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CHAPITRE XI: TELÉPATHIE.

Cette classe de phénomenes, cette transmission des pensées ou des sentiments, étudiée par des savants autorisés de tous les pays, mais surtout par quelques-uns d'outre-Manche : MM. Gurney, Myers et Podmore, établit réellement le pont entre les faits transcendants du magnétisme animal et ceux du spiritisme proprement dit.

Les chercheurs qui, depuis de longues années, s'occupent de cette question ont rassemblé des milliers de cas scientifiquement contrôlés, qui prouvent que le hasard n'est la pour rien.

Nous savons combien il est difficile d'amener les savants a étudier les faits nouveaux, surtout lorsqu'ils sortent totalement des voies tracées ; néanmoins, quelques-uns, et pas des moindres, laissant de côté les vieux préjugés, n'ont pas hésité a rentrer dans la lice : ce sont les expériences de ceux-la qui vont nous guider et nous aider a contribuer a rendre cette vérité évidente.

Le professeur Ch. Richet, dans sa préface de les Hallucinations télépathiques, par MM. Gurney, Myers et Podmore, traduit et abrégé des Phantasms of the Living, par L. Marillier, maître de conférences a l'Ecole de Hautes Etudes, dit :   

« Certes, nous avons le droit d'etre fiers de notre science de 1890. En comparant ce que nous savons aujourd'hui a ce que savaient nos ancetres de 1490, nous admirons la marche conquérante que l'homme a faite en quatre siecles. Quatre siecles ont suffi pour créer des sciences qui n'existaient pas, meme de nom, depuis l'astronomie et la mécanique jusqu'a la chimie et la physiologie. Mais qu'est-ce que quatre siecles au prix de l'avenir qui s'ouvre a l'homme ? Est-il permis de supposer que nous ayons, en si peu de temps, épuisé tout ce que nous pouvons apprendre ? Est-ce que, dans quatre siecles, en 2290, nos arriere-petits neveux ne seront pas stupéfaits encore de notre ignorance d'aujourd'hui et plus stupéfaits encore de notre présomption a nier sans examen ce que nous ne comprenons pas ?

« Oui, notre science est trop jeune pour avoir le droit d'etre absolue dans les négations ; il est absurde de dire : « Nous n'irons pas plus loin. Voici des phénomenes qui sont absurdes et qu'il ne faut pas meme chercher a comprendre, car ils dépassent les bornes de notre connaissance. » Parler ainsi, c'est se limiter au petit nombre des lois déja établies et des faits déja connus; c'est se condamner a l'inaction, c'est nier le progres, c'est se refuser d'avance a une de ces découvertes fondamentales qui, ouvrant une voie inconnue, créent un monde nouveau ; c'est faire succéder la routine au progres.

« En Asie, un tres grand peuple est resté stationnaire depuis trente siecles pour avoir raisonné ainsi. Il y a en Chine des mandarins tres doctes, tres érudits, qui passent des examens prodigieusement difficiles et compliqués, ou ils doivent faire preuve d'une connaissance approfondie des vérités enseignées par Confucius et ses disciples. Mais ils ne songent pas a aller au dela, en avant. Ils ne sortent pas de Confucius. C'est leur horizon tout entier, et ils sont a ce point abetis qu'ils ne comprennent pas qu'il en existe d'autres.

« Eh bien! Dans nos civilisations, plus amies du progres, il regne une sorte d'esprit analogue ; nous sommes tous plus on moins semblables aux mandarins ; nous voudrions enfermer dans nos livres classiques le cycle de nos connaissances, avec défense d'en sortir. On révere la science, on lui rend, non sans raison, les plus grands honneurs, mais on ne lui permet guere de s'écarter de la voie battue, de l'orniere tracée par les maîtres, de sorte qu'une vérité nouvelle court grand risque d'etre traitée d'antiscientifique.

« Et cependant il y a des vérités nouvelles, et, quelque étranges qu'elles paraissent a notre routine, elles seront un jour scientifiquement démontrées. Cela n'est pas douteux. Il est mille fois certain que nous passons, sans les voir, a côté de phénomenes qui sont éclatants et que nous ne savons ni observer ni provoquer. »

A l'instar de la Society for Psychical Bescarch, de Londres une société similaire s'est créée a Paris, pour étendre ces recherches et approfondir ces faits. Nous trouvons a la tete de cette société les noms de Sully-Prud'bomme, de l'Académie Française; G. Ballet, professeur a l'Académie de médecine de Paris ; A. Beaunis, professeur a la Faculté de médecine de Nancy; Ch. Richet, professeur a la Faculté de médecine de Paris; le lieutenant-colonel A. de Rochas, ancien administrateur de l'Ecole Polytechnique; etc. Si ces savants français veulent marcher sur les traces de leurs collegues anglais, avant peu, nous en sommes certain, ils auront accumulé une telle masse de documents que le doute, meme scientifique, ne sera plus permis.

Il y a quelques années, Camille Flammarion, l'astronome si connu, fit une enquete a ce sujet et, dans l'espace de quelques mois, il recueillit trois a quatre cents observations. Voir son ouvrage : l'Inconnu et les problemes psychiques.

Ces observateurs se sont entourés des plus méticuleuses précautions; ils ont expérimenté méthodiquement, scientifiquement et, bien convaincus de l'authenticité des faits, ils les ont publiés : en voici quelques-uns extraits des Hallucinations télépathiques.

Télépathie expérimentale. - Cas du Rév. W. Stainton Moses.

« Un soir, au commencement de l'année derniere, je résolus d'essayer d'apparaître a Z...,qui se trouvait a quelques milles de distance. Je ne l'avais pas informé d'avance de l'expérience que j'allais tenter, et je me couchai un peu avant minuit, en concentrant ma pensée sur Z... Je ne connaissais pas du tout sa chambre, ni sa maison. Je m'endormis bientôt, et je me réveillai le lendemain matin sans avoir eu conscience que rien se fut passé. Lorsque je vis Z.... quelques jours apres, je lui demandai : « N'est-il rien arrivé, chez vous, samedi soir?- Certes, oui, me répondit-il, il est arrivé quelque chose. J’étais assis avec M... pres du feu, nous fumions en causant. Vers minuit et demi, il se leva pour s'en aller, et je le reconduisis moi-meme. Lorsque je retournai a ma place, pres du feu, pour finir ma pipe, je vous vis assis dans le fauteuil qu'il venait de quitter. Je fixai mes regards sur vous, et je pris un journal pour m'assurer que je ne revais point, mais lorsque je le posai, je vous vis encore a la meme place. Pendant que je vous regardais sans parler, vous vous etes évanoui. Je vous voyais, dans mon imagination, couché dans votre lit, comme d'ordinaire a cette heure, mais cependant vous m'apparaissiez vetu des vetements que vous portiez tous les jours. C'est donc que mon expérience semble avoir réussi, lui dis-je. La prochaine fois que je viendrai demandez-moi ce que je veux; j'avais dans l'esprit certaines questions que je voulais vous poser, mais j'attendais probablement une invitation a parler.» Quelques semaines plus tard, je renouvelai l'expérience avec le meme succes. Je n'informai pas cette fois-la non plus Z... de ma tentative. Non seulement il me questionna sur un sujet qui était a ce moment une occasion de chaudes discussions entre nous, mais il me retint quelque temps par la puissance de sa volonté, apres que j'eus exprimé le désir de m'en aller. Lorsque le fait me fut communiqué, il me sembla expliquer le mal de tete violent et un peu étrange que j'avais ressenti le lendemain de mon expérience. Je remarquai du moins alors qu'il n'y avait pas de raison apparente a ce mal de tete inaccoutumé. Comme la premiere fois, je ne gardai pas de souvenir de ce qui s'était passé la nuit précédente, ou du moins de ce qui semblait s'etre passé.

« M. Moses, nous écrit :

« 21 Birchington Road, N. W., le 21 septembre 1885.

« Ce récit est, autant que je m'en souviens, exact, et il m'est impossible de le compléter, n'ayant pas de notes a ma disposition.

« W. STAINTON MOSES. »

« Le cas suivant est plus remarquable encore que deux personnes ont éprouvé l'hallucination, le récit a été copié sur un manuscrit de M. S. H. B. ; il l'avait lui-meme transcrit d'un journal qui a été perdu depuis.

« Un certain dimanche du mois de novembre 1881, vers le soir, je venais de lire un livre ou l'on parlait de la grande puissance que la volonté humaine peut exercer. Je résolue, avec toute la force de mon etre, d’apparaître dans la chambre a coucher du devant, au second étage d'une maison située 22, Hogarth Road, Kensington. Dans cette chambre couchaient deux personnes de ma connaissance : Mlle L. S. V. et Mlle C. E. V.... âgées de vingt-cinq et de onze ans. Je demeurais a ce moment 23, Kildare Gardens, a une distance de trois milles a peu pres de Hogarth Road, et je n'avais pas parlé de l'expérience que j'allais tenter a aucune de ces deux personnes, par la simple raison que l'idée de cette expérience me vint ce dimanche soir en allant me coucher. Je voulais apparaître a une heure du matin, tres décidé a manifester ma présence.

" Le jeudi suivant, j'allai voir ces dames, et, au cours de notre conversation (et sans que j'eusse fait aucune allusion a ce que j'avais tenté), l'aînée me raconta l'incident suivant :

« Le dimanche précédent, dans la nuit, elle m'avait aperçu debout pres de son lit et en avait été effrayée, et, lorsque l'apparition s'avança vers elle, elle cria et éveilla sa petite sour, qui me vit aussi.

« Je lui demandai si elle était bien réveillée a ce moment, elle m'affirma tres nettement qu'elle l'était. Lorsque je lui demandai a quelle heure cela s'était passé, elle me répondit que c'était vers une heure du matin.

«. Sur ma demande, cette darne écrivit un récit de l'événement et le signa.

« C'était la premiere fois que je tentais une expérience de ce genre, et son plein et entier succes me frappa beaucoup.

« Ce n'est pas seulement ma volonté que j'avais fortement tendue, j'avais aussi fait un effort d'une nature spéciale, qu'il m'est impossible de décrire. J'avais conscience d'une influence mystérieuse qui circulait dans mon corps, et j'avais l'impression distincte d'exercer une force que je n'avais pas encore connue jusqu'ici, mais que je peux a présent mettre en action a certains moments, lorsque je le veux.

« S.-H. B... »

« M. B... ajoute :

« Je me souviens d'avoir écrit la note qui figure dans mon journal a peu pres une semaine apres l'évenement et pendant que le souvenir que j'en avais était encore tres frais.

« Voici comment Mlle Verity raconte l'événement :

« Le 18 janvier 1883

« Il y a a peu pres un an qu'un dimanche soir, a notre maison de Hogarth Road, Kensington, je vis distinctement M. B... dans ma chambre, vers une heure du matin. J'étais tout a fait réveillée et fort effrayée ; mes cris réveillerent ma sour, qui vit l'apparition. Trois jours apres, lorsque je rencontrai M. B. .. je lui racontai ce qui était arrivé. Je ne me remis qu'au bout de quelque temps du coup que j'avais reçu et j'en garde un souvenir si vif qu'il ne peut s'effacer de ma mémoire.

« L.-S. VERITY »

« En réponse a nos questions, Mlle Verity ajoute :

« Je n'avais eu aucune hallucination.

