La médecine psychologique

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4. - Les excitations dans les psychothérapies

Ce sont ces excitations qui plus ou moins consciemment sont recherchées et utilisées dans plusieurs traitements psychologiques. Dans plusieurs d'entre eux, on les utilise sans bien se rendre compte de leur véritable nature, en les dissimulant sous d'autres noms. Nous venons d'observer en étudiant l'action morale en général, que bien souvent les guérisons miraculeuses aux sources sacrées ou dans le cabinet du magnétiseur dépendaient d'une excitation nerveuse et morale déterminée chez un individu par le rôle qu'on lui faisait jouer.

L'observation que nous venons de faire peut être répétée à propos de bien d'autres traitements d'apparence plus scientifique. Beaucoup de traitements physiologiques qui relèvent la santé générale, activent la digestion, la circulation, les sécrétions glandulaires déterminent une activité vitale plus intense. Le malade reprend confiance en lui-même, devient capable d'agir davantage et relève sa tension, ce qui change toute sa conduite et supprime un grand nombre de symptômes névropathiques. Beau­coup de substances, comme on l'a vu, agissent par leur pouvoir enivrant : sans doute elles sont dangereuses et il faut lutter contre l'intoxication déterminée par l'abus. Il faut aussi lutter contre l'exclusivisme de l'impulsion, chercher d'autres sources variées d'excitation, faire sentir au malade qu'il y a des excitations d'ordre mental comme des excitations physiologiques et sur-tout diminuer le besoin d'excitation en diminuant la dépression elle-même. Mais cela fait, il ne faut pas supprimer complètement ces substances excitantes qui ont leur rôle dans la tonification psychologique sans se demander par quoi on va les remplacer. L'opium qui dans certains pays joue le rôle d'excitant populaire est considéré par les médecins comme un médicament et il est donné assez largement dans les troubles mélancoliques, il peut rendre des services dans la plupart des dépressions, Le médicament qui semble aujourd'hui avoir le plus de vogue pour déterminer l'excitation, est surtout la strychnine : des études récentes ont montré que l'on pouvait avec avantage augmenter les doses habituelles de ce médicament. Mais l'alcool est un médicament comme l'opium et la strychnine et il ne faut pas avoir honte de permettre un peu de vin, quand on ordonne la strychnine la tête haute.

Les procédés de traitement par l'éducation présentent une difficulté, c'est qu'ils exigent au début des efforts et des dépenses. Il n'y a pas d'éducation sans commande­ment, sans encouragements, sans exemples, sans menaces même. Le rôle d'éducateur ne se borne pas à indiquer les actes, mais il consiste à les faire faire et à donner la force de les faire : le meilleur éducateur est celui qui sait exciter.

C'est surtout dans le traitement par la liquidation, qui est le fond des traitements de la psycho-analyse, que l'excitation indirecte joue un grand rôle. Nous avons com­pris que cette liquidation amenait à sa suite de grandes économies qui permettaient la restauration des forces. Mais comment se produit la liquidation elle-même qui sup­prime l'idée fixe de l'événement traumatique et tout le travail interminable de l'obses­sion ? Comment la réapparition du souvenir dans la conscience l'expression de ce souvenir peut-elle en arrêter l'évolution? Sans doute cette expression difficile et péni­ble amène une décharge des forces mobilisées autour de ce souvenir. Mais pourquoi la réminiscence traumatique, une fois déchargée par l'aveu, ne se recharge-t-elle pas immédiatement ? A mon avis, il n'y a pas eu simplement décharge, il y a eu décharge par une opération de haute tension, l'assimilation qui a liquidé la situation, qui a récupéré les forces, qui les a remises en réserve et qui a arrêté leur mobilisation. La réminiscence n'est devenue traumatique que parce que la réaction à l'événement a été mal faite. Soit en raison d'une dépression existant déjà antérieurement pour d'autres causes, soit en raison d'une dépression produite au moment même par le désordre de l'émotion, le sujet n'a pas pu faire ou n'a fait qu'en partie cette assimilation qui est l'adaptation interne de la personne à l'événement. C'est ce travail qu'il continue à faire et qui l'épuise, c'est ce travail qu'il termine quelquefois tout seul après des mois et des années, quand il guérit spontanément. Il faut le lui faire achever rapidement en l'assistant dans ce travail de la même manière que nous avons arrêté des crises déter­minées par des problèmes actuels en aidant le sujet à faire les actes externes nécessaires, il faut maintenant l'aider à faire les actes internes en rapport avec les événements passés.

