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CHAPITRE IV THÉORIE DU PROCÉDÉ NEUROSCOPIQUE.

Nous avons décrit le procédé par lequel on peut mettre a l'épreuve et meme développer la suggestibilité des malades. Mais si cette description peut suffire au point de vue technique, il est sans doute indispensable, au point de vue scientifique, de chercher a comprendre le mode d'action de ce procédé, de le rattacher aux données de la physiologie, en un mot d'en faire la théorie. Nous ne nous dissimulons pas que c'est une tres difficile entreprise : aussi ne proposons nous les considérations qui vont suivre que comme des hypotheses plus ou moins appuyées par les faits et qui demandent a etre vérifiées plus completement par une nouvelle série de recherches expérimentales.

L'explication la plus simple paraît etre tout d'abord d'attribuer l'effet produit a la suggestion. En général, lorsque nous avons employé nous-meme notre procédé, nous nous sommes abstenus de faire connaître au sujet notre intention par la parole, mais ne pouvait-il la deviner ? En appliquant les mains sur son dos, l'opérateur, dira-t-on, suggere au sujet l'idée qu'il est en équilibre ; quand les mains se retirent, le sujet se suggere a lui-meme la perte d'équilibre et l'attraction.

Il se peut qu'en effet cette explication suffise dans certains cas, mais il ne nous semble pas possible qu'elle rende compte de tous les cas. Tout d'abord, il nous est souvent arrivé d'attirer des sujets a distance sans que nos mains eussent pris contact avec leurs omoplates. Comment, dans ces conditions, auraient-ils pu deviner que nous voulions les attirer ? On dira peut-etre qu'ils connaissaient, en tout cas, notre présence derriere leur dos, mais nous pouvons certifier que nous avons plusieurs fois obtenu ce meme effet a l'insu des personnes sur lesquelles nous agissions ainsi.

Ne pourrait-on tirer une preuve des faits d'attraction exercés au travers d'intermédiaires ? Soit, par exemple, deux individus, A et B. L'un, A, qui réagit avec force sous l'influence de notre procédé; l'autre, B, qui ne réagit pas. Nous prions A d'appliquer ses mains sur les omoplates de B, et nous appliquons nous-meme nos mains sur les épaules de A.

Chaque fois que nous les retirons, A reste immobile, B est attiré. L'expérience peut ne pas toujours réussir, en ce sens que l'influence ne se transmet pas chaque fois du premier au second individu ; mais elle réussit assez souvent pour qu'il n'y ait pas de doute sur la réalité du phénomene.

Donc nous croyons pouvoir conclure que la suggestion n'est pas la cause suffisante des effets produits par ce procédé.

Quel que soit le rôle que le cerveau du sujet peut jouer dans tous ces phénomenes, il y a certainement une action périphérique exercée par l'opérateur.

Ici deux problemes se posent, qu'il nous faut examiner successivement :

1° Sur quoi s'exerce cette action ?

2° Quel est l'agent qui l'exerce ?

La région sur laquelle on peut, par l'application des mains, produire les effets que nous avons décrits s'étend depuis la nuque jusqu'au bas de la colonne vertébrale, mais les trois points principaux d'application sont situés : 1° sur la nuque, immédiatement au-dessous du cervelet ; 2° a la hauteur de la troisieme vertebre lombaire, et 3° sur les omoplates, a égale distance de la deuxieme dorsale.

La main de l'opérateur, au travers des vetements, exerce sur la peau, dans les points indiqués, une tres légere pression et il se fait un échange de chaleur entre les deux surfaces mises en contact. Il ne paraît pas douteux que si la peau du sujet subit une influence, c'est grâce aux papilles nerveuses sensitives qui viennent s'épanouir dans toutes les cellules épidermiques.

Toutes ces ramifications nerveuses se rattachent aux nerfs rachidiens. Nous savons que ces nerfs sont mixtes ; les racines antérieures sont motrices ou centrifuges, les racines postérieures sont sensitives ou centripetes. Les fonctions de ces troncs mixtes formés par l'union des deux sortes de racines ne consistent pas seulement dans la répartition de la sensibilité et du mouvement aux diverses parties du corps. Les fibres a conduction centripete transmettent, en plus des sensations générales, les impressions tactiles et excito-motrices. Les fibres a conduction centrifuge sont non seulement motrices, mais encore vasomotrices, sécrétoires, trophiques. Mais quoique, dans ces nerfs, la conductibilité existe dans les deux genres de fibres il n'en est pas moins certain que l'excitation quelle qu'elle soit, produite par l'application de nos mains - la chaleur peut-etre - provoque chez les personnes hypnotisables une action réflexe suffisante pour l'obtention des phénomenes neuroscopiques. C'est par l'intermédiaire de ces nerfs que l'expérimentateur développe deux sortes d'effets : 1° des sensations ; 2° des mouvements.

On rencontre, il est vrai, quelques sujets qui prétendent n'éprouver aucune sensation spéciale et qui ne semblent avertis de l'action exercée sur eux - surtout quand on agit a distance - que par les mouvements involontaires qu'on leur imprime, mais c'est la un cas exceptionnel. Il est d'ailleurs permis de supposer que les mouvements observés s'accompagnaient chez eux de sensations inconscientes. En regle générale, les premiers effets produits consistent tantôt en sensations de chaleur plus ou moins intense, parfois intolérable, plus rarement en sensations de froid glacial, etc., etc. Mais l'effet le plus intéressant peut-etre, parce qu'il est objectif et que tout le monde peut le constater, c'est le mouvement d'attraction, souvent irrésistible, par lequel le sujet se porte en arriere, dans la direction des mains de l'opérateur.

Faut-il y voir un simple réflexe, déterminé par les sensations propres du sujet, ou serait-ce, plutôt, un effet direct de quelque force émanée des mains de l'opérateur ? Il nous est impossible de répondre a la question tant que nous n'aurons pas examiné le second probleme que nous énoncions tout a l'heure, a savoir : quel est l'agent qui produit l'ensemble des effets obtenus par le procédé neuroscopique.

Nous touchons ici un point bien délicat.

Trois hypotheses se présentent a nous :

1° La cause inconnue réside dans la pression que les mains de l'opérateur exercent sur les terminaisons nerveuses ; 2° elle réside dans la chaleur rayonnée par la main ; 3° enfin elle réside dans l'influx nerveux qui, par une sorte d'induction, influencerait les nerfs du sujet.