" Je me rappelle l'événement que raconte ma sour. Son récit est tout a fait exact. J'ai vu l'apparition qu'elle voyait, au meme moment et dans les memes circonstances.

« E.-C. VERITY. »

MIle, A.-S. Verity dit :

« Je me rappelle tres nettement qu'un soir ma sour aînée me réveilla en m'appelant d'une chambre voisine. J'allai pres du lit ou elle couchait avec ma sour cadette, et elles me raconterent toutes les deux qu'elles avaient vu S.-H. B... debout dans la piece. C'était vers une heure; S.-H. B.., était en tenue de soirée, me dirent-elles.

« A.-S. VERITY. »

« M. B... ne se rappelle plus comment il était habillé cette nuit-la.

« Mlle E.-C. Verity dormait quand sa sour aperçut l'apparition; elle fut réveillée par l'exclamation de sa sour : « Voila S... » Elle avait donc entendu le nom avant d'avoir vu l'apparition, et son hallucination pourrait etre attribuée a une suggestion. Mais il faut faire remarquer qu'elle n'avait jamais eu d'autre hallucination et qu'on ne pouvait, par conséquent, la considérer comme prédisposée a éprouver des impressions de ce genre. Les deux sours sont également sures que l'apparition était en habit de soirée; elles s'accordent aussi sur l'endroit ou elle se tenait. Le gaz était baissé et l'on voyait plus nettement l'apparition que l'on n'eut pu voir une figure réelle.

« Nous avons examiné contradictoirement les témoins avec le plus grand soin. Il est certain que les demoiselles V... ont parlé tout a fait spontanément de l'événement a M. B... Tout d'abord, elles n'avaient pas voulu en parler, mais quand elles le virent, la bizarrerie de l'affaire les poussa a le faire. Mlle Verity est un témoin tres exact et tres consciencieux; elle n'aime nullement le merveilleux et elle craint et déteste surtout cette forme particuliere du merveilleux.

« M. S.-H. B... Ce récit est copié sur le manuscrit dont nous avons parlé plus haut.

« Le vendredi 1er décembre 1882, a 9 h. 30, je me retirai tout seul dans une chambre, je m'assis au coin du feu et je m'efforçai avec tant d'intensité de fixer ma pensée sur l'intérieur d'une maison de Kew (Clarence Road), ou demeurait Mlle V... et ses deux sours qu'il me sembla que je m'y trouvais effectivement. Pendant cette expérience, je dois m'etre endormi d'un sommeil magnétique, car je ne perdis pas conscience, mais je ne pouvais remuer mes membres. Il ne me semblait pas avoir perdu la faculté de les mouvoir, mais je ne pouvais faire l'effort nécessaire pour cela. J'eus la sensation que mes mains, posées légerement sur mes genoux, a peu pres a six pouces l'une de l'autre, allaient se rejoindre involontairement, et elles semblaient se rencontrer, quoique j'eusse conscience qu'elles ne remuaient pas.

« A dix heures, un effort de volonté me ramena a mon état normal. Je pris un crayon, et je notai sur une feuille de papier ce que je viens de dire.

« La meme nuit, quand j'allai me coucher, je pris la résolution d'apparaître a minuit dans la chambre a coucher située sur le devant de la maison dont nous venons de parler, et d'y rester jusqu'a ce que j'eusse rendu sensible ma présence spirituelle aux habitants de la chambre.

« Le lendemain, samedi, je me rendis a Kew pour y passer la soirée, et j'y rencontrai une sour mariée de Mlle V... (Mme L ... ). Je n'avais rencontré cette daine qu'une seule fois, c'était a un bal costumé, deux ans auparavant ; nous n'avions pas échangé plus d'une demi-douzaine de mots. Cette dame devait donc avoir perdu tout vif souvenir de mon extérieur, si meme elle l'avait jamais remarqué.

« Je ne pensai pas une minute a lui poser une question relative a l'expérience que j'avais tentée, mais dans le cours de notre conversion elle me raconta qu'elle m'avait vu distinctement deux fois la nuit précédente. Elle avait passé la nuit a Clarence Road, et elle avait couché dans la chambre du devant. Vers 9 heures et demie a peu pres, elle m'avait vu passer dans le couloir pour aller d'une chambre a une autre, et vers minuit, étant parfaitement réveillée, elle me vit entrer dans sa chambre a coucher, me diriger vers l'endroit ou elle dormait et prendre dans ma main ses cheveux qui sont tres longs. Elle me raconta aussi que l'apparition lui saisit la main et la regarda avec beaucoup d'attention, de sorte qu'elle dit : « Vous ne devez pas regarder les lignes, car je n'ai jamais eu aucun malheur. » Puis elle réveilla sa sour, Mlle V...., qui couchait avec elle, et lui raconta ce qui venait de se passer. Apres avoir entendu son récit, je sortis de ma poche ce que j'avais écrit la veille; je le montrai a quelques-unes des personnes présentes, qui furent fort étonnées, malgré leur incrédulité.

            « Je demandai a M- L... si elle ne revait pas, au moment de la deuxieme apparition, mais elle dit de la maniere la plus nette qu'elle était tout a fait éveillée. Elle me dit qu'elle avait oublié comment j'étais fait, mais qu'elle m'avait reconnu tout de suite en me voyant.

            « Mme L... a une imagination tres vive. Elle m'a dit qu'elle était sujette depuis son enfance a des impressions, a des pressentiments (fancies), etc. Mais la coincidence étrange merveilleuse, des heures (qui était exacte) me convainquit que ce qu'elle venait de me raconter n’était pas du a son imagination seule. Sur ma demande, elle écrivit brievement ce qu'elle avait éprouvé et le signa.       

« S.H.B… »

«M.B…se trouvait a Southal lorsqu'il fit cette expérience. Il m'a raconté que le récit donné plus haut avait été écrit a peu pres dix jours apres l'expérience, et qu'il renferme la note qu'il avait écrite dans son journal, la nuit meme.

« Voici maintenant le récit de Mme L .... qui fut remis a M. B... « quelques semaines apres l'événement » :

" Wordsworth Road, Harrow.

« Le vendredi 1er décembre j'étais en visite chez ma sour, 21, Clarence Road, Kew. Vers 9 heures et demie, je sortis de ma chambre a coucher pour aller chercher de l'eau dans la salle de bain et alors je vis distinctement M. S. B..., que je n'avais vu qu'une fois auparavant, il y avait deux ans. Il marchait devant moi, se dirigeant vers la chambre a coucher au bout du couloir. Vers 11 heures nous allâmes nous coucher, et vers minuit j'étais, encore éveillée. Alors la porte s'ouvrit, M. S. B... entra, se dirigea vers mon lit et se tint debout, un genou appuyé sur une chaise. Il prit ensuite mes cheveux dans sa main, et saisissant la mienne, il en regarda la paume avec une grande attention. « Ah ! dis-je (en m'adressant a lui), vous ne devez pas regarder les lignes, car je n'ai jamais eu de malheur. » Puis je réveillai ma sour. Je n'étais pas nerveuse, mais excitée. J'eus peur qu'elle ne tombât sérieusement malade, car elle était délicate a cette époque, mais elle va mieux a présent.

« H.-L... (Le nom est donné en toutes lettres.)

« Mlle Verity corrobore ce récit de la maniere suivante :

« Je me rappelle fort bien que Mm L... a parlé avant la visite de M. S.-H. B... de ses deux visions, dont l'une avait eu lieu a 9 heures et demie, l'autre a minuit. Lorsqu'il vint nous voir, ma sour lui raconta ce qui s'était passé. Immédiatement il sortit de sa poche une carte ( ou un papier, je ne me le rappelle plus), qui contenait un récit de l'événement de la veille. Je considere mon témoignage comme aussi valable que celui de Mme L.... parce que je me rappelle tres exactement ce qui s'est passé ces deux jours-la.

« Ma sour m'a dit qu'elle n'avait jamais éprouvé une hallucination, sauf dans cette unique occasion.

«  L. - S. VERITY. »

« Nous avions fait demander a M. B... de nous prévenir quand il voudrait faire une nouvelle expérience. Le lundi 24 mars, par le premier courrier, nous reçumes la lettre suivante :

« Cher monsieur Gurney,

« Cette nuit, vers minuit, je veux essayer d'apparaître au numéro 44, Norland Square; je vous ferai savoir le résultat d'ici quelques jours.

« Sincerement a vous.

« S.- H. B... »

« Je reçus la lettre ci-dessous dans le cours. de la semaine suivante :

                                                                                  « Le 3 avril 1884.

« Cher monsieur Gurney,

« J'ai a vous faire un étrange récit a propos de l'expérience que j'ai tentée a votre instigation et en observant strictement les conditions que vous m'aviez imposées.

« Ayant tout a fait oublié dans quelle nuit j'ai tenté l'expérience, il m'est impossible de dire si j'ai brillamment ou médiocrement réussi jusqu'a ce que j'aie vu la lettre que je vous ai envoyée le soir meme.

« Vous ayant envoyé cette lettre, j'ai cru inutile de mettre une note dans mon journal. Aussi ai-je oublié la date exacte.

« Si les dates correspondent, le succes est complet pour tous les détails. Je vous ferai voir un récit, signé par les témoins, qu'on m'a donné.

« Hier soir j'ai vu la dame (qui a servi de sujet) pour la premiere fois depuis l'expérience. Elle m'a fait d'elle-meme un récit que j'ai écrit sous sa dictée et qu'elle a signé. La date et l'heure de l'apparition, sont spécifiés dans ce récit. A vous de vérifier si elles sont identiques avec celles que je vous ai données dans ma lettre. Je les ai completement oubliées, mais je pense que ce sont les memes.

« S.- H. B... »

" Voici le récit:

" Norland Square.W.

« Samedi soir, le 22 mars, vers minuit, j'eus l'impression distincte que M. B... était présent dans ma chambre. Je le vis distinctement, pendant que j'étais tout a fait éveillée. Il vint vers moi et caressa mes cheveux. Je lui ai donné de moi-meme ce renseignement quand il est venu me voir, mercredi 2avril, et je lui ai dit l'heure et les détails de l'apparition, sans qu'il m'ait rien suggéré. La forme qui m'est apparue semblait etre vivante ; il était impossible de ne pas reconnaître M. B...

« L.-S. VERITY. »

" Mlle  A.-S. Verity confirme cette déclaration dans les termes suivants :

« Je me souviens que ma sour m'a dit qu'elle avait vu S.-H. B... et qu'il lui avait touché les cheveux ; elle m'a fait ce récit avant qu'il ne vînt nous voir, le 2 avril.

A.- S. VERITY »

« Voici le récit de M. B... lui-meme :

« Samedi, le 22 mars, je pris la résolution d'apparaître a minuit a Mlle V.... qui demeurait 44, Norland Square, Notting Hill ; j'avais antérieurement convenu avec M. Gurney de lui envoyer, le soir meme ou je tenterais l'expérience, une lettre contenant l'heure et les détails de l'expérience. Je lui envoyai donc une note, comme je le lui avais promis.

« Environ 10 jours apres, j'allai voir Mlle V.... elle me raconta alors de son propre mouvement que, le 22 mars, a minuit, elle m'avait vu tres nettement dans sa chambre (tout en étant parfaitement éveillée), que ses nerfs en avaient ressenti une violente secousse. Elle avait été meme obligée de faire venir un médecin le matin.

« S.-H.B.. »

Cas de Sparks et Cleave.

