La médecine psychologique

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4. - Les traitements des hypotonies psychologiques

Les conditions dans lesquelles il est utile d'appliquer les traitements par l'excita­tion sont les moins connues et les plus difficiles à déterminer. Ce-, traitements exigent du malade de l'attention, du travail, l'effort : il faut que les sujets aient en eux-mêmes quelques ressources, qu'ils soient susceptibles de se réveiller, de se monter, de s'emballer. Beaucoup de personnes n'en sont pas capables et on comprend que ces procédés ne réussissent pas chez tout le monde. Les médecins qui recouraient autre­fois à la métallothérapie se plaignaient des sujets qui ne savaient faire aucun effort pour récupérer ou pour maintenir leur sensibilité. Tous ceux qui ont essayé de faire travailler des déprimés ont pu gémir de la même manière sur leur manque de zèle. Il semble bizarre de guérir des individus épuisés en les faisant travailler et d'éviter la faillite en conseillant de nouvelles dépenses. Nous avons vu que ce n'est pas tout à fait inintelligible, mais il n'en est pas moins évident qu'il faut une grande prudence dans ces spéculations et qu'il faut choisir avec discernement les malades à qui on conseille l'effort et le travail&.

En présence d'un névropathe dont les troubles sont fort variés le médecin doit-il ordonner le repos ou le travail, l'économie des forces ou la dépense spéculative ? C'est là malheureusement un problème très difficile dont le plus souvent les psycho­thérapeutes ne semblent pas soupçonner l'importance. Si je ne me trompe, le médecin ordonne le plus souvent au malade le repos complet, ou la distraction par l'occupa­tion, selon ses propres préférences doctrinales et sans aucun diagnostic psychologique sérieux pour justifier son choix. Certains répètent dans tous les cas : « cessez tout travail, interrompez vos affaires, étendez-vous sur une chaise-longue et réfugiez-vous dans une maison de santé ». D'autres protestent toujours : « évitez cette inertie qui vous abrutira, marchez, sortez, travaillez, amusez-vous, sursum corda! » Un jour viendra où l'une ou l'autre ordonnance ne sera plus faite ainsi au hasard. mais sera la conclusion d'une sérieuse analyse psychologique. Malheureusement nous sommes encore loin de cet idéal et nous sommes encore longtemps à la période des indications vagues et des tâtonnements.

D'une manière générale et théorique les traitements excitants conviennent à des malades dont les troubles sont en rapport avec l'abaissement de la tension psycho­logique plutôt qu'avec la diminution des forces, à des malades qui présentent de l'hypotonie psychologique, plutôt que de l'asthénie proprement dite. Mais c'est là une formule systématique qui ne peut guère diriger la pratique. Si on veut être un peu plus précis on peut faire ces quelques remarques : ces malades peuvent être reconnus d'abord à des caractères négatifs, l'absence ou la rareté des signes physiques et mo­raux de l'asthénie, des troubles viscéraux, de la faiblesse, des impuissances complètes et momentanées de certaines fonctions dont nous avons signalé l'importance. D'autre part les troubles consistent en altérations de l'initiative, en paresses, en doutes, en aboulies d'une forme particulière, il s'agit de troubles des tendances supérieures, de l'effort moral, du travail, de la réflexion. C'est là que nous observons ces paradoxes de l'agitation sur lesquels j'ai déjà insisté : les maladies, les affaiblissements réels qui augmentent les véritables asthénies diminuent au contraire les troubles de cette catégorie, tandis que l'augmentation des forces les aggrave. Les obsessions, les pho­bies, les algies, les manies, les impulsions de toute espèce se comportent comme des agitations qui augmentent quand les forces sont plus considérables. Les troubles semblent dépendre d'une rupture de cet équilibre qui doit exister entre la force et la tension psychologique.

Malheureusement toutes ces indications sont bien difficiles à constater et bien sujettes à l'erreur. Le plus souvent il faudra se fier à l'expérimentation et au tâtonne­ment. Il me semble bon de commencer en général les traitements de la dépression par l'application des méthodes d'économie et de repos et il ne faut jamais les abandonner complètement, car c'est le repos qui économise les forces dont peut disposer l'exci­tation. Ce n'est donc que graduellement que l'on peut adjoindre au repos divers essais d'excitation par l'action. Ceux-ci sont continués, augmentés ou réduits suivant leur facilité, suivant leurs résultats, suivant la manière dont l'excitation est supportée.