Nous ne nierons pas que la pression ne puisse contribuer dans une certaine mesure aux phénomenes, soit parce qu'elle suggestionne indirectement le sujet en l'incitant a prendre un point d'appui sur les mains de l'opérateur, soit aussi parce qu'elle produit une sorte d'énervement local dans la région touchée.

Nous avons, en effet, remarqué qu'en malaxant et percutant légerement cette région pendant quelques instants, on rend l'attraction plus rapide et plus forte. Mais cette hypothese n'est plus applicable lorsqu'on agit sans contact, en présentant simplement les mains a quelques centimetres de distance. La pression peut donc etre une cause adjuvante ou concourante; elle n'est certainement pas la cause principale et déterminante.

Il nous paraît plus difficile d'apprécier l'action de la chaleur. D'une part, nous avons cru observer que l'opérateur agissait d'autant mieux que la température de ses mains était plus élevée. On sait aussi que la chaleur a une influence hypnotique ; on s'endort plus facilement en été dans les journées chaudes. Un expérimentateur allemand a pu transformer le sommeil ordinaire de certaines personnes par la présentation, a quelques centimetres du front, de plaques métalliques chauffées.

Mais, d'autre part, certains expérimentateurs, nous avons pu le constater nous-memes produisent des effets tres marqués, quoique leurs mains soient habituellement froides. En outre, lorsque les mains n'entrent pas en contact avec le dos, qu'elles en sont séparées par un intervalle qui peut varier de quelques centimetres a plusieurs metres, comment la chaleur agirait-elle ? Il faudrait supposer dans les nerfs de la région une sensibilité thermique vraiment extraordinaire. Cette hyperesthésie serait peut-etre vraisemblable si le sujet était en état d'hypnose, mais a cette premiere phase de l'expérimentation, il est absolument dans son état normal. Ajoutons que si l'on fait agir sur le meme sujet, dans les memes conditions, deux opérateurs différents, il arrive souvent que l'un exerce une action tres forte, tandis que l'influence de l'autre est nulle ou a peu pres nulle. Or, cette différence ne paraît point liée a une inégalité de température. Enfin, lorsque celui de ces deux opérateurs qui est efficace ajoute son action a celle de l'autre, le sujet se sent immédiatement attiré par celui-ci. On ne peut guere supposer que la chaleur du premier expérimentateur se transmet au second et de celui-ci au sujet.

Il semble donc bien que, dans tous ces phénomenes, la chaleur, comme la pression, ne fasse que recouvrir ou accompagner une autre force susceptible d'agir a distance avec une extreme rapidité.

Nous sommes ainsi amené a poser et a discuter une troisieme hypothese. Ne serait-ce pas l'influx nerveux qui, s'échappant des extrémités digitales de l'opérateur, envahirait les nerfs du sujet et y déterminerait, soit directement, soit plutôt en provoquant une action réflexe, les différents phénomenes que nous avons signalés ?

Mais cette hypothese implique un fait que la physiologie actuelle du systeme nerveux ne nous autorise pas, ce semble, a admettre, a savoir : que la force nerveuse peut agir a distance d'un individu sur un autre, soit par un rayonnement analogue a celui de la chaleur et de la lumiere, soit par une sorte d'influence ou d'induction analogue a celle de l'électricité statique ou dynamique.

En vérité, nous savons que l'électricité est partout, que tous les corps en sont imprégnés ; or, le corps humain ne peut échapper a cette loi ; aussi, pouvons-nous penser que l'énergie emmagasinée dans le corps de l'opérateur peut, par un effort de la volonté de ce dernier, franchir les limites de son corps et, de meme que les ondes hertziennes, aller influencer une personne impressionnable ; ce que deux appareils de physique peuvent produire, deux systemes nerveux peuvent le réaliser, l'éther devant tout aussi facilement servir de véhicule a cette force qu'aux autres.

Donc, il faut bien avoir le courage de le reconnaître, l'hypothese qui nous est suggérée par l'analyse du procédé neuroscopique ressemble singulierement a l'hypothese mesmérienne du magnétisme animal.

La science a pendant longtemps écarté cette hypothese avec une sorte de mépris systématique, et encore a l'heure présente, le mot meme de magnétisme animal sonne désagréablement aux oreilles de la plupart des savants. Et cependant, s'il fallait citer de grandes autorités scientifiques qui n'ont pas craint d'admettre la possibilité ou meme la réalité du magnétisme animal, nous pourrions invoquer ici les noms des Laplace[4], des Cuvier, des Arago, etc. Laplace dit :

 « De tous les instruments que nous pouvons employer pour connaître les agents imperceptibles de la nature, les plus sensibles sont les nerfs, surtout lorsque des causes particulieres exaltent leur sensibilité. C'est par leur moyen qu'on a découvert la faible électricité que développe le contact de deux métaux hétérogenes, ce qui a ouvert un champ vaste aux recherches des physiciens et des chimistes. Les phénomenes singuliers qui résultent de l'extreme sensibilité des nerfs dans quelques individus ont donné naissance a diverses opinions sur l'existence d'un nouvel agent, que l'on a nommé Magnétisme animal, sur l'action du magnétisme ordinaire, sur l'influence du soleil et de la lune dans quelques affections nerveuses ; enfin, sur les impressions que peut faire éprouver la proximité des métaux ou d'une eau courante. Il est tres naturel de penser que l'action de ces causes est tres faible et qu'elle peut etre facilement troublée par des circonstances accidentelles. Ainsi, parce que dans quelques cas elle ne s'est pas manifestée, il ne faut pas rejeter son existence. »

« Nous sommes si loin de connaître tous les agents de la nature et leurs divers modes d'action qu'il serait peu philosophique de nier des phénomenes uniquement parce qu'ils sont inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances; seulement nous devons les examiner avec une attention d'autant plus scrupuleuse qu'il parait plus difficile de les admettre. »

Cuvier[5] s'exprime ainsi :

            « Les effets obtenus sur des personnes déja sans connaissance, avant que l'opération magnétique commençât, ceux qui ont lieu sur les autres personnes apres que l'opération meme leur a fait perdre connaissance, et ceux que présentent les animaux ne permettent guere de douter que la proximité des deux corps animés, dans certaines positions et avec certains mouvements, n'ait un effet réel, indépendant de toute participation de l'imagination. Il parait assez clairement aussi que ces effets sont dus a une communication quelconque qui s'établit entre deux systemes nerveux. »

« Je ne saurais, dit Arago, approuver le mystere dont s'enveloppent les savants sérieux qui vont assister aujourd'hui a des expériences de somnambulisme. Le doute est une preuve de modestie, et il a rarement nui au progres des sciences. On n'en pourrait dire autant de l'incrédulité. Celui qui, en dehors des mathématiques pures, prononce le mot impossible manque de prudence. La réserve est surtout un devoir quand il s'agit de l'organisation animale.»