« A bord du Malborough, Portsmouth.

« Depuis l'année derniere, ou depuis ces quinze derniers mois environ, j'avais l'habitude de magnétiser un de mes camarades. Voici comment je procédais. Je le regardais simplement dans les yeux lorsqu'il était couché a son aise sur son lit. Je réussissais ainsi a l'endormir. Apres quelques essais, je m'aperçus que le sommeil devenait plus profond en faisant de longues passes, lorsque le sujet était déja endormi. C'est alors que se produisaient les phénomenes remarquables qu'on pouvait observer dans cette espece particuliere de sommeil magnétique.

« M. Sparks décrit alors la faculté que possede son « sujet» de voir, durant sa crise, les endroits auxquels il s'intéresse, s'il décide qu'il les verra avant d'etre hypnotisé; mais rien ne prouve que ces visions ne sont pas purement subjectives.

« C'est la semaine derniere que j'ai été saisi de surprise par un événement plus extraordinaire que les autres. Vendredi dernier au soir (15 janvier 1886), mon ami exprima le désir de voir une jeune fille qui habitait Wandsworth, et ajouta qu'il essaierait de se faire voir par elle. Je le magnétisai donc et je continuai de longues passes pendant environ 20 minutes, en concentrant toute ma volonté sur son idée. Lorsqu'il revint a lui (je le réveillai en lui touchant la main et en voulant qu'il se réveillât, apres un sommeil d'une heure vingt minutes), il déclara qu'il l'avait vue dans la salle a manger, et qu'au bout d'un moment elle était devenue agitée, puis que soudain elle l'avait regardé et s'était couvert les yeux avec les mains. C'est juste a ce moment qu'il revint a lui. Lundi dernier au soir (18 janvier 1886), nous recommençâmes l'expérience et cette fois il déclara qu'il croyait avoir effrayé la jeune fille, car, apres qu'elle l'eut regardé quelques minutes, elle tomba a la renverse sur sa chaise dans une sorte de syncope. Son petit frere était a ce moment dans la chambre. Nous attendions naturellement une lettre apres cet incident pour savoir si la vision était réelle. Le mercredi matin mon ami reçut une lettre de cette jeune personne demandant s'il ne lui était rien arrivé; elle écrivait parce que le vendredi soir elle avait été saisie de frayeur en le voyant debout a la porte de la chambre. Au bout d'une minute il avait disparu, et elle avait pensé que ce pouvait etre une vision, mais le lundi soir elle avait été encore plus effrayée en le voyant de nouveau, et cette fois plus distinctement, et elle en avait meme était effrayée a un tel point qu'elle avait failli se trouver mal.

« Le récit que je vous envoie est parfaitement exact; je puis le prouver, car j'ai deux témoins qui se trouvaient dans le dortoir au moment ou mon ami a été magnétisé et lorsqu'il est, revenu a lui. Le nom de mon sujet est Arthur-H. W. Cleave; il est âgé de 18 ans. J'ai moi-meme 19 ans. A.-C. Darley et A.-S. Turgood, nos camarades, sont les deux témoins dont je viens de parler.

« H. PERCY SPARKS. »

« M. Cleave nous a écrit le 15 mars 1886 :

« A bord du Malborough, Portsmouth.

« Sparks et moi nous avions l'habitude de faire des séances de magnétisme dans nos dortoirs pendant ces derniers dix-huit mois. Les deux premiers mois nous n'obtînmes aucun résultat satisfaisant, mais ensuite nous réussîmes a nous endormir l'un l'autre. Je ne pouvais qu'endormir Sparks, tandis qu'il pouvait me faire faire ce qu'il voulait pendant que je me trouvais sous son influence, de sorte que je renonçai a l'endormir, et tous nos efforts tendirent a ce qu'il me magnétisât completement. Au bout de peu de temps tout allait si bien que Sparks amena trois ou quatre autres camarades pour voir ce que je faisais. J'étais insensible a toute douleur, les camarades m’ayant souvent pincé les mains et les jambes sans que je le sentisse. Il y a environ six mois J'essayai si ma force de volonté me ferait voir, pendant mon état hypnotique, des personnes auxquelles j'étais tres attaché. Pendant quelque temps je n'obtins aucun succes, je crus cependant une fois voir mon frere (qui est en Australie), mais je n'eus aucun moyen de vérifier l'exactitude de la vision.

« Il y a quelque temps, j'essayai de voir une jeune personne que je connais tres bien, et je fus absolument surpris d'avoir si bien réussi. Je pouvais la voir aussi clairement que je vois maintenant, mais je ne pouvais me faire voir d'elle, quoique je l'eusse souvent essayé. Apres plusieurs expériences, je résolus d'essayer encore et de me faire voir d'elle, et je communiquai a Sparks mon idée, qu'il approuva. Nous tentâmes cette expérience pendant cinq nuits successives sans plus de succes. Nous arretâmes nos essais pendant une nuit ou, deux, parce que j'étais assez surmené par ces efforts continuels et que j'avais attrapé de grands maux de tete. Nous essayâmes encore (un vendredi) je crois, mais je n'en suis pas sur, et avec succes, a ce qu'il me sembla; mais, comme la jeune personne ne m'écrivit pas a ce sujet, je crus m'etre trompé, et je dis a Sparks que nous ferions mieux d'y renoncer. Mais il me supplia de recommencer encore une fois, ce que nous fîmes le lundi suivant, et nous obtînmes un tel succes que je me sentis assez inquiet. (je dois vous dire que j'ai l'habitude d'écrire a la jeune personne chaque dimanche, mais je n'écrivis pas cette semaine, pour la forcer a penser a moi.) Cette expérience fut faite entre 9 h. 30 et 10 h. le lundi soir, et le mercredi matin suivant je reçus la lettre ci-incluse. Alors, je vis que j'avais réussi. Je retournai a la maison une quinzaine plus tard, et je vis la jeune fille, qui paraissait tres effrayée, en dépit de mes explications et qui me supplia de ne plus jamais essayer, ce que je lui promis.

« Je dois maintenant vous décrire notre maniere de magnétiser. Je me couchais sur mon lit, la tete soulevée par deux oreillers. Sparks était assis en face de moi sur une chaise a environ trois pieds du lit. Les lumieres étaient baissées, et alors je le regardais fixement dans les yeux, pensant tout le temps a la jeune fille que je voulais voir. Au bout de peu de temps (environ sept minutes), je cessais d'entendre et je ne voyais plus rien si ce n'est deux yeux, qui au bout d'un instant disparaissaient, et alors je me trouvais sans connaissance. (Lorsque nous fîmes nos premieres expériences, je n'allai pas plus loin que cet état, et ce ne fut qu'apres des essais répétés que je parvins a le dépasser.) Il me sembla voir alors (vaguement au début) la figure de la jeune fille, qui devint graduelle«ment de plus en plus distincte jusqu'a ce qu'il m'ait semblé etre dans une autre chambre j'aurais pu détailler minutieusement tout ce qui s'y trouvait. Je racontai a Sparks, lorsque je revins a moi, ce que j'avais vu, je lui dis quelles étaient les personnes qui se trouvaient avec la jeune fille et ce qu'elle faisait, toutes choses vérifiées par sa lettre.

« A ._H.-W. CLEAVE. »

« Les deux témoins de la derniere expérience décrite écrivent comme suit :

" J'ai vu le récit que M. Cleave a fait de ses expériences magnétiques, et je puis en garantir toute l'exactitude.

« A.-C. DARLEY. »

« J'ai lu le rapport de M. Cleave et puis en garantir l'exactitude, car j'étais présent lorsqu'il fut magnétisé et j'entendis son récit lorsqu'il revint a lui.

« A.-E.-S. THURGOOD.»

« La lettre suivante est la copie que nous avons faite nous-memes de la lettre de la jeune fille, miss A...L'enveloppe portait les cachets de la poste : «Wandsworth, 19 janv. 1886 » «Portsmouth, 20 janv. 1886 » et l'adresse « M. A. -H. W. Cleave H. M. S. Marlborough, Portsmouth .»

« Wandsworth, mardi matin.

« Cher Arthur, vous est-il arrivé quelque chose ? Ecrivez-moi s'il vous plait et que je le sache vite: j'ai eu si peur.

« Mardi soir dernier, j'étais assise dans la salle, a manger en train de lire, lorsqu'il m'arriva de lever les yeux et j'ai cru vous voir debout a la porte me regardant. Je mis mon mouchoir sur les yeux, et lorsque je regardai de nouveau, vous étiez parti. Je pensais que ce n'était qu'un effet de mon imagination, mais hier soir (lundi), pendant que j'étais a souper, je vous vis de nouveau, comme l'autre fois, et j'eus si peur que je faillis  me trouver mal. Heureusement il n'y avait la que mon frere, sinon j'aurais attiré l'attention sur moi. Aussi écrivez-moi de suite et dites-moi comment vous allez. Je ne puis réellement plus rien écrire maintenant.

« (Signé d'un prénom). »

Tous les chercheurs doués de volonté ferme, avec un peu d'entraînement, peuvent répéter les expériences précédentes, a condition toutefois de trouver un percipient.

Un magnétiseur exercé peut essayer, sur des personnes dont il connaît l'impressionnabilité, de produire ce phénomene. Il ne réussira incontestablement pas chaque fois ; mais, s'il sait se concentrer fortement, s'il veut fermement et s'il s'endort avec cette idée fixe, il aura bien des chances de réussir.

« Télépathie spontanée.

Cas de M. le Dr Ollivier, médecin a Huelgoat (Finistere).

« 20 janvier 1883.

« Le 10 octobre 1881, je fus appelé pour service médical a la campagne, a trois lieues de chez moi. C'était au milieu de la nuit, une nuit tres sombre. Je m'engageai dans un chemin creux, dominé par des arbres venant former une voute au-dessus de la route. La nuit était si noire que je ne voyais pas a conduire mon cheval. Je laissai l'animal se diriger a son instinct. Il était environ 9 heures ; le sentier dans lequel je me trouvais en ce moment était parsemé de grosses pierres rondes et présentait une pente tres rapide. Le cheval allait au pas tres lentement. Tout a coup les pieds de devant de l'animal fléchissent et il tombe subitement, la bouche portant sur le sol. Je fus projeté naturellement par-dessus sa tete, mon épaule porta a terre, et je me fracturai une clavicule.

« En ce moment meme, ma femme, qui se déshabillait chez elle et se préparait a se mettre au lit, eut un pressentiment intime qu'il venait de m'arriver un accident ; un tremblement nerveux la saisit ; elle se mit a pleurer et appela la bonne : « Venez vite, j'ai peur; il est arrivé malheur ; mon mari est mort ou blessé. » Jusqu'a mon arrivée, elle retint la domestique pres d'elle, et ne cessa de pleurer. Elle voulait envoyer un homme a ma recherche, mais elle ne savait pas dans quel village j'étais allé. Je rentrai chez moi vers une heure du matin. J'appelai la domestique pour m'éclairer et desseller mon cheval. " Je suis blessé, dis-je, je ne puis bouger l'épaule. »

« Le pressentiment de ma femme était confirmé. Voila, Monsieur, les faits tels qu'ils se sont passés, et je suis tres heureux de pouvoir vous les envoyer dans toute leur vérité.

            " A. OLLIVIER,

« Médecin a. Huelgoat (Finistere). »

Cas du Dr Goodall Jones, 6, Prince Edwin Street,

Liverpool.

