui me semblent dignes d'attirer la curiosité. Ces ouvrages d'une apparence, il est vrai, peu scientifique, ont un caractère assez pratique et une inspiration morale élevée ; plusieurs ont été traduits en français. Les titres de quelques-uns de ces ouvrages indiquent bien leur caractère : « Le bonheur et le mariage, L'hygiène du cerveau, Essai de guérison personnelle, La philosophie de la joie, La volonté d'être bien portant, Le pouvoir du silence, Quelles sont vos forces et comment en user ? Comment vivre cent ans et vivre heureux ? » L'auteur de ce dernier livre nous conseille de maintenir devant nos yeux des exemples de longévité heureuse et de nous figurer que nous nous sentons plus jeunes tous les jours : ces conseils sont excellents, mais peut-être d'une exécution difficile. L'auteur d'un « Cours de vitaeo­pathie » assure que l'on guérira beaucoup de personnes en les encourageant à vivre : cela est simple et un peu naïf, mais cela indique bien le caractère général de cette médecine d'encouragement. L'auteur d'un livre sur « La force pensée, son action et son rôle dans la vie, commence ainsi : Ce petit livre est destiné à faire connaître à chacun les forces secrètes qu'il renferme, il sera un manuel d'énergie, il enseignera la volonté, il éduquera la caractère... »

Pour parvenir à cette puissance on doit faire certains exercices préparatoires : les uns consistent en exercices respiratoires, les autres en méditations dans la solitude. Mais il faut surtout écrire en gros caractères, apprendre par cœur et répéter sans cesse certaines phrases importantes sur lesquelles on fixe sa pensée en se couchant et en se réveillant. J'ai été étonné de constater récemment que ces petits livres ont été lus à Paris par des malades à l'affût de tout ce qui leur promet cette énergie qu'ils n'ont pas. Des femmes du peuple qui venaient à l'hôpital croyaient bon de porter sur elles de petits papiers où étaient écrits en grosses lettres les formules qu'elles répétaient : « Je suis forte, très forte, ma volonté sera très forte devant les hommes et ne sera nulle que devant Dieu, personne ne peut résister à mon influence, je suis décidée à réussir, je suis sûre de réussir ». Je dois ajouter, hélas ! qu'il s'agissait de pauvres femmes déprimées et horriblement timides qui ne réussissaient rien.

Tous les écrivains de ce groupe présentent, peut-on dire, les mêmes défauts et les mêmes qualités. Ils ont évidemment beaucoup d'exagération et de naïveté, ils n'ont aucune précision ni psychologique, ni clinique, et ils ne donnent aucune observation qui permette de contrôler leurs affirmations. Mais il n'en est pas moins vrai qu'ils ont un sentiment assez net de ces forces latentes dont parlait William James et qu'ils font appel d'une manière intéressante à l'excitation psychologique comme au traitement essentiel des dépressions.

D'autre part nous trouvons également en Amérique tout un groupe de médecins et de psychologues, tout à fait indépendant de ces différentes sectes qui ont étudié les mêmes problèmes d'une manière plus scientifique. Il serait possible de réunir ces conseils thérapeutiques sous le nom de « Work cure », le traitement par le travail proposé par M.R.C. Cabot et de les opposer au « rest cure », traitement par le repos, autre fois en honneur à Philadelphie.

M. P. Coombs Knap (de Boston) constatait déjà en 1897 que le meilleur moyen de guérir des travailleurs atteints de névroses traumatiques était de les ramener le plus tôt possible à leur travail, au lieu de les faire reposer indéfiniment comme on avait trop de tendance à le faire. Des remarques analogues ont été présentées par plusieurs médecins qui réclament « un changement dans le point de vue, dans les attitudes de l'esprit, un réveil des ambitions que l'on peut légitimement entretenir, la recherche des émotions de joie qui se développent après le succès et qui donnent une vue d'une vie nouvelle ». M.R.C. Cabot mérite d'être considéré comme l'un des représentants principaux du « Work cure », du traitement par le travail : « les craintes maladives du névropathe, ses préjugés sur son estomac, les bavardages et les impuretés sexuelles tiennent à ce qu'il n'a pas assez à faire. Il est un temps où les garçons ont besoin d'avoir quelque chose de dangereux à faire, leur vie éclate si nous voulons la mettre en bouteilles. Nous voyons la décadence des hommes actifs quand ils prennent leur retraite et la rapide détérioration de la santé, quand on abandonne le travail qui est un de nos supports naturels ».

N'oublions pas le grand rôle joué avec tant d'autorité par le professeur J.J. Putnam (de Boston) : lui aussi demande des efforts et du travail, car le meilleur préservatif des névroses est une éducation systématique qui apprenne à distinguer la vraie et la fausse fatigue, qui donne une juste estimation de nos forces : les sacrifices, les res­ponsabilités, les efforts pour se discipliner, les efforts pour faire des progrès mo­raux donnent une vue plus compréhensive de la vie et conduisent à la santé physique et morale. M. Putnam essaye de communiquer son propre enthousiasme pour les études philosophiques, il veut combattre les doctrines matérialistes et pessimistes, il veut montrer que les notions scientifiques et philosophiques sur l'évolution sont capables de nous donner de grands espoirs.

Malgré le caractère évidemment trop vague de beaucoup de ces études, les auteurs ont bien montré une notion que nous avons peut-être contribué à établir, c'est que les troubles névropathiques dépendent d'une altération fondamentale de l'activité. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un trouble de la sensibilité, de la mémoire, du raison­nement, mais de troubles des fonctions de synthèse, de l'appréhension du réel, de la tension psychologique. On essaye d'y remédier par l'exercice des fonctions les plus élevées, par la direction du travail, par des émotions sthéniques.

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