« Lorsqu'on a commis une faute ou une sottise, disait excellemment A. Forel, on doit se hâter 1° de réparer tout ce qui peut l'être, 2° de prendre des mesures préven­tives pour éviter sa répétition dans l'avenir et 3° de mettre le tout au panier. Nous devrions faire de même en ce qui concerne les fautes des autres. » Les expressions bien connues que l'on répète sans cesse, « s'y faire, oublier, pardonner, renoncer, prendre son parti, se résigner », semblent toujours désigner de simples phénomènes de conscience, il n'y a rien dans la conscience en dehors de l'action et des extraits de l'action. En réalité ces expressions désignent un ensemble compliqué d'actions réelles, d'actes qu'il faut faire, d'autres actions qu'il faut supprimer, des attitudes nouvelles à adopter et ce sont toutes ces actions qui liquident la situation et qui font que l'on s'y résigne. Une femme est très gravement malade depuis la rupture avec son amant, c'est, direz-vous qu'elle ne peut pas s'y résigner ; sans doute, mais ce défaut de résignation consiste en une série d'actions qu'elle continue à faire et qu'il faudrait cesser de faire. Le médecin doit aider cette femme à cesser toutes ces actions absur­des, lui apprendre à en faire d'autres, lui donner une autre attitude. Oublier le passé c'est en réalité changer de conduite dans le présent. Quand elle est arrivée à cette nouvelle conduite, peu importe qu'elle ait encore conservé le souvenir verbal de son aventure, elle est guérie de ses troubles névropathiques.

L'observation d'Irène me paraît particulièrement intéressante, parce que nous avons vu la conduite absurde qu'elle présentait tout à fait en contradiction avec sa situation, parce que nous avons constaté grossièrement dans son amnésie les lacunes de l'assimilation interne. Après un long travail que j'ai décrit dans ma première étude sur cette malade je suis arrivé à lui faire retrouver ou plutôt à lui faire construire le discours-souvenir de la mort de sa mère. C'est à partir du moment où elle a été maîtresse de ce souvenir, ou elle a pu l'exprimer sans l'accompagner de crises et d'hallucination que l'événement assimilé a cessé d'être traumatique. L'assimilation a été le résultat de tout un changement de conduite considérable et le sujet n'a pu faire ce travail qu'en s'excitant et en sortant de sa dépression. Le phénomène de l'excitation est à la base de tous les traitements par liquidation des idées fixes.

Dans d'autres traitements ce rôle de l'excitation est un peu plus apparent quoiqu'il soit encore souvent méconnu. Je veux parler des pratiques singulières de la métallo­thérapie, de l'aesthésiogénie, de la provocation des somnambulismes complets. Rappelons d'abord les faits essentiels : des névropathes présentant des accidents de toute espèce peuvent être transformés d'une manière assez rapide de manière à perdre tous leurs troubles à la fois et à reprendre leur santé normale. Ces transformations sont obtenues par des procédés en apparence variés, des passes, des applications sur la peau de diverses substances, des courants électriques, des exercices gymnastiques, des ordres et des discours relatifs à la sensibilité et à la mémoire. Ces transformations s'accompagnent de sentiments de confiance et de joie très caractéristiques ; elles sont cependant momentanées et se terminent par une rechute plus ou moins rapide et plus ou moins complète qui fait retomber le sujet dans son état maladif antérieur. Très souvent cette rechute est accompagnée par une amnésie portant sur la période heu­reuse précédente. Cependant ces transformations peuvent être obtenues de nouveau d'une manière en général plus facile et contribuent au rétablissement complet du malade. Comment faut-il nous représenter cet ensemble de phénomènes ou plutôt par quel lien faut-il essayer de réunir tous ces faits les uns avec les autres ? C'est là le problème de l'interprétation de l'aesthésiogénie.

Il est facile d'éliminer les suppositions des premiers auteurs qui admettaient trop facilement une action physique extérieure agissant sur l'organisme, des fluides, des actions magnétiques, de légers courants électriques. Aucune de ces actions n'a pu être démontrée d'une manière positive et d'autre part il a été prouvé jusqu'à l'évidence que l'on pouvait reproduire tous ces phénomènes sans faire intervenir aucun agent matériel. Il est malheureusement incontestable qu'il ne peut y avoir aujourd'hui que des théories psychologiques de ces phénomènes complexes.