Jusqu'ici sans doute la physiologie a enseigné que la force nerveuse, quelle qu'en soit d'ailleurs la nature intime, ne peut que circuler le long de ses conducteurs naturels, qui sont les nerfs, sans pouvoir se répandre en dehors du réseau nerveux. Mais les récentes découvertes de Golgi et de Ramon y Cajal, ainsi que les théories histologiques déduites de ces découvertes, par notre éminent maître M. le professeur Mathias Duval, et si magistralement exposées par M. le docteur Charles Pupin dans sa these inaugurale le Neurone[6], ont profondément modifié les idées des physiologistes contemporains sur la structure et, par conséquent, aussi sur les fonctions du systeme nerveux.

On croyait autrefois a la continuité absolue du systeme nerveux, en ce sens qu'on supposait les différents centres reliés les uns aux autres par des fibres ramifiées et anastomosées sans solution de continuité. On sait aujourd'hui que les éléments histologiques du systeme nerveux, c'est-a-dire les neurones ou cellules nerveuses, avec l'ensemble de leurs prolongements, sont indépendants les uns des autres, non solidaires, non continus, et qu'ils ne communiquent entre eux qu'en établissant une contiguité temporaire et purement fonctionnelle entre leurs ramifications terminales. Par conséquent, si, pour fixer les idées, on compare l'influx nerveux a une sorte de courant, il n'est pas vrai que, meme dans l'intérieur du corps d'un individu, ce courant circule d'une façon continue a travers une partie plus ou moins considérable du réseau nerveux ; pour passer d'un neurone a un autre, il doit forcément franchir l'intervalle qui les sépare.

Donc, si nous nous trompons, la nouvelle théorie de la cellule nerveuse et de l'influx nerveux semble plutôt favoriser que contredire expressément l'hypothese du magnétisme animal. Celle-ci n'est, en quelque sorte, que l'extension de celle-la, puisqu'elle ne fait qu'étendre a deux cellules nerveuses, appartenant a deux organismes distincts, la loi que la premiere établit pour deux cellules nerveuses appartenant au meme organisme.

Il est vrai que cette action de la force nerveuse hors d'un organisme sur un autre demande a etre prouvée directement, car elle a contre elle, au point de vue physiologique, cette objection que la peau est une barriere et que l'épiderme est, comme le prouve l'expérience célebre de Dubois-Reymond, un assez mauvais conducteur de l'électricité et par conséquent presque un isolateur. Cependant les contractions musculaires forment un courant léger capable de dévier de quelques degrés l'aiguille du galvanometre (Dubois-Reymond).

Il est vrai aussi que rien ne prouve l'identité de la force nerveuse et de l'électricité ; elles ont certainement de grandes analogies et, comme toutes les forces de la nature, elles doivent etre des manifestations corrélatives de l'énergie. Mais leurs différences sont trop nombreuses et trop importantes pour qu'on ait le droit de les identifier absolument. Donc, de ce que l'épiderme conduit mal l'électricité, il ne s'ensuit point qu'il ne puisse, sous certaines conditions, etre perméable a la force nerveuse.

Quelles preuves pourrait-on donner en faveur de cette hypothese ?

La preuve décisive consisterait a produire, au moyen de la force nerveuse, des modifications matérielles, des mouvements visibles dans un objet extérieur au corps humain, par exemple, dans un appareil tel que la boussole ou le galvanometre.

On a un certain nombre d'observations qui sembleraient prouver que des individus, plus ou moins atteints d'affection nerveuse, ont en effet produit des phénomenes de cet ordre.

La jeune Angélique Cottin, par exemple, si bien observée par plusieurs médecins, fut, pendant quelque temps, une vraie bouteille de Leyde.

Cette jeune fille, âgée de 14 ans, habitait le village de Bouvigny, pres de Perrieres (Orne), et était, d'apres les observateurs qui l'ont étudiée, petite de taille, robuste de corps, d'une apathie extreme.

Voici ce qu'en dit le docteur Verger, le premier médecin qui ait observé Angélique Cottin :

« Tout ce que j'ai vu a été vu par un grand nombre de personnes dignes de foi, par des notabilités du pays et plusieurs ecclésiastiques, et qui ont la conviction profonde d'avoir bien vu. Peu de jours apres l'invasion de cette propriété singuliere j'étais avec M. Fromage, pharmacien, M. Vacher, M. le curé de la Perriere, quand on m'en parla. L'incrédulité fut ma premiere pensée, la négation ma premiere réponse : je ne supposais pas de mauvaise foi aux personnes qui me racontaient des effets aussi extraordinaires, mais je pensais qu'elles s'étaient trompées dans leurs observations. Je me rendis donc a la Muzerie, avec une forte prévention contre tout ce que j'entendais dire d'Angélique Cottin, que je connais d'ailleurs depuis longtemps, ainsi que toute sa famille ; j'y trouvai beaucoup de monde, car ces événements faisaient déja beaucoup de bruit. Les choses se passerent, comme on vous l'a dit, en notre présence. »

« Nous prîmes toutes les précautions possibles pour n'etre pas trompé : nous vîmes bien, tres bien, des effets a distance, c'est-a-dire par le simple contact, soit d'un fil de soie ou du tablier d'Angélique, soit du bas de sa jupe ; le guéridon auquel son fil était accroché a été brusquement renversé, malgré ma résistance. La jeune fille paraissait entraînée irrésistiblement vers les objets qui fuyaient devant elle. Nous expérimentâmes sur la chaise, l'effet eut lieu. Nous répétâmes deux fois l'expérience du panier avec succes. »

« J'appris de M. de Farémont tout ce qu'il avait observé chez la fille Cottin ; il la voit tous les jours ; son humble chaumiere est au pied de son château. Il donna beaucoup de soins et de consolations a cette famille pauvre et désolée, qui attribuait au sortilege la position de la jeune fille, devenue incapable de travailler. »

« Je fis part de tous ces phénomenes a M. Hébert, dont on ne saurait trop louer la capacité et le zele pour la science. »

Le docteur Lemonier, médecin a Saint-Maurice (Orne), et le docteur Beaumont-Chardon, médecin a Mortagne, ont observé Angélique Cottin et affirment la réalité des phénomenes. (Voir, pour plus de détails, les Mysteres de la Science, par Louis Figuier.)