« Le 28 novembre 1883

« Mme Jones, femme de M. William Jones, pilote a Liverpool, demeurant alors, 46, Virgil Street (elle habite maintenant 15, Saint-George's Street, Everton) gardait le lit le samedi 27 février 1869. Lorsque j'allai chez elle le lendemain, dimanche 28 février, a 3 heures de l'apres-midi, je rencontrai son mari en chemin pour venir me chercher, parce que sa femme avait le délire. Il me raconta qu'a peu pres une demi-heure auparavant il était a lire dans la chambre de sa femme. Tout d'un coup elle se réveilla du profond sommeil ou elle était plongée, en disant que son frere William Bonlands (autre pilote de Liverpool) s'était noyé dans le fleuve (la Mersey). Son mari essaya de la calmer en lui disant que Boulands était a sa station du dehors et qu'il ne pouvait se trouver sur le fleuve a cette heure-la. Mais elle persista a dire qu'elle l'avait vu se noyer. Dans la soirée la nouvelle arriva que, vers l'heure indiquée, c'est-a-dire vers 2 heures et demie, Roulands s'était noyé. Il y avait eu un grand coup de vent en mer, le bateau du pilote ne pouvait pas mettre un pilote a bord d'un bâtiment qui voulait entrer. Il devait donc lui montrer la route. Lorsqu'on fut dans le fleuve, en face du phare, sur le rocher, on fit une autre tentative. Mais le petit bateau se renversa, et Roulands et un autre pilote furent noyés. Lorsque Mme Jones fut informée de sa mort, elle se calma et se rétablit aisément. »

Cas du Dr Liébeault, de Nancy.

« 4 septembre 1885.

« Je m'empresse de vous écrire au sujet du fait de communication de pensée dont je vous ai parlé, lorsque vous m'avez fait l'honneur d’assister a mes séances hypnotiques a Nancy. Ce fait se passa dans une famille française de la Nouvelle-Orléans, et qui était venue habiter quelque temps Nancy, pour y liquider une affaire d'intéret. J'avais fait connaissance de cette famille, parce que son chef,, M. m'avait amené sa niece, Mlle B..., pour que je la traitasse par les procédés hypnotiques. Elle était atteinte d'une anémie légere et d'une toux nerveuse contractées a Coblentz dans une maison d'éducation ou elle était professeur. Je parvins facilement a la mettre en somnambulisme, et elle fut guérie en deux séances. La production de cet état de sommeil ayant démontré a la famille G.. . et a Mlle B... qu'elle pourrait facilement devenir médium (Mme G... était médium spirite), cette demoiselle s'exerça a évoquer, a l'aide de la plume, les esprits, auxquels elle croyait sincerement, et au bout de deux mois elle fut un remarquable médium écrivant. C'est elle que j'ai vue de mes yeux tracer rapidement des pages d'écriture qu'elle appelait des messages, et cela en des termes choisis, et sans aucune rature, en meme temps qu'elle tenait conversation avec les personnes qui l'entouraient. Chose curieuse, elle n'avait nullement conscience de ce qu'elle écrivait; « aussi, disait-elle, ce ne peut etre qu'un esprit qui dirige ma main, ce n'est pas moi. »

« Un jour, c'était, je crois, le 7 février 1868,vers huit heures du matin, au moment de se mettre a table pour déjeuner, elle sentit un besoin, un quelque chose qui la poussait a écrire (c'était ce qu'elle appelait une trance), et elle courut immédiatement vers son grand cahier, ou elle traça fébrilement, au crayon, des caracteres indéchiffrables. Elle retraça les memes caracteres sur les pages suivantes, et enfin, l'excitation de son esprit se calmant, on put lire qu'une personne nommée Marguerite lui annonçait sa mort. On supposa aussitôt qu'une demoiselle de ce nom, qui était son amie, et habitait comme professeur le meme pensionnat de Coblentz, ou elle avait exercé les memes fonctions, venait d'y mourir. Toute la famille G..., compris Mlle B..., vinrent immédiatement chez moi, et nous décidâmes de vérifier, le jour meme, si ce fait de mort avait réellement eut lieu. Mlle B... écrivit a une demoiselle anglaise de ses amies, qui exerçait aussi les memes fonctions d'institutrice dans le pensionnat en question; elle prétexta un motif, ayant bien soin de ne pas révéler le motif vrai. Poste pour poste, nous reçumes une réponse en anglais, dont on me copia la partie essentielle, réponse que j'ai trouvée dans un portefeuille il y a a peine quinze jours, et égarée de nouveau. Elle exprimait l'étonnement de cette demoiselle anglaise au sujet de la lettre de Mlle B..., lettre qu'elle n'attendait pas si tôt, vu que le but ne lui en paraissait pas assez motivé. Mais, en meme temps, l'amie anglaise se hâtait d'annoncer a notre médium que leur amie commune, Marguerite, était morte le 7 février, vers les huit heures du matin. En outre, un petit carré de papier imprimé était inséré dans la lettre : c'était un billet de mort et de faire part.

« Inutile de dire que je vérifiai l'enveloppe de la lettre, et que la lettre me parut réellement venir de Coblentz. Seulement, j'ai eu depuis des regrets. C'est de n'avoir pas, dans l'intéret de la science, demandé a la famille G... d'aller avec eux au bureau télégraphique vérifier s'ils n'avaient pas reçu une dépeche télégraphique dans la matinée du 7 février. La science ne doit pas avoir de pudeur; la vérité ne craint pas d'etre vue. Je n'ai comme preuve de la véracité du fait qu'une preuve morale : c'est l'honorabilité de la famille G.... m'a paru toujours au-dessus de tout soupçon.

« A.-A. LIÉBEAULT. »

Cas du Dr Collyer, de Londres.

« Le 15 avril 1861.

« Le 3 janvier 1856, le vapeur Alice, que commandait alors mon frere Joseph, eut une collision avec un autre vapeur sur le Mississipi en amont de la Nouvelle-Orléans. Par suite du choc, le mât de pavillon ou fleche s'abattit avec une grande violence et, venant heurter la tete de mon frere, lui fendit le crâne. La mort de mon frere fut nécessairement instantanée. Au mois d'octobre 1857, j’allai aux Etats-Unis. Pendant le séjour que Je fis a la maison de mon pere, a Camdem, New-Jersey, la mort tragique de mon frere devint naturellement le sujet de notre conversation. Ma mere me raconta alors qu'elle avait vu, au moment meme de l'accident, mon frere Joseph lui apparaître. Le fait fut confirmé par mon pere et par mes quatre sours. La distance entre Camdem, New-Jersey, et le théâtre de l'accident est en ligne directe de plus de 1000 milles, mais cette distance s'éleve a peu pres au double par la route de poste. Ma mere parla de l'apparition a mon pere et a mes sours le matin du 4 janvier, et ce ne fut que le 16, c'est-a-dire 13 jours plus tard, qu'une lettre arriva, qui confirmait les moindres détails de cette « visite» extraordinaire. Il importe de dire que mon frere William et sa femme, qui habitent a présent Philadelphie, demeuraient alors pres du lieu du terrible accident. Eux aussi m'ont confirmé les détails de l'impression produite sur ma mere. »

« Le Dr Collyer cite ensuite une lettre de sa mere, qui contient le passage suivant :

« Camden, New-Jersey, Etats-Unis, le 21 mars 1867.

« Mon cher fils,

« Le 3 janvier 1856, je ne me sentis pas bien et j'allai me coucher de bonne heure. Quelque temps apres, je me sentis mal a mon aise, et je m'assis dans mon lit. Je regardai autour de la chambre et, a mon tres grand étonnement, je vis Joseph, debout pres de la porte. Il fixait sur moi des regards tres graves et tres tristes : sa tete était entourée de bandages ; il portait un bonnet de nuit sale et un vetement blanc, pareil a un surplis, également sale. Il était tout a fait défiguré ; je fus tout agitée le reste de la nuit a cause de cette apparition. Le lendemain matin Mary vint de bonne heure dans ma chambre. je lui dis que j'étais sure de recevoir de mauvaises nouvelles de Joseph. Au déjeuner je répétai la meme chose a toute la famille on me répondit que ce n'était qu'un reve, que ça n'avait pas de sens. Mais cela ne changea pas mon opinion. Mon esprit était hanté d'appréhensions, et le 16janvier je reçus la nouvelle de la mort de Joseph. Chose étrange, William ainsi que sa femme, qui étaient sur le lieu de l'accident, m'ont affirmé que Joseph était habillé exactement comme je l'avais vu.

« Votre mere affectionnée,

« ANNE-E. COLLYER. »

« Le docteur Collyer continue :

            « On dira sans doute que l'imagination de ma mere était dans un état maladif, mais cette assertion n'explique pas le fait que mon frere lui ait apparu au moment exact de sa mort. Ma mere ne l'avait jamais vu habillé comme il l'était d'apres sa description, et ce ne fut que quelques heures apres l'accident que sa tete fut entourée de bandages. Mon frere William me raconta que la tete de Joseph était presque fendue en deux par le coup, que son visage était horriblement défiguré et que son vetement de nuit était extremement sali.

« Je ne peux etre surpris que d'autres restent sceptiques, car les preuves que j'ai obtenues ne pourraient etre acceptées sur le témoignage d'autrui. C'est pour cela que nous devons etre indulgents envers les incrédules.

« ROBERT-H COLLYER. M. D., F. C. S., etc. »

« Le docteur Collyer a répondu comme suit a la lettre que nous lui avons écrite:

25 Newington, Causervay, Boroug, S. E. Londres,

le 15 mars 1884.

« En réponse a votre communication, je dois maintenir que, si étranges que soient les faits racontés dans le Spiritual Magazine de 1861, ils sont rigoureusement exacts. Comme je l'ai affirmé dans cet article, ma mere reçut l'impression spirituelle de mon frere ,le 3 janvier 1856. Mon pere, qui est un homme de science, a calculé la différence de longitude entre Camden, New-Jersey et la Nouvelle-Orléans, et il a établi que l'impression spirituelle s'est produite au moment précis de la mort de mon frere. Je puis dire que je n'avais jamais cru a aucun rapport spirituel, de meme que je n'ai jamais cru que les phénomenes qui se produisent lorsque le cerveau est excité sont des phénomenes spirituels. Depuis quarante ans je suis matérialiste, et je suis convaincu que toutes les soi-disant manifestations spirituelles admettent une explication philosophique basée sur des lois et des conditions physiques. Je ne désire pas faire de théories, mais, d'apres mon opinion il existait entre ma mere et mon frere, qui était son fils favori, des liens sympathiques de parenté. Lorsque les liens furent rompus par sa mort subite, ma mere était a ce moment, dans un état qui devait favoriser la réception du choc.

« Dans le récit publié dans le Spiritual Magazine, j'ai oublié d'indiquer que, avant l'accident , mon frere Joseph s'était retiré pour la nuit sur sa couchette; le bateau était amarré le long de la levée au moment ou il fut heurté par un autre vapeur qui descendait le Mississipi. Naturellement, mon frere était en chemise de nuit. Aussitôt qu'on l'appela et qu'on lui dit qu'un vapeur se trouvait tout pres de son propre bateau, il courut sur le pont. Ces détails me furent racontés par mon frere William, qui se trouvait a ce moment meme sur le lieu de l'accident. Je ne puis expliquer comment l'apparition portait des bandages, car on n'a pu en mettre a mon frere que quelque temps apres la mort. La différence de temps, entre Camden, New-Jersey, et la Nouvelle-Orléans est a peu pres de 15°, ou une heure.