J'ai longuement discuté l'interprétation par la suggestion qui ne rend compte que d'une partie des faits. Bien des détails de l'aesthésiogénie sont en opposition avec le mécanisme de la suggestion, Un fait surtout me semble essentiel : il y a dans le som­nambulisme complet un changement considérable de la conduite tout entière qui me semble caractéristique. Ce qui m'étonne dans ce changement de conduite, ce n'est pas la complication de l'automatisme, c'est la diminution de l'automatisme et le dévelop­pement de l'activité d'adaptation nouvelle. Les malades, comme je l'ai dit, deviennent moins suggestibles et il est déjà singulier que la suggestion rende moins suggestible et en outre l'activité pratique des sujets se transforme, il ne s'agit plus du développe­ment d'un automatisme si complexe qu'on le suppose. Il s'agit d'actes nouveaux, non prévus, d'adaptations et de synthèses nouvelles dont le sujet devient de plus en plus capable à mesure que d'autre part il devient moins suggestible. Peut-on dire encore que tout cela se fait par suggestion ? Ce n'est possible, à mon avis, que si l'on donne au mot « suggestion » un sens très large englobant tous les phénomènes psychologi­ques possibles. Cela est inadmissible si on entend le mot ainsi que je l'ai proposé dans le sens précis de développement d'un automatisme préexistant. Je crois donc que l'on peut conclure sur ces rapports de la suggestion et de l'aesthésiogénie. La suggestion joue ici un rôle énorme, c'est évident. Elle détermine la forme que prend la transfor­mation dans ses débuts, je crois même qu'elle détermine le début de la transforma­tion, qu'elle la déclanche en quelque sorte. C'est parce qu'il s'agit d'hystériques suggestibles que l'on peut les faire commencer ce travail à propos de certains signes ou de certains commandements particuliers. Mais la suggestion porte ici sur un acte spécial ayant des caractères qui lui sont propres. C'est une suggestion d'un genre tout particulier et il me semble nécessaire de la distinguer des autres.

L'état qui est déterminé par l'aesthésiogénie, état qui a été souvent désigné sous le nom de l'état d'alerte, et qui dans certains cas constitue le somnambulisme complet nous présente un changement de conduite qui est beaucoup mieux caractérisé par la notion de l'excitation. Les oscillations que l'on détermine par ces pratiques sont analogues à celles que l'on observe dans les névroses périodiques et alternantes.

L'excitation semble se produire à propos des modifications de la sensibilité con­sciente, mais il est très probable que ce n'est là qu'une occasion, on peut obtenir la même excitation à propos de la mémoire et probablement à propos de bien d'autres faits. Il suffit quelquefois de légères modifications de la sensibilité pour produire de grandes excitations et inversement de grands changements de sensibilité peuvent se produire automatiquement sans amener d'excitation apparente.

Il est donc probable que le fait important est l'effort fait par le sujet pour obéir au commandement ou pour exécuter la suggestion éveillée par un signe quelconque. Il y a là, en effet, de l'attention et du travail ; on le constate dans les signes d'effort, dans les contorsions que présentent certains sujets, on le voit aussi en remarquant le temps nécessaire pour effectuer ces métamorphoses. Les changements rapides effectués par suggestion pure et simple n'ont pas du tout les mêmes résultats que ces changements obtenus lentement par un véritable travail : « vous voulez trop de progrès trop vite, c'est là ce qui me fait mal à la tête à me rendre folle ». Enfin on constate aussi ce travail dans cette singulière fatigue consécutive à la séance. Fatigue très remarquable, très régulière, quand il y a eu excitation véritable, tandis qu'elle fait défaut quand il n'y a pas d'excitation notable.

Nous avons vu que l'homme peut se tendre, se mettre dans un état d'enthousiasme créateur. Je ne puis m'empêcher de croire que nos sujets font quelque chose du même genre et que chez eux dans certaines conditions l'ordre, ou si l'on veut la suggestion de sentir et de se souvenir, déclanche des tendances spéciales à l'effort, à l'enthousias­me même. Ces opérations qui relèveraient la tension de l'homme normal jusqu'à le mettre dans un état d'activité créatrice arrivent chez ces déprimés à les ramener à la tension normale.