Louis Figuier dit, au sujet d'Angélique Cottin, faisant allusion au rapport de la commission de l’Académie des sciences chargée d'examiner la jeune fille :

« Malgré toute l'autorité des savants qui ont signé ce rapport, nous ne croyons pas que la jeune villageoise de Bouvigny ne fut qu'une adroite faiseuse de tours d'adresse, qui aurait sciemment trompé le public. Si les phénomenes d'attraction et de déplacement mécanique ne se produisirent point dans les deux séances de la commission académique tenues au Jardin des Plantes, ce résultat négatif ne peut infirmer le témoignage de milliers de personnes qui avaient constaté ce fait dans le département de l'Orne. Nous ne pouvons admettre que tant d'observateurs, dont on a lu les récits consciencieux et détaillés, aient été dupes de la rouerie d'une fille dont l'intelligence était fort bornée. Il est plus simple d'admettre que le phénomene anormal qui s'était produit dans son économie, apres s'etre manifesté au début avec une certaine violence, avait perdu peu a peu de son intensité, et avait fini par disparaître. »

Le docteur G. Pineau, médecin aux Peluies (Cher), observa, en 1857, sur une jeune fille nommée Honorine Seguin, les memes phénomenes produits par Angélique Cottin.

Une autre jeune fille[7], Adolphine Benoît, servante a Guillonville, fit assez de bruit par les phénomenes étranges qui se produisaient a son approche, phénomenes analogues a ceux produits par la jeune Cottin.

En 1880, les journaux américains faisaient mention d'une nouvelle fille électrique, observée au Canada[8].

Mais des observations sont toujours plus obscures et moins probantes que des expériences. Nous attribuons donc une plus grande valeur aux expériences faites par Lafontaine et de Humboldt, quoique la commission de l'Académie des sciences n'ait pas réussi a les reproduire. Il faut sans doute, pour que le phénomene se produise, des appareils d'une sensibilité extraordinaire. Nous savons qu'il existe a Paris, chez M. le comte de P…, un galvanometre construit par Rhumkorff, qui remplit cette condition. La bobine intercalée entre les deux aiguilles astatiques est assez volumineuse pour supporter l'enroulement de 80 kilometres de fil d'argent.

Il a été d'ailleurs décrit dans I'Encyclopédie populaire de Cornil (librairie Poussielgue, article Magnétisme animal).

L'organisme humain agit sur ce galvanometre comme le ferait une source d'électricité, c'est-a-dire qu'il fait dévier l'aiguille plus ou moins rapidement a gauche ou a droite, d'un certain nombre de degrés. Seulement il faut remarquer que ces déviations n'ont ni le meme sens ni la meme amplitude pour les différentes personnes, et ce qu'il y a surtout d'extraordinaire, c'est qu'on peut, par un effort de volonté, du moins avec un certain entraînement, faire mouvoir l'aiguille dans le sens que l'on désire, accélérer ou retarder son mouvement, l'arreter enfin sur tel degré fixé d'avance. Il faut, pour obtenir cet effet, s'abstenir de tout effort moteur, de toute contraction musculaire, mais concentrer toute son attention sur la partie du corps, droite ou gauche, vers laquelle on veut diriger l'aiguille. En tout cas, dans ces curieuses expériences dont nous avons été témoin, l'homme agit sur l'appareil comme le ferait une pile douée de volonté. Il serait bien désirable que des expériences méthodiques fussent instituées pour vérifier et déterminer les propriétés du magnétisme animal au moyen de ce galvanometre.

On pourrait encore prouver le rayonnement de la force nerveuse par la vision des sujets qui prétendent percevoir les effluves magnétiques dans l'obscurité la plus complete, si les affirmations des sujets n'étaient pas toujours entachées de suggestion et d'auto-suggestion. Il nous semble bien pourtant que, dans les trois premieres séries d'expériences rapportées par M. de Rochas dans son livre sur l'Extériorisation de la sensibilité, toutes les précautions ont été prises pour éliminer cette cause d'erreur. Mais le véritable moyen de lever tous les doutes, ce serait de photographier les effluves. Nul ne pourrait plus douter du magnétisme animal, le jour ou l'on pourrait en montrer le spectre sur une plaque sensible. Nous ne désespérons pas de voir ce probleme résolu.

Dans l'état actuel de nos expériences et de nos connaissances, nous devons nous contenter de tirer nos preuves de l'action exercée sur les etres vivants. Or, c'est surtout ici que l'objection de la suggestion et de l'auto-suggestion devient redoutable.

Les premiers magnétiseurs attribuaient indistinctement au magnétisme animal tous les phénomenes qu'ils observaient sur leurs sujets. Or, nous savons aujourd'hui, apres les travaux de Faria et de Braid, apres ceux de l'école de Paris et de l'école de Nancy, que ces phénomenes peuvent etre, pour la plupart, produits en dehors de toute influence magnétique, par l'hypnotisme ou la suggestion.

Il ne suffirait donc pas, pour prouver l'action a distance de la force nerveuse, de dire qu'on a endormi des sujets soit par le regard, soit par des passes, car il se peut que le regard n'agisse que par l'hypnotisme et que les passes doivent a la suggestion toute leur efficacité.

Les seules expériences probantes, au point de vue particulier ou nous nous plaçons ici, sont donc celles d'ou toute suggestion, toute hypnotisation proprement dites sont rigoureusement exclues, et ou le seul agent employé ne peut etre que la force nerveuse présumée, opérant a plus ou moins grande distance. Ces conditions ne sont-elles pas remplies dans les expériences qui ont pour sujets les animaux, comme celles dont nous trouvons le récit dans Lafontaine[9] ?

« J'ai fait des essais sur plusieurs animaux, et j'ai obtenu un plein succes. Le public de Paris se rappelle sans doute le chien que je présentai, le 20 janvier 1843, dans une séance publique, salle Valentino.

« C'était un petit lévrier qui m'avait été donné depuis huit jours ; quinze cents personnes se trouvaient dans la salle, parmi lesquelles beaucoup d'incrédules et de malveillants.