« Le 3 janvier au soir, ma mere se retira de bonne heure pour la nuit, vers 8 heures, ce qui donnerait comme heure de la mort de mon frere 7 heures (heure de la Nouvelle-Orléans).

« Voici ce que rapporte M. Podmore.

« Je passai chez le docteur Collyer le 25 mars 1884. Il me dit que son pere, sa mere et son frere lui avaient raconté toute l'histoire en 1857. Ils sont tous morts maintenant, mais deux sours vivent encore et j'ai écrit a l'une d'elles. Le Dr Collyer était tout a fait sur de la coincidence exacte des deux faits.

«La note ci-apres émane d'une des sours survivantes :

« Mobile, Alabama, le 12 niai 1884.

« J'habitais a Camden, New-Jersey, a l'époque de la mort de mon frere. Il habitait la Louisiane. Sa mort fut causée par la collision de deux vapeurs sur le Mississipi. Un morceau du mât tomba sur lui, lui fendit le crâne, ce qui causa la mort instantanément. Ma mere vit l'apparition au pied de son lit. Elle se tint la quelque temps, la regardant et puis disparut. L'apparition était habillée d'un long vetement blanc, sa tete était enveloppée d'un linge blanc. Ma mere n'était pas superstitieuse et ne croyait pas au spiritisme. Elle était tout a fait éveillée au moment de l'apparition.

Ce n'était pas un reve. Lorsque je la vis le lendemain matin elle me dit : " J'aurai de mauvaises nouvelles de Joseph », puis elle me raconta ce quelle avait vu. Deux ou trois jours apres, nous apprîmes le triste accident. J'avais un autre frere, qui se trouvait sur le lieu de l'accident, et lorsqu'il revint a la maison, je lui demandai tous les détails et comment notre frere était arrangé. A notre grand étonnement, sa description s'accordait parfaitement avec ce que ma mere avait vu.

« A.-E. COLLYER »

Cas du Révérend Andrew Jukes.

« Upper Eglinton Road, Woolwich.

« Le lundi 31 juillet 1854,j'étais a Worksop, de passage chez M. Heming, qui était alors chez l'agent du duc de Newcastle. Au moment ou je me réveillai ce matin-la (d'aucuns disaient que je revais) j'entendis la voix d'un ancien camarade d'école (C. C... mort depuis un ou deux ans au moins) me disant : « Votre frere Mark et Harriet sont partis tous les deux. » Ces paroles résonnaient encore a mon oreille lorsque je me réveillai; il me semblait les entendre encore. Mon frere et sa femme étaient alors en Amérique et tous deux se portaient bien, d'apres les dernieres nouvelles reçues; mais les paroles que j'avais attendues, et qui le concernaient ainsi que sa femme, avaient produit une impression si vive sur mon esprit que je les consignai par écrit avant de quitter ma chambre a coucher. Je les inscrivis sur un vieux morceau de journal, n'ayant pas d'autre papier sous la main dans ma chambre. Le meme jour je retournai a Hall, et je racontai l'incident a ma femme. En meme temps, je notai le fait, qui m'avait profondément impressionné, sur mon journal que je possede encore. Je suis aussi sur qu'on peut l'etre de quoi que ce soit que ce que j'ai écrit dans mon journal est identique a ce que j'avais noté sur le morceau de journal. Le 18 aout (c'était l'établissement de la ligne télégraphique transatlantique), je reçus un mot de ma belle-sour Harriet daté du 1er aout, m'annonçant que son mari était mort du choléra apres avoir preché le dimanche, il avait eu une attaque de choléra le lundi, et le mardi matin il était mort. Elle ajoutait qu'elle-meme était malade et elle demandait qu'on amenât ses enfants en Angleterre, au cas ou elle viendrait a succomber. Elle mourut deux jours apres son mari, le 3 aout. Je partis immédiatement pour l’Amérique, d'ou je ramenai les enfants.

« La voix que j'avais cru entendre, et qui m'avait semblé un reve, avait eu un tel effet sur moi que je ne descendis pas pour déjeuner, malgré la cloche qui m'appelait. Pendant cette journée et les jours qui suivirent, je ne pouvais secouer cette idée. J'avais l'impression, la conviction meme tres nette que mon frere était mort.

« Je devrais ajouter, peut-etre, que nous ignorions l'apparition du choléra dans le voisinage de la paroisse de mon frere. Mon impression a la suite de la voix que j'avais entendue fut que lui et sa femme avaient été enlevés par un accident de chemin de fer ou de bateau a vapeur. Il faut remarquer qu'au moment ou je crus entendre cette voix mon frere n'était pas mort. Il mourut de bonne heure le matin suivant, soit le 1er aout, et sa femme presque deux jours plus tard, le 3 aout. Je n'ai pas la prétention d'expliquer ce phénomene, je le constate simplement. Mais l'impression produite sur moi fut profonde, et la coincidence en elle-meme remarquable.

« ANDREW JUKES.»

Cas de l'éveque de Carlisle.

« Mon correspondant un étudiant de Cambridge, avait arreté, il y a quelques années, avec un de ses camarades d'études, le projet de se rencontrer a Cambridge a une certaine époque, pour travailler ensemble. Peu de temps avant l'époque de ce rendez-vous, mon correspondant se trouvait dans le sud de l'Angleterre Se réveillant une nuit, il vit ou crut voir son ami assis au pied de son lit ; il fut surpris de ce spectacle, d'autant plus que son ami était ruisselant d'eau. Il parla, mais l'apparition (car il semble que c'en ait été une) se contenta de secouer la tete et disparut. Cette apparition revint deux fois durant la nuit. Bientôt apres vint la nouvelle que, peu de temps avant le moment ou l'apparition avait été vue par le jeune étudiant, son ami s'était noyé en se baignant.

« Ayant appris que le correspondant de l'éveque était l'archidiacre Farler, nous nous adressâmes a  ce dernier, qui nous écrivit le 9 janvier 1884

Pampisford Vicariage. Cambridge.

« La vision fut racontée le matin suivant a déjeuner plusieurs jours avant de recevoir la nouvelle de la mort de mon ami. Je la racontai a mon professeur John Kempe a sa personne, a sa famille. M. et Mme Kempe sont morts maintenant mais il est probable que leur famille se souvient de la chose, bien que les enfants fussent jeunes a ce moment-la. Je demeurais a Long Ashton, dans le comté de Somerset; mon ami mourut dans le comté de Kent. Comme je n'étais nullement effrayé de cette vision a ce moment la, j'en ai plutôt parlé comme d'un reve singulier que comme d'une apparition.

« Ma vision est du 2 ou 3 septembre 1878, mais je n'ai pas ici mon mémorandum pour m'en assurer d'une maniere absolue. Je revis encore la vision le 17 du meme mois. C'est la seule apparition que j'aie jamais vue. Je n'ai jamais eu aucune espece d'hallucination sensitive.

« G.-P. FARLER.»

« M. W.-J. Kempe nous écrit que l'archidiacre Farler lui a certainement parlé de ce fait, mais il ne se rappelle pas exactement l'époque. D'autres membres de la famille, auxquels nous nous sommes adressés, étaient, a l'époque, ou bien absents, ou bien trop jeunes pour qu'il leur ait été parlé de ce fait.

« Nous trouvons dans le registre des déces que l'ami du narrateur s'est noyé dans la riviere Croush, le 2 septembre 1868. »

Cas du Révérend C. C. Wambey, Paragon, Salisbury.

« Avril 1884.

« M. B..., avec lequel j'étais tres intimement lié avant qu'il ne quitta l'Angleterre, fut nommé professeur de mathématiques au college Elizabeth, a Guernesey. Dix ans apres environ, j'acceptai un poste temporaire dans cette île et je renouvelai connaissance avec mon ancien ami. Je passai presque tous les jours une partie de ma journée avec lui pendant tout le temps de mon séjour a Guernesey.

Apres mon retour en Angleterre, je correspondis régulierement avec lui. Dans la derniere lettre que je reçus de lui, il me parlait de sa santé et me disait qu'il se portait exceptionnellement bien.

« Un matin je causai une vive émotion a ma femme en lui disant que le pauvre B... était mort et qu'il m'était apparu durant la nuit. Elle tâcha de calmer mon chagrin en me suggérant que cette apparition, ou ce que ce pouvait etre, était due a une indisposition. J'avais été souffrant pendant quelque temps.

« Je répondis que j'avais reçu une nouvelle par trop certaine de la mort de mon ami.

« Quelques jours plus tard, je reçus une lettre bordée de noir portant le timbre de Guernesey. Dans cette lettre, Mme B... me disait que son mari était mort apres une maladie de quelques heures seulement et que pendant cette maladie il avait fréquemment parlé de moi.

« En réponse a nos questions, M. Wambey nous dit :

« J'ai eu d'autres apparitions que celle dont je viens de parler. Mon grand-pere m'est apparu durant la nuit ou il mourut, mais il était dans la meme maison que moi, a ce moment, et il s'était affaibli peu a peu depuis plusieurs heures.

« (Le seul autre cas est l'apparition d'une figure que M. Wambey ne reconnut pas. Cette vision se produisit un jour qu'il lisait fort tard dans la nuit, a un moment ou il était surchargé de travail.)

« Par la lettre de sa veuve, je pus m'assurer que M. B... était mort la nuit ou il m'était apparu. J'étais éveillé lorsque j'eus la vision, je ne puis guere me tromper sur ce point. J'étais tellement absorbé dans la contemplation de sa figure et de son regard que je ne pretai aucune attention a la façon dont il s'était habillé.

« Mme Wambey se souvient que je lui avais raconté, le matin suivant, que j'avais vu mon ami et que j'étais assuré de sa mort.

« J'ai oublié la date a laquelle M. B... m'est apparu, je crois que c'était en 1870. Malheureusement la partie de mon journal qui se rapporte a cette époque se trouve au garde-meuble avec mon mobilier, et je ne puis me la procurer actuellement, je pourrais vous citer les dates.

« Nous apprenons par un fils de M. B... que son pere est mort le 27 octobre 1870.

« Mme Wambey confirme le fait dans la note suivante :

« Salisbury, 17 mai 1884.

«Mon mari, le Révérend C. C. Wambey, me dit un matin qu'il avait eu une apparition de M. B... dans la nuit, et il m'exprima avec un grand chagrin la conviction que son ami était mort.

« M. -B. WAM.Y. »

Cas de Mlle Hosmer, le sculpteur célebre.

« Une jeune Italienne du nom de Rosa, qui avait été a mon service pendant quelque temps, fut obligée de retourner chez sa sour, a cause de son mauvais état de santé chronique. En faisant ma promenade habituelle a cheval, j'allais la voir fréquemment. Lors de l'une de ces visites, que je lui fis a six heures du soir, je la trouvai plus gaie qu'elle n'avait été depuis quelque temps, j'avais abandonné depuis longtemps l'espoir de sa guérison, mais rien dans toute son apparence ne donnait l'impression qu'il y eut un danger immédiat. Je la quittai, comptant la revoir souvent encore. Elle exprima le désir d'avoir une bouteille de vin d'une espece particuliere que je promis de lui apporter moi-meme le lendemain matin.