Quand les conditions favorables à l'excitation semblent réunies, les divers traite­ments excitants sont employés suivant les circonstances. Certains traitements physi­ques sont souvent avantageux. Ici se pose le problème de l'usage de; toxiques exci­tants qui devraient être considérés uniquement comme des médicaments. Je ne peux reprendre ici entièrement cette discussion et j'en rappelle seulement la conclusion, c'est qu'il serait fâcheux de condamner entièrement cet usage quand il est modéré et sérieusement surveillé. D'ailleurs ces excitants comme l'alcool et l'opium seront moins dangereux si on ajoute l'usage des excitants proprement psychologiques tels qu'ils sont indiqués dans plusieurs méthodes psychothérapiques.

Ces méthodes, aussi bien l'aesthésiogénie que l'excitation par le travail consistent toujours à faire agir le malade, à déterminer chez lui une action: un nouveau problè­me se pose, en rapport avec un nouveau diagnostic : quelle action faut-il choisir ?

Certains malades ont déjà des impulsions qui les poussent vers telle ou telle action excitante. Le médecin doit d'abord étudier et régler ces impulsions qui presque tou­jours contiennent ou ont contenu quelque excitation utile, mais qui se sont transfor­mées par l'abus d'une manière dangereuse. Bien entendu il faut supprimer les actions dangereuses pour le malade au point de vue social ou hygiénique, il faut également lutter contre les impulsions que je qualifierais d'erronées dans lesquelles le malade cherche une excitation qu'elles ne peuvent pas lui fournir. Au contraire il est souvent juste de conserver au moins en partie certaines impulsions à la recherche de l'amour, de la domination, du succès, etc., qui dans leur principe ne sont pas absurdes. Le malade n'en obtient plus de bons effets d'abord parce qu'il agit maladroitement et qu'il ne réussit pas à obtenir ce qu'il désire, ensuite parce qu'il répète l'action trop souvent quand la tendance épuisée ne peut plus parvenir à l'activation complète. Le rôle du médecin est de régler ces impulsions plutôt que de les supprimer. Ce qui, comme on l'a vu, constitue principalement le danger des impulsions, c'est leur étroitesse, leur exclusivisme. Au lieu de chercher l'excitation dans un seul acte toujours le même, il faut la chercher dans diverses actions empruntées à diverses tendances, ce qui permet de réussir plus souvent et à moins de frais. Des instructions de ce genre arrivent plus souvent qu'on ne le croit à transformer des impulsions pathologiques en instruments de guérison. Bien souvent nous avons à faire à des malades déprimés qui n'ont pas d'impulsions et le rôle du médecin est quelque fois de travailler à leur en créer. Il faut leur indiquer des actions qu'ils soient capables d'accomplir et qui leur laissent des bénéfices et il faut leur apprendre à les accomplir correctement et complètement de la manière qui peut les rendre excitantes.

Quand le plus grand nombre des troubles sont déterminés par l'absence ou l'insuf­fisance d'une certaine action, comme cela arrive dans les réminiscences traumatiques et dans les accrochages, il est évident que c'est cet acte qu'il est particulièrement important d'obtenir.

Beaucoup plus souvent les actes insuffisants sont plus nombreux, se présentent plus fréquemment : il ne s'agit pas précisément de faire accomplir un. acte une fois pour toutes, mais de restaurer me tendance et d'apprendre au sujet à faire régulière­ment des actes d'une certaine nature. Chez les malades qui ont des phobies, par exemple, les angoisses qui semblent survenir dans des conditions déterminées sont le plus souvent la conséquence de l'insuffisance des actes qui devraient se réaliser dans ces circonstances. Dans certains cas il s'agit de restaurer des tendances psychologi­ques en rapport avec quelque fonction physiologique, l'alimentation et la respiration par exemple. Dans d'autres, il faut travailler à restaurer les actes sociaux car l'aboulie sociale joue un grand rôle dans nombre de phobies, dans les agoraphobies, les éreutophobies, les innombrables formes de la timidité pathologique. Quelquefois les troubles des malades indiquent l'arrêt d'une fonction intellectuelle, d'une certaine catégorie de perceptions, de croyances, de raisonnements et ici encore J'action qu'il faut rechercher semble assez bien déterminée.

Le plus souvent d'ailleurs il n'en est pas ainsi, la dépression porte sur l'esprit tout entier et la réalisation d'une action particulière ne semble pas beaucoup plus impor­tante que celle d'une autre. Ce serait une erreur de chercher quelque chose qui leur plaise, qui les intéresse, car leur maladie consiste justement en ce qu'ils ne peuvent s'intéresser à rien. L'intérêt est une forme de l'activité des tendances, il est déjà un degré d'activation et il faut que la tension soit déjà relevée pour qu'il y ait intérêt.