« Des les premieres passes que je fis pour endormir le chien, ce fut une explosion de railleries et de sifflets. On appelait l'animal, on cherchait a détourner son attention et a empecher l'effet de se produire.

«Je le tenais sur mes genoux : d'une main, je lui prenais une patte, et de l'autre je faisais des passes de la tete au milieu du corps. Apres quelques minutes, le silence le plus profond régnait dans la salle ; on avait vu la tete du chien tomber de côté et s'endormir profondément. Je lui cataleptisai les pattes, je le piquai, et le chien ne donna aucun signe de sensation. Je me levai et le jetai sur un fauteuil ; il resta sans faire le plus petit mouvement : C'était un chien mort pour tous. On lui tira un coup de pistolet a l'oreille : rien n'indiqua qu'il eut entendu.

« Plusieurs personnes vinrent lui enfoncer des épingles par tout le corps : c'était un vrai cadavre.

« Je le réveillai, et aussitôt il redevint vif, gai, comme il était auparavant, le nez en l'air, tournant la tete a chaque bruit, a chaque appel.

« Ici on ne pouvait plus douter, on ne pouvait plus croire au compérage ; il fallait admettre le fait, le fait physique, l'action sur les animaux. »

Lafontaine affirme avoir agi ainsi sur des lions, des chats, des lézards. Si ses dires sont exacts, et nous n'avons pas de raison d'en douter, puisque les expériences de Lafontaine eurent beaucoup de témoins, nous ne pouvons guere attribuer ces faits a la suggestion.

Ces conditions paraissent aussi suffisamment remplies dans les expériences d'action a distance faites par le baron du Potet et rapportées par lui dans son Cours de magnétisme en douze leçons. Nous donnerons plus loin ces preuves irréfutables.

Ces expériences ont été reprises de nos jours avec un dispositif expérimental tres méthodique et tres précis par M. le professeur Boirac, auquel nous emprunterons quelques citations.

Comment expliquer, dans les hypotheses classiques de l'hypnotisme et de la suggestion, l'action des passes sur des personnes déja endormies du sommeil naturel, dont voici un exemple tres significatif, emprunté aux Bulletins de la Société de psychologie (Revue Philosophique, no 21, 1886, p. 674) :

« Pendant l'été de 1854, a Paris, plusieurs étudiants en médecine se trouvaient réunis dans un appartement de la rue de l'Est, habité par l'un d'eux. Les étudiants travaillaient a une table, ne pretant nulle attention a une femme, profondément assoupie, non loin de la, sur un fauteuil.

« A ce moment entra T... (le docteur Tainturier, qui fut maire de Dijon, et mort il y a quelques années).

«A cette époque, T... avait un peu la manie de magnétiser toutes les femmes qu'il rencontrait. Il vit celle-ci endormie, et commença a pratiquer sur elle des passes magnétiques, d'une seule main, d'apres la méthode dite de Deleuze, ou de Puységur.

« Au bout d'un tres court instant, on remarqua les contractions du bras, chaque fois que la main de T... frôlait le membre.

« La femme parut avoir passé du sommeil naturel au sommeil magnétique.

« Les symptômes physiologiques étaient tres nettement accusés : convulsion des pupilles en haut, hyperesthésie, immobilité cataleptique des membres dans la situation ou on les plaçait.

« Les manifestations psychologiques ne furent pas moins remarquables.

« Exaltation de la mémoire, acuité des sens augmentée ; rien n'y manqua.

« Apres une séance assez prolongée, T... fit les passes du réveil sur la partie supérieure du corps. La femme ouvrit les yeux et étendit les bras. Mais lorsqu'on lui donna ordre de se lever pour partir, elle sembla paralysée des jambes. Enfin T... la réveilla completement et elle put se lever.

« La femme avait été bien réellement endormie inconsciemment. Elle avait perdu la mémoire de ce qui s'était passé, et, faisant allusion aux dernieres passes pratiquées sur les jambes, elle demandait : « Qu'est-ce qu'il me voulait celui-la ? » Depuis cette époque, et a plusieurs reprises, la femme fut endormie par les memes procédés. Elle ne voulait pas consentir a etre magnétisée, se refusant de servir de jouet aux étudiants. On prenait alors le parti de la laisser livrée a elle-meme sans lui adresser la parole. Comme elle était fort illettrée, et n'avait aucun gout pour aucune occupation, elle s'endormait sur son fauteuil. Lorsqu'elle était enfin plongée dans un sommeil naturel, on pratiquait les passes, et on la faisait entrer dans un sommeil somnambulique, parfaitement caractérisé ». (Dr Bonnassier).

On a, il est vrai, objecté a plusieurs de ces expériences quelles prouvaient non le magnétisme animal, mais la suggestion mentale. Il nous semble que cette objection repose sur une étrange confusion d'idées. Que peut etre en effet la suggestion mentale sinon un cas particulier du magnétisme animal ? Il ne faut pas nous laisser tromper ici par le mot de suggestion, ce qu'il y a de remarquable dans ce phénomene, ce n'est pas que l'individu réalise la suggestion, c'est qu'il la reçoive a distance, en dehors de tous les signes habituels du langage ou de la physionomie, par la seule vertu de la volonté ou de la pensée. Or, ceci ne peut se comprendre qu'en supposant que le cerveau de l'opérateur agit par une sorte de rayonnement ou d'induction sur le cerveau du sujet. Donc, a nos yeux, tout ce qui prouve la suggestion mentale, la transmission de pensée, etc., prouve a fortiori le magnétisme animal.

Or, malgré les dénégations systématiques des écoles de Paris et de Nancy, rien ne nous paraît moins douteux que cette possibilité de l'action a distance d'un cerveau sur un autre. Nous en trouverons des preuves d'abord dans les célebres expériences de du Potet a l'Hôtel-Dieu, ensuite dans celles faites au Havre par MM. le Dr Gibert et Pierre Janet, dont nous en citerons quelques-unes[10].

Les premiers partisans du magnétisme animal, qui lui donnerent son nom, imbus des idées scientifiques de leur temps, se représentaient un fluide plus ou moins subtil, de nature spéciale, qui émanerait des mains, des yeux, du cerveau de certains individus : c'était l'époque ou la physique admettait un grand nombre de fluides, autant qu'il en fallait pour expliquer les différentes catégories de phénomenes naturels : lumiere, chaleur électricité, magnétisme, etc. Entendue en ce sens, l'hypothese du magnétisme animal est en contradiction formelle avec toutes les théories de la science actuelle et nous n'avons nullement l'intention de la soutenir.