« Pendant le reste de la soirée, je ne me rappelle pas avoir pensé a Rosa. J'allai me coucher en bonne santé et l'esprit tranquille. Mais je me réveillai d'un profond sommeil avec le sentiment pénible qu'il y avait quelqu'un dans la chambre. Je réfléchis que personne ne pouvait entrer, excepté ma femme de chambre : elle avait la clef d'une des deux portes, qui toutes deux étaient fermées a clef. Je distinguais vaguement les meubles de ma chambre. Mon lit était au milieu de la piece, un paravent entourait le pied du lit. Pensant qu'il pouvait y avoir quelqu'un derriere le paravent, je m'écriai : « Qui est la ? » Mais je ne reçus aucune réponse. A ce moment, la pendule de la chambre voisine sonnait cinq heures : au meme instant je vis la forme de Rosa debout a côté de mon lit; et de quelque façon - je ne puis pas affirmer que ce fut au moyen de la parole - je reçus l'impression des mots suivants venant d'elle : « Adesso son félice, son contenta » (Maintenant, je suis heureuse et contente.) Puis la forme s'évanouit.

« Au déjeuner, je dis a l'amie qui partageait mon appartement avec moi: « Rosa est morte. -Que voulez-vous dire ? me demanda-t-elle, vous me disiez que vous l'aviez trouvée mieux que d'habitude lorsque vous lui aviez rendu visite hier. »

« Je lui racontai alors ce qui m'était arrivé le matin et je lui dis que j'avais la conviction que Rosa était morte. Elle rit et me répondit que j'avais revé tout cela. Je lui assurai que j'étais absolument éveillée.

Elle continua a plaisanter sur ce sujet et elle m’ennuya un peu par la persistance qu'elle mettait a croire que j'avais fait un reve, alors que j'étais absolument certaine d'avoir été entierement éveillée. Afin de résoudre la question, j'envoyai un messager pour s'informer de l'état de Rosa. Il revint avec la réponse que Rosa était morte le matin, a cinq heures. Je demeurais alors Via Babuino.

« Ce qui précede a été écrit par Mlle Balfour d'apres un récit donné par Lydia Maria Child (a laquelle Mlle Hosmer avait raconté ce fait) au Spiritual Magazine du 1er septembre 1870 (j'ai dicté des corrections de peu d'importance), le 15 juillet 1885.

« H. G. HOSMER. »

« Le récit fait par Mlle Child, et que Mlle Hosmer trouva exact a l'époque, donne quelques détails supplémentaires qui tendent a établir qu'elle était bien éveillée un bon moment avant d'avoir sa vision. Elle dit :

« J'entendais dans l'appartement au-dessous de moi des bruits qui m'étaient familiers, ceux que faisaient les domestiques en ouvrant des fenetres et des portes. Une vieille pendule sonnait l'heure avec des vibrations sonores ; je comptai : un, deux, trois, quatre, cinq et je résolus de me lever immédiatement. Comme je levais ma tete de dessus l'oreiller, Rosa me regarda en souriant a l'intérieur du rideau du lit. Je fus simplement surprise, etc... »

« Mlle Hosmer ne se rappelle pas la date exacte de cet incident, mais elle dit qu'il a du se passer, en 1856 ou 1857. La vieille dame avec laquelle elle demeurait est morte. »

Cas de Mme Bishop.

« Mme Bishop, née Bird, voyageur et écrivain bien connu, nous a envoyé ce récit en mars 1884 ; il est presque identique a une version de seconde main qui nous avait été communiquée en mars 1883. En voyageant dans les montagnes Rocheuses, Mlle Bird avait fait la connaissance d'un Indien métis, M. Nugent, connu sous le nom de « Mountain Jim », et elle avait pris sur lui une influence considérable.

« Le jour ou je pris congé de Mountain Jim, il était tres ému et tres excité. J'avais eu une longue conversation avec lui sur la vie mortelle et l'immortalité, conversation que j'avais terminée par quelques paroles de la Bible. Il était tres impressionné, mais tres excité; il s'écria : « Je ne vous verrai peut-etre plus dans cette vie, mais je vous verrai quand je mourrai. » Je le réprimandai doucement a cause de sa violence, mais il répéta la meme chose avec encore plus d'énergie, ajoutant :

« Et je n'oublierai jamais ces mots que vous m'avez dits, et je jure que je vous reverrai quand je mourrai. » Nous nous séparâmes sur cette phrase. Pendant quelque temps j'eus de ses nouvelles ; j'appris qu'il s'était mieux conduit, puis il était retombé dans ses habitudes sauvages, et, plus tard, qu'il était fort malade par suite d'une blessure qu'il avait reçue dans une rixe, puis, enfin, qu'il se portait mieux, mais qu'il formait des projets de vengeance. La derniere fois que je reçus de ses nouvelles, j'étais a l'hôtel Interlaken, a Interlaken (Suisse) avec Mlle Clayson et les Ker. Quelque temps apres les avoir reçues (c'était en septembre 1874), j'étais étendue sur mon lit, un matin, vers 6 heures. J'étais occupée a écrire une lettre a ma sour, lorsqu'en levant les yeux je vis Mountain Jim debout devant moi. Ses yeux étaient fixés sur moi et, lorsque je le regardai, il me dit a voix basse, mais tres distinctement: « Je suis venu comme j'avais promis. » Puis il me fit un signe de la main et ajouta: « Adieu !  »

Lorsque Mlle Bessie Ker vint m'apporter mon déjeuner, nous prîmes note de l'événement, en indiquant la date et l'heure. La nouvelle de la mort de Mountain Jim nous arriva un peu plus tard, et la date, si l'on tenait compte de la différence de longitude, coincidait avec celle de son apparition.

« I. B...

« En réponse a nos questions, Mme Bishop nous écrit qu'elle n'a jamais eu d'autre hallucination sensorielle. Elle avait vu Mountain Jim pour la derniere fois a Saint-Louis (Colorado), le 11 décembre 1873. Il est mort a Fort Collins (Colorado). Elle espere etre a meme de nous montrer les journaux ou la date est rapportée; mais elle nous a écrit de l'étranger et en grande hâte.

« Nous nous sommes procuré une copie d'une déposition faite a l'enquete a Fort-Collins. De cette piece résulte que la mort a eu lieu le 7 septembre 1874, entre deux et trois heures de l'apres-midi. Cette heure correspondrait a dix heures du matin a Interlaken. Donc, si la vision a eu lieu le 8 septembre, elle a suivi la mort de 8 heures; mais si elle a eu lieu le 7 septembre, la limite de 12 heures a été dépassée d'environ 4 heures. »

Cas de M. Richard Searle, avocat.

« 2 novembre 1883.

« Une apres-midi, il y a quelques années, j'étais assis dans mon bureau au Temple; je rédigeais un mémoire. Mon bureau est placé entre une des fenetres et la cheminée; la fenetre est a deux ou trois metres de ma chaise gauche; elle a vue sur le Temple. Tout a coup, je m'aperçus que je regardais par la vitre d'en bas, qui était a peu pres au niveau de mes yeux; j'apercevais la tete et le visage de ma femme ; elle était renversée en arriere ; elle avait les yeux fermés, la figure completement blanche et livide comme si elle eut été morte. Je me secouai, j'essayai de me ressaisir, puis je me levai et je regardai par la fenetre : je ne vis que les maisons d'en face. J'arrivai a la conclusion que je m'étais assoupi, puis endormi. Apres avoir fait quelques tours dans la chambre afin de me bien réveiller, je repris mon travail et je ne pensai plus a cet incident.

« Je retournai chez moi a mon heure habituelle, ce soir-la, et, pendant que je dînais avec ma femme, elle me dit qu'elle avait lunché chez une amie qui habitait Gloucester Gardens et qu'elle avait emmené avec elle une petite fille (une de ses nieces, qui habitait avec nous), mais que, pendant le lunch ou immédiatement apres, l'enfant était tombée et s'était coupé la figure. Le sang avait jailli. Ma femme ajouta qu'elle s'était évanouie. Ce que j'avais vu par la fenetre me revint a l'esprit et je lui demandai a quelle heure cela était arrivé. Elle me dit que, autant qu'elle pouvait s'en souvenir, il devait etre 2 heures et quelques minutes. C'était a ce moment, autant du moins que je pouvais le calculer (je n'avais pas regardé ma montre), que j'avais vu l'apparition a la vitre de la fenetre. Je dois ajouter que c'est la seule fois que ma femme se soit évanouie. Elle était a ce moment-la mal portante, et je ne lui ai dit ce que j'avais vu que quelques jours plus tard. J'ai raconté a l'époque cette histoire a plusieurs de mes amis.

« R. S. »

Paul Pierrard, 27, Gloucester Gardens, W. Londres, nous écrit ce qui suit :

« 4 décembre 1883.

« Il peut etre intéressant, pour des gens qui s'occupent spécialement de la question, d'avoir un récit exact du fait extraordinaire qui est arrivé, il y a environ quatre ans, dans une maison de Gloucester Gardens, W.

« Des dames et des enfants s'étaient réunis chez moi une apres-midi. Mme Searle, de Home Lodge, Herne Hill, était venue avec sa petite-niece Louise. Comme on jouait a un jeu bruyant, et qu'on remuait beaucoup autour d'une table, la petite Louise tomba de sa chaise et se blessa légerement. La crainte d'un grave accident donna une vive émotion a Mme Searle, qui s'évanouit. Le lendemain nous rencontrâmes M. Searle, qui nous dit que, la veille, dans l'apres-midi, pendant qu'il étudiait une affaire dans son bureau, 6, Pump Court, au Temple, il avait ressenti une impression singuliere et avait vu aussi distinctement que dans un miroir l'image de sa femme évanouie. Cela lui avait semblé sur le moment tres étrange.

« En comparant les heures, il constata que cette vision extraordinaire avait eu lieu au moment ou sa femme s'était évanouie. Nous avons souvent cause ensemble de cet incident, sans jamais trouver d'explication qui satisfît nos esprits, mais nous avons enregistré ce fait rare pour lequel un nom manque encore.

« PAUL PIERRARD. »

Cas de M. Gaston Fournier, 2 1, rue de Berlin, Paris.

« 16 octobre 1885.

« Le 21 février 1879, j'étais invité a dîner chez mes amis, M. et Mme B... En arrivant dans le salon, je constate l'absence d'un commensal ordinaire de la maison, M. d'E..., que je rencontrais presque toujours a leur table. J'en fais la remarque, et Mme B... me répond que d'E.... employé dans une grande maison de banque, était sans doute fort occupé en ce moment, car on ne l'avait pas vu depuis deux jours. A partir de ce moment, il ne fut plus question d'E... Le repas s'acheve fort gaiement et sans que Mme B... donne la moindre marque visible de préoccupation. Pendant le dîner nous avions formé le projet d'aller achever notre soirée au théâtre. Au dessert, Mme B... se leve pour aller s'habiller dans sa chambre dont la porte, restée entr'ouverte, donne dans la salle a manger. B... et moi étions restés a table, fumant notre cigare, quand, apres quelques minutes, nous entendons un cri terrible. Croyant a un accident, nous nous précipitons dans la chambre, et nous trouvons Mme B... assise, prete a se trouver mal.