La seule préoccupation que l'on puisse avoir alors quand il s'agit de choisir l'action qui deviendra source d'excitation, est une préoccupation de commodité. Il est naturel de chercher avant tout l'action la plus facile à obtenir. Celle qui le plus facilement procurera au sujet un succès dans les conditions où il se trouve. Les plus simples de ces actions consistent en mouvements simples des membres que le malade peut exécuter sans avoir à parler et sans avoir à se préoccuper des personnes environ­nantes. La toilette, le ménage, la couture, la promenade, la bicyclette, les travaux de jardinage, de menuiserie, etc., sont de ce genre.

Des exercices beaucoup plus importants dont l'effet excitant peut être plus intense sont les actes où la parole entre en jeu. Il est souvent très utile de forcer certains malades à parler clairement d'un sujet quelconque. Quand ils sont fort déprimés, il n'y a guère qu'un sujet dont ils puissent parler, c'est d'eux-mêmes et de leurs souffrances. Quoique cela paraisse bizarre et même quelquefois dangereux, il me semble souvent utile de laisser le malade parler de lui-même abondamment et de l'amener à exprimer ses craintes et ses obsessions, en évitant bien entendu les excès de parole. Il faut seulement exiger que cette expression des idées soit faite avec le plus de clarté et de netteté possible.

Un exercice inverse peut avec avantage être associé à celui-ci : le malade qui raconte ses misères au médecin qui apprend à les dire complètement et d'une manière intelligible, doit en même temps éviter d'en parler à tort et à travers à tout le monde comme il le faisait auparavant. Il y a là un effort pour garder le silence devant les membres de la famille aussi avantageux pour ceux-ci que pour le malade. Quand un obsédé peut arriver à garder ses confidences pour le médecin et à simuler la guérison devant les autres personnes il a fait un pas énorme.

Ces deux conduites précédentes me paraissent de nature à mettre en exercice une tendance qui restait latente chez les malades de ce genre, la tendance à se confier à une personne déterminée. Ces malades en effet ont le besoin de se confier, mais en réalité n'arrivent pas à se confier : ils sont à la fois bavards et réservés, ils parlent à tort et à travers de certaines idées obsédantes et ils sont très renfermés sur leurs véritables sentiments et sur leurs préoccupations réelles. Dans la plupart des cas il est très utile de les amener à se montrer tels qu'ils sont. On petit rapprocher de ce travail un ensemble d'autres actions également difficiles, mais dont les effets sont bien intéressants, et qui consistent dans la conscience et l'expression des sentiments. Les névropathes sont considérés en général comme des sensibles et des émotifs, parce qu'ils sont disposés à présenter à tout propos et hors de propos des dérivations émotionnelles en apparence considérables, mais il ne faut pas, en conclure que leurs sentiments soient en réalité toujours justes et profonds. Exiger que le sujet cesse la blague et l'ironie quand il exprime un sentiment, qu'il ne l'arrête pas, qu'il le laisse se développer complètement, qu'il se fâche ou qu'il pleure réellement s'il en a envie, c'est là une opération délicate sans doute qui ne peut être faite que dans des circons­tances assez particulières, mais qui donne plus souvent qu'on ne le pense des résultats très intéressants.

On peut appeler exercices intellectuels ceux dans lesquels des efforts d'attention, de représentation, de comparaison joue un rôle. Ce sont là chez des malades d'esprit cultivé des actions assez faciles à organiser et à diriger et qui, quoique peut être moins puissantes que les actes matériels ou sociaux ont cependant une grande efficacité.

Il n'y a pas lieu d'insister davantage sur la nature des 'actes qui peuvent servir de point de départ à l'excitation, car l'essentiel n'est pas le contenu même de l'acte, mais la façon dont l'acte est exécuté. Des actes tout à fait les mêmes en apparence se sont montrés insignifiants, ou ont été le point de départ de dépressions graves, ou ont servi d'excitants et ont relevé pour longtemps la tension psychologique.

Il faut, comme on l'a vu, en étudiant le principe de l'excitation, que l'acte parvien­ne à son dernier terme, qu' « il soit terminé physiquement, socialement, psychologi­quement ». Pour déterminer une excitation du sujet il faut d'abord obtenir que l'acte soit réellement terminé d'une façon matérielle, de manière à ce quune modification nette des objets ou de la situation soit apparente. Cela est déjà difficile, car il s'agit de malades qui ne terminent guère et qui le plus souvent arrêtent leur action avant d'avoir obtenu une conclusion apparente. Le succès est un élément essentiel de ce traitement par l'action. Dans bien des cas le succès social sera caractérisé par l'attitude des témoins, par leurs félicitations, par les réponses aux lettres, par toutes sortes de preuves tangibles. Il est plus difficile de constater la perfection psychologique de l'acte. Il faut l'inférer des sentiments que le sujet exprime à ce propos. C'est pourquoi il faut obtenir que l'acte soit accompli avec conscience et que le sujet se rende compte de ce qu'il fait. Il faut voir disparaître les sentiments d'incomplétude qui d'ordinaire accompagnent les actions et voir apparaître à leur place les sentiments opposés, les sentiments du réel, de l'unité, de la liberté et surtout le sentiment de la satisfaction, du plaisir qui est un caractère important de l'acte complet.