La physique contemporaine a fait bon marché de tous les fluides imaginaires admis par la physique du siecle dernier ; elle explique tous les phénomenes naturels en les rapportant a une seule et meme cause : l'énergie ou la force soit actuelle, soit potentielle, dont la somme reste constante, mais qui peut revetir un tres grand nombre de formes différentes. Ce sont ces modalités de l'énergie, toutes convertibles entre elles, qui, se manifestant a nos sens par des effets plus ou moins dissemblables, constituent la chaleur, la lumiere, l'électricité, l'affinité chimique, etc.

Si donc on tient a conserver le nom de magnétisme animal, pour désigner l'action que des etres vivants peuvent exercer les uns sur les autres, a distance, par une sorte de rayonnement ou d'influence réciproque de leurs organismes, il ne peut évidemment etre lui aussi qu'un mode particulier de l'énergie, intimement lié a tous les autres, pouvant se convertir en eux comme ils peuvent se convertir en lui ; et il ne saurait nullement etre question ici d'un soi-disant fluide spécial qui serait exclusivement propre aux etres humains ou meme a certains individus exceptionnels de l'espece humaine.

Il est vrai que, pour rendre compte de toutes les transformations et équivalences des forces de la nature, nos physiciens contemporains se croient obligés de supposer, outre la matiere pesante, que nos sens perçoivent plus ou moins directement, une matiere impondérable qu'ils conçoivent a l'image des fluides les plus subtils et qu'ils appellent l'éther. C'est le fluide éthéré qui, selon eux, sert de récipient et de véhicule aux vibrations, ondulations et en général aux mouvements de toutes sortes par lesquels se produisent tous les phénomenes de la nature. A ce point de vue, la force bio-magnétique ne peut etre, elle aussi, qu'un mode particulier des mouvements de l'éther. Or nul ne peut prétendre que toutes les especes de mouvements dont l'éther est susceptible soient d'ores et déja connus et déterminés a priori ni, a plus forte raison, qu'elles aient été observées et analysées a posteriori. A côté des forces que nous connaissons déja, il en existe certainement beaucoup d'autres qui ont encore échappé a nos conceptions et a notre expérience et que la science de l'avenir découvrira sans doute.

La découverte des rayons Roentgen, celle plus récente du radium et d'autres corps radio-actifs, montrent assez clairement combien il serait téméraire de vouloir borner a jamais, par des négations de parti pris, le champ des explorations scientifiques de nos arriere-neveux.

Cependant, il faut bien l'avouer, presque tous les savants se sont montrés jusqu'ici résolument hostiles a l'hypothese du magnétisme animal, et une résistance aussi générale, aussi tenace, tient sans doute a des causes profondes qu'il n'est pas sans intéret de rechercher ici.

La premiere, sinon la plus importante de ces causes, est en somme étrangere a la science, mais « pour etre savant on n'en est pas moins homme ».Des son apparition, le magnétisme animal a été surtout prôné, soit par des savants plus ou moins honorés, comme Mesmer, soit par des amateurs, soit meme, hélas ! Par des charlatans. On l'a présenté comme une sorte de panacée universelle, ou, ce qui est pire, comme une sorte de magie, de sorcellerie dont les secrets violeraient toutes les lois de la nature. Au lieu de le soumettre a l'épreuve d'une expérimentation méthodique et prolongée, on s'est hâté de le rédiger en un corps de doctrines, et on en a tiré, sans plus ample examen, toute une médecine nouvelle qu'on a prétendu substituer d'emblée a la médecine traditionnelle, ouvre de plusieurs siecles de travaux.

On comprend que les savants aient été médiocrement attirés par une hypothese qui se présentait a eux sous de si mauvais auspices. Il a fallu un véritable courage a ceux d'entre eux qui, comme Broussais, Husson, Bertrand, Teste, Charpignon, etc., ont osé la regarder de pres et reconnaître qu'elle contenait une vérité.

Nous ne devons pas avoir moins de reconnaissance et moins d'admiration pour Charcot, Mathias-Duval, Dumontpallier, Charles Richet, Luys, Liebeault, Bernheim, etc., qui, au moment ou le magnétisme animal paraissait completement discrédité, ou le nom meme en était proscrit, ont de nouveau appelé l'attention du monde savant sur les phénomenes étudiés par les anciens magnétiseurs, et ont définitivement forcé le public a admettre la réalité, jusqu'alors contestée, du somnambulisme artificiel.

Mais a cette raison de sentiment s'ajoutent des raisons d'ordre véritablement scientifique.

Tout d'abord, dans toutes les sciences, c'est une regle fondamentale qu'il ne faut supposer une nouvelle force que lorsqu'il est absolument impossible de faire autrement ; c'est la ce qu'on a appelé « la loi d'économie ». Il est inutile de peupler la nature d'une multitude d'entités imaginaires, comme le faisait l'ancienne philosophie, principalement au Moyen âge. Nous avons des preuves directes de l'existence de la chaleur, de la lumiere, de l'électricité, etc., car toutes ces forces tombent plus ou moins completement sous notre observation : donc ce n'est pas faire des hypotheses gratuites que d'admettre leur réalité. Mais il n'en est pas ainsi du magnétisme animal. Cette force ne peut se conclure qu'indirectement d'un certain nombre d'effets qu'il serait impossible d'expliquer par toute autre cause. Donc, avant de recourir a cette hypothese, on doit essayer toutes les autres issues. On doit, par conséquent, rechercher si les propriétés déja connues de la chaleur, de l'électricité, de la force nerveuse, de l'imagination, de l'imitation, de la sympathie, etc., etc., ne suffiraient pas a rendre compte des phénomenes qu'on attribue a tort a une force nouvelle, non définie, non classée, telle que le magnétisme animal. Ce raisonnement nous paraît, en effet, légitime. Si l’on peut se passer de cette hypothese, il est inutile de la faire. Mais justement toute la question est de savoir si l'on peut s'en passer. Or, il nous semble bien que les faits l'imposent. Aucune des forces, actuellement connues, ne peut rendre vraiment compte de ces phénomenes d'attraction et d'action a distance que nous signalerons et qui se multiplieront encore, nous n'en doutons pas, a mesure qu'ils seront étudiés par un plus grand nombre d'expérimentateurs.