« Nous nous empressons autour d'elle, elle se remet peu a peu et nous fait le récit suivant : « Apres vous avoir quittés, je m'habillais pour sortir, et j'étais en train de nouer les brides de mon chapeau devant ma glace, quand tout a coup j'ai vu dans cette glace d'E... entrer par la porte. Il avait son chapeau sur la tete ; il était pâle et triste. Sans me retourner je lui adresse la parole: « Tiens, d'E..., vous voila ! asseyez-vous donc; » et, comme il ne répondait pas, je me suis retournée et je n'ai plus rien vu. Prise alors de peur, j'ai poussé le cri que vous avez entendu. » B...,pour rassurer sa femme, se met a la plaisanter, traitant l'apparition d'hallucination nerveuse et lui disant que d'E... serait tres flatté d'apprendre a quel point il occupait sa pensée; puis, comme Mme B... restait toute tremblante, pour couper court a son émotion, nous lui proposons de partir tout de suite, alléguant que nous allions manquer le lever du rideau.

« Je n'ai pas pensé un seul instant a d'E..., nous dit Mme B..., depuis que M.F... m'a demandé la cause de son absence. Je ne suis pas peureuse, et je n'ai jamais ou d'hallucination; je vous assure qu'il y a la quelque chose d'extraordinaire, et, quant a moi, je ne sortirai pas avant d'avoir des nouvelles de d'E..., je vous supplie d'aller chez lui; c'est le seul moyen de me rassurer. »

« Je conseille a B... de céder au désir de sa femme et nous partons tous les deux chez d'E.... qui demeurait a tres peu de distance. Tout en marchant nous plaisantions beaucoup sur les frayeurs de M- B...

« En arrivant chez d'E..., nous demandons au concierge: « D'E... est-il chez lui? Oui, Monsieur, il n'est pas descendu de la journée. » D'E...habitait un petit appartement de garçon ; il n'avait pas de domestique. Nous montons chez lui,, et nous sonnons a plusieurs reprises sans avoir de réponse. Nous sonnons plus fort, puis nous frappons a tour de bras, sans plus de succes. B.... émotionné malgré lui, me dit : « C'est absurde ! le concierge se sera trompé; il est sorti. Descendons. » Mais le concierge nous affirme que d'E... n'est pas sorti, qu'il en est absolument sur.

« Véritablement effrayés, nous remontons avec lui, et nous tentons de nouveau de nous faire ouvrir; puis n'entendant rien bouger dans l'appartement, nous envoyons chercher un serrurier. On force la porte et nous trouvons le corps de d'E... encore chaud, couché sur son lit et troué de deux coups de revolver.

« Le médecin, que nous faisons venir aussitôt, constate que d'E... avait d'abord tenté de se suicider en avalant un flacon de laudanum, et qu'ensuite, trouvant sans doute que le poison n'agissait pas assez vite, il s'était tiré deux coups de revolver a la place du cour. D'apres la constatation médicale, la mort remontait a une heure environ. Sans que je puisse préciser l'heure exacte, c'était cependant une coincidence presque absolue avec la soi-disant hallucination de Mme B... Sur la cheminée il y avait une lettre de d'E... annonçant a M. et Mme B... sa résolution, lettre particulierement affectueuse pour Mme B...

« GASTON FOURNIER. »

Cas du Rév. F. Barker, ancien recteur de Cottenham, Cambridge.

« 2 juillet 1884.

" Le 6 décembre 1873, vers 11 heures du soir, je venais de me coucher et je n’étais pas encore endormi, ni meme assoupi, quand je fis tressaillir ma femme en poussant un profond gémissement, et lorsqu'elle m'en demanda la raison, je lui dis : « Je viens de voir ma tante ; elle est venue, s'est tenue a mon côté et m'a souri, de son bon et familier sourire, puis elle a disparu. » Une tante que j'aimais tendrement, la sour de ma mere, était a cette époque a Madere, pour sa santé; sa niece, ma cousine, était avec elle. Je n'avais aucune raison de supposer qu'elle était sérieusement malade a ce moment-la, mais l'impression sur moi avait été si profonde que le lendemain je dis a sa famille (y compris ma mere) ce que j'avais vu. Une semaine apres nous apprîmes qu'elle était morte cette meme nuit et, en tenant compte de la longitude, presque au moment ou la vision m'était apparue. Quand ma cousine, qui était restée aupres d'elle jusqu'a la fin, entendit parler de ce que j'avais vu, elle dit : " Je n'en suis pas surprise, car elle vous a appelé continuellement pendant son agonie. » C'est la seule fois que j'aie éprouvé quelque chose de pareil. Je pense que cette histoire de premiere main peut vous intéresser. Je puis seulement dire que la vive impression reçue cette nuit ne m'a jamais quitté.

« FRÉDÉRIC BARKER. »

Cas du Chevalier Sebastiano Fenzi, Palazzo Fenki,

Florence, membre correspondant de la S. P. R.

« Quelques mois avant sa mort, mon frere, le sénateur Carlo Fenzi, me dit un jour, comme nous allions ensemble de notre villa de Saint-Andréa a la ville, que, s'il mourait le premier, il essaierait de me prouver que cette vie continue au dela de l'abîme de la tombe, et il me demanda de lui promettre de faire ainsi au cas ou je partirais le premier; « mais, me dit-il, je suis sur de partir le premier, et, faites bien attention, je suis tout a fait sur qu'avant que l'année soit écoulée, ou dans trois mois, je n'existerai plus. » Cette conversation eut lieu en juin et il mourut le 2 septembre de la meme année 1881. Le jour de sa mort (2 septembre), j'étais a quelque soixante-dix milles de Florence, a Fortullino, une villa qui nous appartenait et qui était située sur un rocher au bord de la mer, a dix milles sud-est de Leghorn; ce matin-la, a 10 h. et demie environ, je fus saisis par un acces de profonde mélancolie; c'est une chose tout a fait exceptionnelle pour moi qui jouis a l'ordinaire d'une grande sérénité d'esprit; je n'avais cependant aucune raison d'etre inquiet de mon frere, qui était alors a Florence. Bien qu'il ne se portât pas tres bien, les dernieres nouvelles que j'avais reçues de lui étaient tres bonnes et mon neveu m'avait écrit : « L'oncle va tout a fait bien, et l'on ne peut meme dire qu'il ait été seulement malade. » Ainsi ne pouvais-je m'expliquer cette soudaine impression de tristesse; cependant les larmes me venaient aux yeux et, pour éviter de me mettre a pleurer comme un enfant devant toute ma famille, je m'élançai hors de la maison sans prendre mon chapeau, quoique le vent soufflât en tempete et que la pluie tombât par torrents. Le ciel était illuminé d'éclairs et l'on entendait les rugissements éclatants et continus de la mer et du tonnerre. Je courus longtemps et je ne m'arretai que lorsque j'eus atteint le bout d'une grande pelouse d'ou l'on pouvait voir, de l'autre côté d'une petite riviere, la Fortulla, de grands rochers entassés les uns sur les autres et s'étendant pendant un bon demi-mille le long de la côte. Je cherchai alors des yeux un jeune homme, mon cousin, qui était né dans le pays des Zoulous et qui avait gardé assez d'amour pour la vie sauvage, pour avoir cédé au désir de sortir par ce temps affreux afin de jouir, disait-il, de la fureur des éléments. Jugez de ma surprise et de mon étonnement quand, au lieu de Giovanni (c'est le nom de mon cousin), je vis mon frere avec son chapeau haut et ses grosses moustaches blanches. Il marchait tranquillement de roc en roc, comme si le temps avait été beau et calme.

« Je ne pouvais en croire mes yeux, et cependant c'était lui. C'était lui a ne s'y point tromper. J'eus d'abord l'idée de courir a la maison et d'appeler tout le monde pour lui souhaiter cordialement la bienvenue, mais j'aimai mieux l'attendre et j'agitai la main en l'appelant par son nom aussi fort que je le pouvais. Mais on ne pouvait cependant rien entendre a cause du bruit terrible que faisaient, en se melant la mer, le vent et le tonnerre. Il continuait cependant a avancer lorsque tout a coup, ayant atteint un rocher plus grand que les autres, il disparut derriere lui. La distance entre le rocher et moi n'était pas, autant que j'en puis juger, supérieure a 60 pas. Je m'attendais a le voir reparaître de l'autre côté, mais il n'en fut rien; je ne vis que Giovanni qui, juste a ce moment, sortait d'un bois et grimpait sur les rochers. Giovanni, grand et mince, avait un chapeau a larges bords, une barbe noire et ne ressemblait pas du tout a mon frere; je pensai que si j'avais vu mon frere Charles, cela devait tenir a quelque hallucination. .. J'en fus troublé et je rougis presque a l'idée que j'avais pu etre trompé par une sorte de fantôme créé par ma propre imagination; cependant je ne pus m'empecher de dire a Giovanni : « Il doit y avoir entre vous quelque ressemblance de famille, car je dois positivement vous avoir pris pour Charles, bien que je ne puisse comprendre comment vous etes allé de derriere ce grand rocher dans le bois sans que je vous aie vu passer. - Je ne suis point allé derriere ce rocher, dit-il, car lorsque vous m'avez vu je ne faisais que mettre le pied sur les rochers. » Nous rentrâmes alors a la maison, et, apres avoir mis des vetements secs, nous rejoignîmes le reste de la famille qui déjeunait. Ma mélancolie m'avait quitté et je causai joyeusement avec tous les jeunes gens qui étaient la. Apres déjeuner, il arriva un télégramme qui nous priait de rentrer en toute hâte a la maison, ma fille Christine et moi, parce que Carlo s'était trouvé tout a coup fort mal. Nous fîmes nos préparatifs de départ. Pendant ce temps il arriva un autre télégramme qui nous disait de nous hâter autant que possible parce que la maladie faisait de rapides progres.

Mais, bien que nous eussions pris le premier train, nous n'arrivâmes a Florence qu'a la nuit; et la nous apprîmes, a notre profonde horreur, que juste au moment ou le matin je l'avais vu sur le rocher, il sentait que ses instants  étaient comptés et qu'il m'appelait continuellement, désolé de ne pas me voir. J'embrassai son front glacé avec un profond chagrin, car nous avions toujours vécu ensemble et nous nous étions toujours aimés. Et je pensai : « Pauvre cher Charles, il a tenu sa parole !... »

« SEBASTIANO FENZI. »

Le Giovanni, cousin du chevalier Fenzi, par une lettre adressée d’Athenes, datée du 3 mai 1884, confirme en tous points le récit de son parent :

« Mon cousin Sébastiano Fenzi de Florence m'a envoyé votre lettre du 13 mars dernier en me priant de vous raconter les circonstances étranges qui ont accompagné la mort de son frere Carlo Fenzi, en septembre 1881, circonstances qui ont fait et qui ont laissé une profonde impression sur mon esprit.

« Je vais essayer de vous raconter toute l'affaire; il y a de cela pres de trois ans, c'est vrai, mais cet événement est si étrange que j'en ai gardé un clair souvenir.

« Comme j'étais en Italie, dans l'automne de 1881, j'en profitai pour faire visite a mes parents. J'appris a Milan que la plus grande partie de ma famille était a Fortullino, la villa que possédait mon cousin au bord de la mer. Fortullino est une charmante villa située a la crete d'une falaise et entourée d'arbres et de buissons touffus. J'arrivai chez mon cousin dans les derniers jours d'aout. Le temps au commencement de mon séjour fut fort mauvais ; la mer était grosse, il pleuvait, il tonnait sans cesse. Je me souviens que, le matin de la mort de mon cousin Charles (personne ne pensait alors que sa fin fut si proche), je cédai a ma faiblesse favorite et je sortis seul pour faire une course le long du rivage; je descendis jusqu'a la greve et, sautant de rocher en rocher, tantôt grimpant, tantôt tournant des rocs trop élevés, j'allai jusqu'a un coude du rivage qui me cachait la villa.