Pour obtenir des actions de ce genre il est nécessaire de tenir compte d'un certain nombre de conditions. Il faut d'abord choisir le moment favorable : souvent le malade a besoin d'un repos préalable dans le plus grand calme. Dans bien des cas il faut une longue préparation, car un des caractères essentiels de cette activité pathologique est la lenteur. Bien souvent, si ces déprimés n'arrivent pas eux-mêmes à accomplir les actions utiles qui les relèveraient c'est que, dans les conditions normales de la vie, ils n'arrivent jamais à agir assez vite. Le changement rapide des circonstances et surtout le rythme ordinaire de la vie sociale ne leur laisse que rarement le temps suffisant pour agir. Le médecin les prend à part, les isole des autres circonstances et des autres personnes, il écarte la pensée des autres problèmes et force le malade à préciser les difficultés qui arrêtent son esprit, mais surtout il maintient pendant longtemps la pensée du malade sur la même action et lui donne le temps de la vouloir réellement.

Les traitements par excitation ne sont pas toujours applicables non seulement chez les malades trop affaiblis, mais encore chez les sujets pusillanimes, de mauvaise volonté ou que la maladie a rendus tels, chez ceux qui arrivent trop vite à des agita­tions ou à des épuisements dangereux ces traitements ne donnent que des résultats insignifiants. Il y a des malades chez qui cette excitation a été pendant un certain temps possible et utile et qui après quelques années retombent plus profondément et définitivement. J'ai montré à ce propos quelques expériences qui permettent de présager cette chute dans les démences psychasténiques progressives.

Mais il y a nombre de cas où ces mauvaises circonstances ne se présentent pas et où l'amélioration est intéressante. L'effet de cette excitation se manifeste quelquefois pendant la séance même : dans la première partie de la séance les malades arrivent déprimés, gémissants, mécontents d'eux-mêmes et des autres. Beaucoup après quel­ques efforts de volonté et d'attention changent au point de devenir méconnaissables. Malgré une certaine fatigue, ils entrent dans une période d'euphorie qui mérite bien d'être appelée une période d'influence.

Les malades plus ou moins débarrassés de leurs obsessions ont retrouvé la volonté et l'attention ; ils sont devenus capables d'agir, de s'adapter aux conditions sociales et mêmes de travailler utilement. Ils sont heureux et ils expriment leur bonheur avec un singulier enthousiasme : « Je vis avec plus d'entrain, je trouve du temps pour tout et j'ai de l'ordre ; ... à l'ahurissement de tous je deviens exacte, je rattrape ma person­nalité... Il me semble que j'assiste à un printemps de ma vie». Nous retrouvons les sentiments singuliers de voir plus clair, de trouver le jour plus brillant, de commencer une autre vie. A moins qu'il ne s'agisse de sujets tout à fait au terme de leur maladie, cette période heureuse ne se prolonge pas indéfiniment. Au bout d'un temps variable et d'ordinaire malheureusement assez court « un brouillard tombe de nouveau sur leur tête » l'énergie de leur activité disparaît et les sottises ordinaires recommencent.

Ces oscillations curieuses sont très importantes au point de vue psychologique, elles permettent d'étudier les modifications de la tension sous l'influence du travail et de la fatigue, sous l'influence des émotions tantôt excitantes, tantôt dépressives, elles donnent une explication curieuse des sécheresses et des béatitudes religieuses : au point de vue médical, elles sont précieuses pour indiquer les lois du relèvement des malades.

Soit par des procédés aesthésiogéniques quand leur application est possible, soit par d'autres excitations on peut relever un certain nombre de malades déprimés. Des états psychasténiques avec obsessions prolongées pendant des années peuvent être transformés, des crises de dépression peuvent être fort abrégées. La coïncidence des améliorations mentales avec les essais de ces thérapeutiques est souvent fort intéres­sante. Il y a dans les médications psychologiques par l'aesthésiogénie et l'exci­tation toute une thérapeutique qui est sans doute à ses débuts et dont l'application est encore difficile, mais qui complète dans des cas différents les médications par l'automatisme et par l'économie des forces.

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