Une seconde raison fait encore hésiter les savants qui seraient tentés d'admettre cette nouvelle force, ou plutôt cette nouvelle modalité de la force. Sans en avoir peut-etre bien clairement conscience, ils se font, en quelque sorte, le raisonnement que voici : supposez que le magnétisme animal existe, il doit faire partie de la nature d'une façon normale et constante. Ainsi, chaque organisme doit rayonner perpétuellement cette influence particuliere, et par conséquent aussi la recevoir des organismes voisins.

Comment alors se fait-il que le magnétisme animal se manifeste d'une façon si irréguliere, si intermittente, dans des cas aussi peu fréquents et toujours plus ou moins exceptionnels ?

« Vous nous prouvez, pourrait-on dire, aux partisans de cette hypothese, l'existence et l'action de cette force au moyen d'expériences qu'on ne peut réussir qu'avec certains sujets particuliers, que vous avez en quelque sorte dressés pour cela, et cependant, encore une fois, si la force est réelle, elle doit exister et agir partout et toujours. » Voila bien en effet la principale difficulté de l'hypothese du magnétisme animal, mais nous ne croyons pas qu'elle constitue une objection insurmontable.

Il n'est peut-etre pas une seule force dans la nature dont l'action ne puisse etre contrebalancée par celle des autres forces, et qui, par conséquent, n'ait besoin de certaines conditions spéciales pour devenir pleinement accessible a notre observation.

Faites agir l'aimant le plus puissant sur l'or, l’argent, le cuivre, le plomb, l'étain, etc., vous n'aurez pas le moindre soupçon de ses propriétés attractives. Mettez-le devant le fer, aussitôt la force magnétique se révélera.

Sans le dispositif expérimental imaginé par le Professeur Roentgen, avec la collaboration du hasard, les physiciens seraient passés éternellement a côté des rayons X, sans se douter de leur existence. Avant que Pasteur eut montré le rôle immense des microbes dans la nature, qui en connaissait seulement le nom ? Mais c'est surtout l'électricité, qui, a notre avis, nous aidera a comprendre comment une force peut etre a la fois absolument constante dans ses effets réels, dans ceux qu'elle produits au sein de la nature, et absolument inconstante dans ses effets apparents, dans ceux qu'elle laisse arriver jusqu'a nos sens, aussi longtemps du moins que nous n'avons pas réussi a la capter et a l'emprisonner dans nos appareils. En effet, l'ancienne physique ignorait a peu pres entierement l'électricité : Galilée, Descartes n'en avaient pas la moindre idée ; ils s'en passaient parfaitement pour l'explication des phénomenes naturels, et on les aurait certainement beaucoup surpris si on leur avait dit qu'il existait dans la nature une force aussi universellement répandue et aussi importante par ses effets que la pesanteur ou la lumiere.

On avait bien remarqué depuis Thales qu'un morceau d'ambre frotté acquiert momentanément la propriété d'attirer des corps légers, mais ce phénomene paraissait un simple jeu de la nature, une expérience curieuse, amusante, dont il n'y avait pas grande conséquence a tirer. On peut d'ailleurs concevoir un état de choses ou l'électricité, tout en étant partout présente et partout agissante, aurait été éternellement dérobée a la connaissance humaine. Il suffit pour cela de supposer que les corps mauvais conducteurs auraient pu etre sur notre planete beaucoup plus rares qu'ils ne le sont, ou meme simplement que l'air atmosphérique sec aussi bien qu'humide aurait pu etre un bon conducteur. Dans cette hypothese, l'électricité a chaque instant produite par toutes sortes de causes : frottement, action chimique, etc., aurait été a chaque instant répandue et perdue, sans produire d'effets sensibles, dans l'ensemble de la masse terrestre.

Voila donc un exemple d'une force qui existe et agit partout et toujours, et dont cependant les effets peuvent fort bien ne se manifester nulle part ni jamais.

C'est seulement a partir du jour ou les savants ont pu construire et manier les machines et les piles électriques qu'ils ont pu se convaincre que l'électricité, en apparence irréguliere et capricieuse, obéit en réalité a des lois constantes et générales. Il n'en saurait etre autrement, a notre avis, du magnétisme animal. Un jour viendra aussi, nous en avons la ferme espérance, ou l'on pourra montrer expérimentalement que son action s'exerce toujours, quoique a des degrés divers, sur tous les organismes, et qu'il y provoque toujours des réactions nécessairement proportionnées a leurs divers degrés de réceptivité.

Théorie de M. C. Achard. - Nous croyons devoir placer ici une théorie des plus intéressantes, celle d'un jeune et déja profond philosophe, M. C. Achard, professeur, qui se rapporte aussi bien aux phénomenes physiques du magnétisme qu'aux manifestations psychiques. Le lecteur pourra mieux l'apprécier lorsqu'il aura lu la 3° partie de notre travail.

« L'univers est un laboratoire ou, selon le mot de Lavoisier, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme... Les corps qui nous entourent, tous ceux qui occupent l'espace peuvent etre soumis aux lois de l'analyse et de la synthese. A toute transformation correspond une reconstitution qui ne s'opere que sous l'influence négative de la force qui a produit le changement d'état et non sous l'action d'une force opposée sans quoi ce dernier serait impossible. Donc, si, par une synthese universelle, l'élément transformé revenait a son essence primitive, il n'y aurait dans la nature que deux principes : l'un - principe actif - serait une force qui agirait sur l'autre - essentiellement passif - et le modifierait. Les propriétés particulieres a chaque corps seraient dues a des actions différentes de cette force ou principe vital qui agirait meme sur les plus infimes parties de l'élément transformable. Toutes propriétés égales seraient le résultat d'une meme action sur des parties égales de celui-ci. On sait, d'ailleurs, que les etres de constitution organique a peu pres semblable ont des facultés communes. L'homme et les animaux dits « supérieurs », qui ont une étroite parenté anatomique, se ressemblent énormément par les sens. D'autre part, l'intelligence, qui est le propre de la forme matérielle humaine suppose conséquemment quelque différence physiologique.

« Le principe actif universel imprime un mouvement général a notre organisme et donne a toutes ses parties, si petites qu'on puisse les concevoir, un pouvoir particulier. Etant dirigés par la meme puissance, les etres humains ne différeraient pas, dans l'étendue de leurs facultés, s'ils étaient organisés d'une façon absolument identique. La dissemblance de leur constitution physique ne crée pas une dissemblance dans la nature de ces facultés, mais elle modifie leur intensité. Ainsi nous avons tous les memes sens qui s'émeuvent sous les memes influences, mais leur impressionnabilité comporte des degrés. Cela tient a ce que les organes doués de ce pouvoir ne sont pas rigoureusement égaux dans leur état pondérable ; leurs molécules, si ce mot désigne l'infiniment petit matériel, ont le meme caractere et la meme destination, mais elles ne sont pas en meme nombre.