« Comme je revenais pour le déjeuner, je fus aveuglé par la pluie que le vent me chassait dans le visage, et craignant un accident, j'entrai dans le bois ; mais le fourré était si touffu et le sol si mouillé que je me décidai a continuer ma course a découvert. Je sortis du bois en face de la maison ; a ma grande surprise, je vis mon cousin debout au bord de la falaise. Quand je fus aupres de lui, il me dit qu'il devait y avoir entre nous un air de famille bien singulier, car il m'avait pris pour son frere Carlo, mais qu'il ne comprenait pas comment, étant sur le rocher, j'avais pu entrer dans le bois sans qu'il me vit, et en sortir si brusquement. Je lui répondis qu'il ne m'avait pas vu sur le rocher avant ma sortie du bois, car j'étais alors hors de sa vue; puis nous ne parlâmes plus de cela. On finissait a peine de déjeuner, lorsqu'il arriva un télégramme priant mon cousin et sa fille de se rendre a Florence. Carlo était tres malade. Ils partirent de suite et je restai, sur sa demande, a Fortullino avec le reste de la famille. Nous apprîmes bientôt que Carlo Fenzi était mort a peu pres au moment ou Sébastiano s'était imaginé m'avoir pris pour son frere.

« JOHN DOUGLAS DE FENZI »

Cas du docteur Nicolas, comte Gonemys, Corfou.

« février 1885.

« En 1869, j'étais médecin major dans l'armée grecque. Par ordre du ministere de la Guerre, je fus attaché a la garnison de l'île de Zante. Comme j'approchais de l'île ou j'allais occuper mon nouveau poste (j'étais a une distance du rivage d'environ deux heures), j'entendis une voix intérieure me dire sans cesse en italien: « Va voir Volterra ». Cette phrase fut répétée si souvent que j'en fus étourdi. Quoique, en bonne santé en ce moment, je fus alarmé par ce que je croyais une hallucination auditive. Rien ne me faisait penser au nom de M. Volterra, qui habitait a Zante, et que je ne connaissais meme pas, bien que je l'eusse vu une fois, dix ans auparavant. J'essayai de me boucher les oreilles, de causer avec mes compagnons de voyage, rien n'y fit, la voix continua de se faire entendre de la meme maniere. Enfin nous atterrîmes; j'allai droit a l'hôtel, et je m'occupai de défaire mes malles; mais la voix ne cessait de me harceler. Un peu plus tard, un domestique entra, et me prévint qu'un monsieur était a la porte et désirait me parler de suite. « Qui est-ce ? demandai-je. - M. Volterra », me répondit-on. M. Volterra entra, tout en larmes, en proie au désespoir, et me suppliant de le suivre, de voir son fils, qui était tres malade. Je trouvai le jeune homme en proie a la folie et au délire, nu dans une chambre vide, et abandonné par tous les médecins de Zante, depuis cinq ans. Son aspect était hideux, et rendu plus affreux par des acces continuels, accompagnés de sifflements, de hurlements, d'aboiements, et d'autres cris d'animaux., Quelquefois, il se tordait sur le ventre, comme un serpent ; d'autres fois A tombait sur les genoux, dans une extase ; parfois il parlait et se querellait avec des interlocuteurs imaginaires. Les crises violentes étaient parfois suivies de syncopes prolongées et completes. Lorsque j'ouvris la porte de sa chambre, il s'élança sur moi avec furie, mais je restai immobile, et le saisis   par le bras, le regardant fixement. Au bout de quelques instants, son regard perdit de sa force; il se prit a trembler et tomba a terre, les yeux fermés. Je lui fis    des passes magnétiques, et en moins d'une demi-heure il était dans un état somnambulique. La cure dura deux mois et demi, durant lesquels j'observai plus d'un phénomene intéressant. Depuis sa guérison, le patient n'a plus eu de rechute. »

« Une lettre de M. Volterra au comte Gonémys, datée de Zante le 7 juin 1885, contient une confirmation complete de ce qui est raconté plus haut et qui a trait a la famille Volterra. La lettre conclut ainsi:

« Avant votre arrivée a Zante, je n'avais aucune relation avec vous, quoique j'aie passé bien des années a Corfou comme député de l'Assemblée législative; nous ne nous étions jamais parlé, et je ne vous avais jamais dit un mot de mon fils. Comme je l'ai déja dit, nous n'avions jamais pensé a vous, ni demandé votre aide, jusqu'a ce que j'aie été vous voir lorsque vous etes venu a Zante comme médecin militaire et que je vous aie supplié de sauver mon fils.

« Nous devons sa vie d'abord a vous, puis au magnétisme. Je crois de mon devoir de vous affirmer ma reconnaissance sincere et de signer votre bien affectueux et bien reconnaissant,

« DEMETRIO VOLTERRA, comte CRISSOPLEVRI.

Signatures additionnelles :

« LAURA, VOLTERRA (femme de M. Volterra),

« DIONISIO D. VOLTERRA, comte CRISSOPLEVRI,

« ANASTASIO VOLTERRA, le malade guéri.

« C. VASSAPOULOS (come testimonio),

« DEMETRIO, comte GUERINO (confermo),

« LORENZO T. MERCATI. »

Nous connaissons plusieurs cas inédits de télépathie que nous regrettons de ne pouvoir donner a cause du cadre restreint de notre travail. Cependant, nous citerons le cas de Louis Jacolliot, parce qu'il démontre bien que le percipient n'a nul besoin d'etre un sensitif ou un déséquilibré, comme d'aucuns disent, pour que l'hallucination véridique se produise.

Tous ceux qui ont connu l’éminent écrivain savent combien il avait l'âme forte.

Louis Jacolliot, quoique mort relativement jeune, était doué d'une volonté de fer et d'un tempérament d'acier : il n'était donc point prédisposé aux hallucinations; d'ailleurs, celle que nous faisons connaître est la seule qu'il ait eue dans le cours de son existence.

Ce hardi voyageur, quand il était magistrat a Chandernagor, se livrait a de fréquentes battues dans les Jungles.

Dans une de ses chasses au tigre, une nuit, pendant qu'il dormait tranquillement dans son hamac, il fut secoué violemment, ce qui le réveilla. Surpris et ne comprenant point la cause de cette secousse, il regarda tout autour de lui sans rien apercevoir de suspect. Il se disposait a se rendormir, lorsque, a nouveau, son hamac fut agité. Cette fois, croyant a un danger quelconque, il saute de son hamac, prend sa carabine, l'arme et regarde en tous sens ; mais, son examen n'ayant pas plus de succes que la premiere fois, voyant que tout était calme, il se mit a réfléchir sur cet incident.

A peine deux minutes s'étaient écoulées qu'il perçoit nettement une voix l'appeler deux fois par son prénom. A cet appel, il leve la tete et voit, en face de lui, son pere, qui lui faisait des signes d'adieu. A cette vue un léger tremblement nerveux l'agita des pieds a la tete.

Louis Jacolliot ne négligeait jamais de prendre des notes. Il consulta sa montre: elle marquait minuit 35.

Peu de temps apres, le courrier de France lui apporta une lettre de sa sour aînée dans laquelle elle lui apprenait la mort de leur pere.

D'apres ses calculs, le fils constata que la mort de son pere coincidait exactement avec le jour et l'heure de l'apparition.

Nous tenons ce récit de Louis Jacolliot lui-meme et, quoique nous ayons égaré, depuis plus de dix ans, le document qu'il nous remit et ou tous les détails du fait étaient consignés, nous ne croyons pas inutile, a cause de l'importance du personnage, de le rapporter.

Récit fourni par le Rév. W. Stainton Moses.

« Il y a deux ans environ, W. L ... quitta l’Angleterre pour l'Amérique. Neuf mois apres, il se maria, il espérai t amener sa femme dans son pays pour la présenter a sa mere, qu'il aimait tendrement. Le 4 février il tomba malade subitement ; il mourut le 12 du meme mois, vers 8 h. du soir. Cette nuit-la, environ trois quarts d'heure apres que les parents de W. L... étaient allés se coucher, la mere entendit clairement la voix de son fils lui parler ; son mari, qui entendit aussi cette voix, demanda a sa femme si c'était elle qui parlait, ni l'un ni l'autre ne s'étaient endormis, et elle répondit. « Non, reste tranquille ». La voix continua:

« Comme je ne puis venir en Angleterre, Mere, je suis venu te voir. » Les deux parents croyaient a ce moment leur fils en bonne santé en Amérique, et attendaient chaque jour une lettre annonçant son retour a la maison. Ils prirent note de cet incident qui les avait beaucoup frappés et, lorsqu'une quinzaine plus tard la mort du, fils arriva, ils virent qu'elle correspondait avec la date a laquelle la voix de « l'esprit » avait annoncé sa présence en Angleterre. La veuve déclara que les préparatifs du départ étaient presque terminés a ce moment-la, et que son mari était tres désireux d'aller en Angleterre voir sa mere. »

Cas de Mme Cox, Summer Hill, Queenstown, Irlande.

« 26 décembre 1883.

« Dans la nuit du 21 aout 1869, entre 8 et 9 heures, j'étais assise dans ma chambre a coucher, dans la maison de ma mere, a Devonport. Mon neveu, un garçon, de sept ans, était couché dans la piece voisine, je fus tres surprise de le voir entrer tout a coup en courant dans ma chambre ; il criait d'un ton effrayé: « Oh ! tante je viens de voir mon pere tourner autour de mon lit ! » Je répondis : « Quelle betise ! tu as du rever. » Il dit : « Non, je n'ai pas revé », et il refusa de retourner dans sa chambre. Voyant que je ne pouvais lui persuader d'y rentrer, je le mis dans mon lit.

Entre 10 et 11 heures, je me couchai. Une heure apres environ, je crois, je vis distinctement, en regardant du côté de l'âtre, a mon grand étonnement, la forme de mon frere assise sur une chaise, et, ce qui me frappa particulierement, ce fut la pâleur mortelle de sa figure (mon neveu a ce moment était tout a fait endormi). Je fus si effrayée (je savais qu'alors mon frere était a Hong-Kong) que je me cachai la tete sous les couvertures. Peu apres, j'entendis nettement sa voix m'appeler par mon nom ; mon nom fut répété trois fois. Lorsque je regardai, il était parti. Le lendemain matin, je dis a ma mere et a ma sour ce qui était arrivé, et je dis que j'en prendrais note, ce que je fis. Le courrier suivant de Chine nous apporta la triste nouvelle de la mort de mon frere; elle avait eu lieu le 11 aout 1869, dans la rade de Hong-Kong, subitement (par suite d'insolation).

« MINNIE, COX. »

« Nous avons reçu de l'Amirauté la confirmation officielle de la date de la mort. »

Ces deux observations d'hallucination collective ne sont pas isolées, loin de la. D'autres ou des animaux domestiques ont vu, entendu et senti comme les humains ne sont pas rares. Nous répétons que des milliers de cas ont été enregistrés et scrutés par des hommes de science et que, aujourd'hui, nier ce phénomene c'est nier la lumiere du jour.

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