Si les excitations psychologiques sont dissimulées dans la plupart des méthodes précédentes, elles sont au contraire bien évidentes dans les thérapeutiques morales par le travail, par la foi, par la direction. Dans toutes les impulsions se trouve le besoin d'être excité par une action, dans toutes les manies d'être aimé, d'être dirigé se trouve le besoin d'être remonté, excité par une autre personne. On le voit bien en étudiant ces malades qui paraissent être normaux, tant qu'il subissent l'influence de certaines personnes et qui retombent dans la dépression et le désordre dès qu'ils ont perdu celui qui, en les faisant agir, maintenait à un niveau plus élevé la tension de leur esprit. Le médecin ne fait que satisfaire d'une manière plus méthodique ce même besoin de direction et d'excitation. On observe dans la direction médicale les mêmes faits que dans les directions accidentelles et les mêmes. oscillations. Après une séance qui a bien réussi il y a une période d'influence pendant laquelle le malade est remonté et conserve le sentiment de la présence de son directeur auprès de lui, comme le mystique sent la présence de son Dieu. Puis survient une nouvelle période de dépression avec un besoins que j'ai désigné sous le nom de passion somnambu­lique, pendant laquelle le sujet retombe dans la dépression, se sent abandonné et isolé comme les mystiques dans leurs périodes de sécheresse [29]. Il s'agit toujours dans tous ces traitements d'une excitation plus ou moins durable.

Comment le directeur a-t-il déterminé ces excitations passagères ? Certains actions sont excitantes, nous l'avons constaté, elles ont accidentellement relevé le malade et celui-ci cherche anxieusement à les reproduire. Mais il ne sait pas choisir ces actions et il ne sait pas réunir les conditions favorables qui permettent de les exécuter : de là tous les désordres et les mauvais résultats des impulsions. Le directeur doit savoir mieux quelles sont les actions favorables qui peuvent être exécutées sans de trop grandes dépenses et qui déterminent une excitation favorable. Il sait dans quelles conditions il faut placer le sujet pour qu'il réussisse à faire ces actes et comment il faut l'y aider. Il emploie tous les procédés de la suggestion, de la persuasion, toutes les méthodes de la rhétorique pour encourager à l'action et pour exciter le malade.

Singulier procédé qui fait appel aux plus belles puissances du génie humain pour permettre à une hystérique de manger sa soupe. Nous sommes souvent obligés de recourir avec les malades à des procédés de ce genre et j'ai déjà fait remarquer souvent qu'il fallait employer les adjurations les plus éloquentes et user de tous les ressorts de la rhétorique pour obtenir qu'un malade change de chemise ou boive un verre d'eau. C'est ce que je faisais remarquer en particulier dans mes premières études. « Le traitement que j'ai fait subir à la malade est non seulement une sugges­tion, mais encore une excitation. On n'a pas toujours distingué dans les traitements psychologiques la part de la suggestion et la part de l'excitation qui essaye de faire remonter le niveau mental. J'exige de la part d'Irène de l'attention et des efforts, j'exige la conscience de plus en plus nette des sentiments, toutes choses qui sont des moyens d'augmenter la tension nerveuse et mentale, d'obtenir, si l'on veut, le fonctionnement des centres supérieurs. Bien souvent j'ai constaté avec elle comme avec tant d'autres malades Que les séances vraiment utiles étaient celles où j'étais parvenu à l'émotionner. Il faut souvent lui faire des reproches, découvrir les côtés où elle est restée impressionnable, la secouer moralement de toutes manières pour la remonter et lui faire retrouver les souvenirs et les actes. » Toutes les rééducations des névropathes dont on parle beaucoup aujourd'hui sont soumises à la même loi, qu'il s'agisse de gymnastique, d'éducation des mouvements, d'excitation de la sensibilité, de recherche des souvenirs, il faut toujours que l'ascendant du directeur réveille l'attention et l'effort, excite l'émotion et détermine une tension plus grande. Quand ce fonctionnement supérieur est obtenu, le sujet sent une modification de toute sa conscience qui se traduit par une augmentation de la perception et de l'activité.

Une semblable thérapeutique surprend au premier abord parce qu'elle apparaît comme tout à fait opposée à des traitements qui nous ont semblé précédemment rationnels et utiles, que nous avons étudiés sous le nom de traitements par le repos et par l'économie des forces. Il semble bizarre de chercher à guérir des individus épuisés en les faisant travailler et d'éviter la faillite en conseillant de nouvelles dépenses. Cependant cela n'est pas tout à fait inintelligible, car on vient de voir que l'action ne se borne pas à dépenser des forces, mais que souvent aussi elle les renouvelle. Un bon placement, une spéculation habile peuvent rendre une dépense fort rémunératrice. En réalité, ces traitements ne sont contradictoires qu'en apparence et ils peuvent conser­ver tous les deux suivant les cas leur raison d'être et leur utilité.

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