« En admettant cette hypothese, on s'explique pourquoi certaines personnes, par exemple, ont la vue plus perçante que celle d'autres personnes, l'ouie plus fine ou l'odorat plus subtil, etc. ; pourquoi également, a la suite d'une maladie, d'un choc, d'une lésion qui provoquent un changement d'état moléculaire organique, nos sens ou nos facultés s'affaiblissent, perdent tout ou partie de leur pouvoir ; on ne s'étonne point enfin que ce pouvoir soit restauré ou développé, par une nourriture profitable, par des remedes convenablement administrés, par des soins opportuns donnés a notre corps, toutes choses qui favorisent notre reconstitution ou notre accroissement physiologiques.

« Par le principe vital qui pénetre tout, les etres sont toujours en communication ; on peut le considérer comme le véhicule prédestiné de toutes nos influences réciproques.

« Le rôle de nos sens et de nos facultés est objectif si l'on considere leur affectation organique et subjectif par rapport au principe qui les anime. On doit tenir compte de ce double caractere, si l'on veut expliquer l'action magnétique.

« Lorsque le magnétiseur agit efficacement sur le magnétisé, leur état subjectif étant commun, la prépondérance objective appartient a la plus grande masse objectivée. En d'autres termes, le premier se trouve en supériorité moléculaire organique sur le second. S'il y avait équilibre moléculaire entre l'opérateur et le sujet, celui-ci ne serait nullement subordonné a celui-la. Évidemment nous ne considérons pas, dans cette assertion, le poids effectif du corps humain, mais seulement la partie essentielle des organes qui remplissent les principales fonctions et nous mettent en relation avec tout ce qui nous entoure.

« Si le magnétisé est dans un état d'infériorité moléculaire nerveuse, il se trouve sous la dépendance sensorielle du magnétiseur ; il voit, entend, se meut, sent et souffre au gré de l'influence qu'il subit. Pour la meme raison, la suprématie de la volonté, des facultés intellectuelles ou morales sera le privilege de celui qui aura la supériorité moléculaire de l'organe doué de ces facultés. Une volonté, si ferme qu'elle soit, ne suffit donc pas pour obtenir des résultats; il faut avant tout etre matériellement capable de magnétiser. Ces données justifient les actions inégales des opérateurs sur des sujets différents ou leur action nulle sur certains sujets.

« 1° Lorsqu'un expérimentateur n'a aucune influence sur une personne, il y a entre eux équilibre moléculaire nerveux et cérébral (nous faisons cette distinction en considérant le cerveau comme étant le siege de la volonté, des facultés intellectuelles et morales) ;

« 2° L'action n'est pas la meme sur tous les sujets parce qu'ils ne présentent pas tous le meme état moléculaire nerveux ou cérébral ;

« 3° Un meme sujet peut ne pas avoir toujours la meme subordination, qui varie avec son état physiologique ;

« 4° Les sujets endormis qui n'obéissent que par les sens se trouvent dans un état d'infériorité moléculaire nerveuse;

« 5° Certains sujets sont en dépendance complete par les sens, la volonté et les facultés de l'âme a cause d'une infériorité moléculaire générale, nerveuse et cérébrale (somnambulisme) ;

« 6° Certains sujets éveillés cedent particulierement a l'influence psychique de l'opérateur, par suite d'une infériorité moléculaire cérébrale exclusive.

« Si nous considérons les différentes parties de notre corps ou plus exactement comment notre etre se manifeste vivant, nous remarquons qu'il y a une réelle hiérarchie dans les attributions de nos organes. Ainsi, certains tissus ne nous paraissent jouer qu'un rôle protecteur ; les os ne sont que des supports de notre chair ; les muscles n'ont qu'une action mécanique ; mais les nerfs ont des propriétés supérieures, ils nous permettent de voir, de sentir, d'entendre, de gouter, de toucher, de nous mouvoir ; enfin le cerveau remplit les plus importantes fonctions, les fonctions psychiques. Notre organisme n'étant que l'instrument de notre volonté guidée par notre pouvoir intellectuel et moral, on doit admettre que le principe directeur de nos actes se confond avec cette puissance indéfinissable qui commande l'infini, mais qu'elle est limitée pour l'homme aux conditions vitales de son corps. Lorsque nous subissons la grande transformation qu'on appelle la mort, la vie psychique ne s'éteint pas et la vie matérielle se poursuit sous d'autres états et sous d'autres actions. Les vivants sont troublés par ce changement parce qu'ils n'ont plus le spectacle d'une vie semblable a celle qui se révele par leurs organes et leurs sens.

« Il est facile également, par notre hypothese de la dualité des éléments, de justifier chez l'homme le fonds d'idéal moral qui le caractérise et sa croyance a la perfection. Comme etre organisé, il vit par les sens qui lui procurent selon la nature des impressions qu'ils reçoivent, le plaisir ou la douleur, et qui constituent la vie spécifique de l'homme sur la terre. Mais par notre personnalité morale, par l'âme qui paraît etre, pour nous, la plus haute manifestation du principe supérieur universel, nous avons conscience d'une existence idéale, pure, indépendante de la chair. La vie organique n'est qu'une partie de la vie universelle et ne peut etre parfaite, étant incomplete ; elle est une source : 1° de l'erreur qui naît de l'incapacité de nos sens pour la découverte et l'analyse exacte des impressions qu'ils reçoivent ; un appareil de physique mis a leur service corrige parfois leurs appréciations, ce qui montre combien l'immuabilité des lois scientifiques est subordonnée aux progres de la science elle-meme; 2° de la souffrance, qui est provoquée par toute relation désagréable de notre organisme avec le monde extérieur, ou parfois par la lutte de notre pouvoir psychologique avec les appétits de nos sens. Aussi, la pierre de touche de la vertu n'est-elle pas, dans une certaine mesure, le triomphe de l'âme sur le corps ? Résister a nos instincts égoistes, n'est-ce pas, en quelque sorte, chercher a nous détacher le plus possible de notre destination corporelle trop spéciale ? »

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